Qu'Amour fût doué de la vue, Ce sont vos yeux qu'on choisirait.
Oh! combien je plains la misère Du malheureux qui n'y voit pas ! Pour lui le jour est sans lumière Et la beauté n'a point d'appas; Mais si son oreille ravie
Entend vos sons mélodieux, Il se console par l'ouïe
Du malheur de n'avoir point d'yeux.
Hélas! si j'osais, moins timide, Baiser des traits que je chéris, Je croirais, sur ma bouche avide, Presser le suc d'un fruit exquis. Doux nectar, divine ambroisie, Vous délectez le goût des dieux : Si mes lèvres touchaient Zélie, J'aurais autant de plaisir qu'eux.
Parmi ces déesses qu'on vante, Flore est celle qui me séduit; C'est moins sa beauté qui m'enchante, Que l'air parfumé qui la suit. Pour Flore l'odorat s'éveille; Elle en fait le sens le plus doux; On croit respirer sa corbeille Lorsqu'on se trouve auprès de vous
L'odorat, la vue et l'ouïe,
Le goût, sont des sens précieux; Mais le toucher... ô ma Zélie!
Je crois que le toucher vaut mieux ; Sur des appas comme les vôtres, Combien ses larcins seraient doux! Sens charmant! si l'on perd les autres, Toi seul peux les remplacer tous.
SALUT, O DIVINE ESPERANCE
Salut, ô divine Espérance! Toi dont le charme séducteur Donne une aile à la jouissance, Ote une épine à la douleur. Quand sur ton sein l'homme repose, Ah! qu'il goûte un doux abandon! Si le Plaisir est une rose, L'Espérance en est le bouton.
Ton ancre soutient la nacelle Du malheureux battu des vents; Toi seule lui reste fidèle Quand ses amis sont inconstants. Malgré les verrous effroyables, Dans un cachot tu suis nos pas. Si les enfers sont redoutables, C'est que tu n'y pénètres pas.
Des amours charmante nourrice, Que seraient-ils sans ton secours? Ce sont tes soins, ton lait propice Qui les font croitre tous les jours. En vain, après bien des traverses, Ils sont au comble de leurs vœux ; Sur tes genoux quand tu les berces, Ils sont souvent bien plus heureux.
Dans l'arc-en-ciel c'est ton image Qui rassure le laboureur; C'est toi qui, sur un bord sauvage,
Rend les forces au voyageur. Au temple même de la gloire, Irait-on par d'âpres chemins, Si les palmes de la victoire N'étaient offertes par tes mains?
Je te vois repousser dans l'ombre Et les craintes et les regrets, Et sur l'avenir le plus sombre Jeter un voile plein d'attraits.. Par les maux quand l'âme épuisée Touche à l'heure où tout n'est plus rien, Au loin tu montres l'Élysée,
Et la mort nous paraît un bien.
AIR L'autre nuit je réfléchissais.
L'autre nuit je réfléchissais Au doux plaisir de la tendresse; Inquiète, je m'agitais,
Du sommeil appelant l'ivresse. La lune, à travers mes volets, De mes yeux écartait Morphée; Soudain j'entendis ces couplets
Chantés sous ma croisée :
« Venez, venez calmer mes maux, O ma charmante Éléonore!
Tout dort dans un parfait repos,
Mais pour vous Lindor veille encore. Réveillez-vous, il est minuit, Que l'Amour éloigne Morphée! St, st, st, st, st, st, st, st, Ouvrez votre croisée. »>
Mon cœur, dès le premier moment, Crut que c'était une méprise; Bientôt la voix de mon amant Me cause une douce surprise. Je me lève et, sans aucun bruit, Au balcon je cours transportée; « Lindor, Lindor, st, st, st, st, Je suis à la croisée.
- Je viens, dit-il, pour implorer De vous la faveur la plus chère; D'ici je ne puis vous parler,
Et mon cœur ne saurait se taire. >> A ces mots, Lindor, plein d'ardeur, Jugez si je fus étonnée,
Profitant du peu de hauteur, Monte par la croisée.
Le voilà dans l'appartement, Me jurant une ardeur sincère; Le bruit qu'il fit apparemment, Près de là réveilla ma mère. Lindor, entendant quelques pas, Me dit : « Ne sois pas effrayée! Je sais qu'il faut, en pareil cas, Sauter par la croisée. »
Maman entra comme il sortait, Me demandant d'un ton sévère Pourquoi, tandis qu'elle dormait, Le bruit que je venais de faire. « Maman, j'ai trouvé sous ma main Un moineau de fraîche couvée;
A votre approche, il s'est soudain Sauvé par la croisée. »
IL EST TEMPS, MA CHÈRE SONNETTE
Il est temps, ma chère sonnette, Que je t'apprenne ton devoir, Car ton bruit, petite indiscrète, Me trompe du matin au soir. Je crois voler vers ce que j'aime, J'ouvre au plus triste des sergents. Ah! devrais-tu sonner de même Pour deux êtres si différents?
Quand, vers la brune, ma maîtresse Viendra t'agiter sous ses doigts, Pour que mon cœur la reconnaisse, Imite le son de sa voix,
Mais quand un créancier farouche Vient t'ébranler dès le matin,
Pour nommer la main qui te touche, Imite le son du tocsin.
Lorsque pour chanter une gamme, Un vieil oncle sonne chez moi, Que le bourdon de Notre-Dame Soit moins monotone que toi. Mais quand une lettre d'Elvire M'est apportée en tapinois, Imite le son de sa lyre, On ne sonnera pas deux fois.
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