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Trop vertueux soutien du parti de l'erreur ; Qui signalant toujours son zèle et sa prudence', Servit également son Eglise et la France; Censeur des courtisans, mais à la Cour aimé; Fier ennemi de Rome, et de Rome estimé. Chartreuse de

et dans ceux-ci de la
Gresset:

J'ai vu mille peines cruelles
Sous un vain masque de bonheur;
Mille petitesses réelles

Sous une écorce de grandeur;
Mille lâchetés infidèles

Sous un coloris de candeur..

Cette figure si brillante doit être employée rarement dans un Ouvrage sérieux, et par-tout ailleurs même, avec quelques ménagemens. Des antithèses trop multipliées deviendroient puériles et fatigantes. Cette figure n'est réellement belle, que lorsque les pensées opposées sont naturelles, tirées du fond du sujet, et qu'elles servent à se donner réciproquement de la justesse et de la clarté. Le sermon de Massillon sur le triomphe de la Religion en fournit un bien bel exemplé. Le voici .

« Un Prince qui craint Dieu, et qui » gouverne sagement ses peuples, n'a plus >> rien à craindre des hommes. Sa gloire » toute seule auroit pu faire des envieux; »sa piété rendra sa gloire même respecta»ble ses entreprises auroient trouvé des » censeurs; sa piété sera l'apologie de sa

"Compa

» conduite: ses prospérités auroenit excité la jalousie ou la défiance de ses voisins; » il en deviendra par sa piété l'asyle et » l'arbitre. Ses démarches ne seront jamais » suspectes, parce qu'elles seront toujours

annoncées par la justice. On ne sera » pas en garde contre son ambition, parce » que son ambition sera toujours réglée » par ses droits. Il n'attirera point sur ses » Etats le fléau de la guerre, parce qu'il » regardera comme un crime de la porter » sans raison dans les Etats étrangers. Il >> reconciliera les peuples et les Rois, loin » de les diviser pour les affoiblir, et pour » élever sa puissance sur leurs divisions et » sur leur foiblesse. Sa modération sera

le plus sûr rempart de son empire: il » n'aura pas besoin de garde qui veille à » la porte de son Palais; les cœurs de »ses sujets entoureront son trône, et brille»ront autour à la place des glaives qui » le défendent. Son autorité lui sera inu» tile pour se faire obéir; les ordres les » plus sûrement accomplis sont ceux que l'a>>mour exécute; et la soumission sera >> sans murmure, parce qu'elle sera sans » contrainte. Toute sa puissance l'auroit » rendu à peine maître de ses peuples; » par la vertu il deviendra l'arbitre même des Souverains »>.

La comparaison est une figure par raison. laquelle on présente les rapports de deux objets, pour orner ou pour éclaircir ses pensées. En voici une bien noble et bien belle, tirée de l'Oraison funèbre de Hen

riette-Marie de France (a), Reine d'Angleterre, par Bossuet.

« Comme une colonne, dont la masse solide paroît le plus ferme appui d'un » temple ruineux, lorsque ce grand édifice qu'elle soutenoit, fond sur elle sans » l'abattre : ainsi la Reine se montre le » ferme soutien de l'Etat, lorsqu'après en » avoir long-temps porté le faix, elle n'est » pas même courbée sous sa chûte ».

Le Télémaque de Fénelon est plein de comparaisons également riches et agréables. Je me borne à celle-ci.

» A le voir påle, abattu et défiguré, » on auroit cru que ce n'étoit point Télémaque (b). Sa beauté, son enjoue>>ment, sa noble fierté s'enfuyoient loin de » lui. Il périssoit, tel qu'une fleur qui étant » épanouie le matin, répand ses doux » parfums dans la campagne, et se flétrit » peu-à-peu vers le soir ses vives cou» leurs s'effacent; elle languit, elle se » desséche; et sa belle tête se penche, » ne pouvant plus se soutenir Ainsi le fils » d'Ulysse (c) étoit aux portes de la mort".

La comparaison doit être courte le plus qu'il est possible, et offrir un rapport convenable entre l'objet comparé et celui auquel on le compare: elle doit, de plus, être relevée P r la justesse des expressions.

On peut rapporter à cette figure le pa

(a) Voyez ce mot, dans les notes, à la fin
de ce Volume
ibid.

(b) Voyez ce mot,
(c) Voyez ce mot, ibid.
Tome I.

L

i

Description,

rallelé, qui n'est autre chose que la com-
paraison de deux hommes illustres, comme
on le voit dans celui-ci, que la Motte a
fait de Corneille et de Raçine :

Des deux souverains de la scène
L'aspect a frappé nos esprits:

C'est sur leurs pas que Melpomène (a)
Conduit ses plus chers favoris,

L'un plus pur, l'autre plus sublime,
Tous deux partagent notre estime
Par un mérite différent :

Tour-à-tour ils nous font entendre

Ce

que le cœur a de plus tendre, Ce que l'esprit a de plus grand.

La description est en général une figure par laquelle nous présentons l'image d'un objet. Je vais essayer d'en donner une idée dans l'exemple suivant, queje suis bien loin de propo er pour modéle

« Quel plaisir d'être assis, à la pointe du » jour, sur le bord de la mer! sans doute le » passage des ténébres à la lumière, et le "lever du soleil sont, en quelque lieu qu'on » se trouve, le plus beau spectacle que » l'homme puisse admirer. Mais ce spectacle » est pour nous plus ou moins ravissant, » suivant les objets qui nos entourent, et

qui excitent en nous des sensations plus » ou moins vives. Sur le bord de la mer, » avant les premières lueurs de l'aurore, » l'air est plus pur et plus frais : la plus que

(a) Voy z ce mot, dans les notes, de ce Volume.

à la fin

» par-tout ailleurs, il porte une nouvelle vie » dans les sens, et régénère toutes les >> facultés de l'âme. Le bruissement des flots >> mollement agités, qui seul trouble en ce >> moment le calme profond de la nature, » n'aura peut-être rien d'extrêmement » doux et flatteur pour nous, qui aurons » entendu le bruit d'une rivière tranquille, » ou le murmure d'un ruisseau qui ser» pente dans un bocage. Mais la vue d'une > immensité d'eau, dont les bornes parois» sent être celles de l'univers, et qui rem> brunie sous les ombres de la nuit, reprend » insensiblement son azur, à la clarté gra» duelle du jour naissant: de longs traits de » lumière qui paroissent jaillir du sein des "eaux pour dorer l'horizon: un tourbillon » de feux et d'éclairs étincelans, qui sem» blent embraser cette surface liquide, pour » annoncer le flambeau de la terre et des » cieux enfin ce grand astre, dont le globe » resplendissant paroît s'élancer du milieu » des ondes, réalisant, en quelque sorte, » les fictions des anciens poëtes! quoi de » plus majestueux, de plus imposant que ce » spectacle! ah! qu'il est propre à élever » l'âme jusqu'à l'être des êtres ! J'en ai joui » plusieurs fois ; et je ne suis sorti de mon >> enchantement, que pour m'écrier : heu>> reux les habitans de cette délicieuse con

:

trée heureux de pouvoir à leur gré » contempler tous les jours ce que la nature »a de plu admirable et ce qui peut le plus faire sentir à l'homme sa noblesse et »sa dignité »>!

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