L'on pouvait partout sûrement Labourer dans son héritage, Si hardiment que nul outrage, Nul chagrin, n'eussent été faits Sous peine d'encourir dommage Hélas! le bon temps que j'avais!
De paix et de tranquillité Lors on était en sauvegarde. Justice avait autorité.
De nul danger on n'avait garde; Près du riche, l'âme gaillarde, Fier, quoique pauvre, je marchais, Sans redouter la hallebarde. Hélas! le bon temps que j'avais !
Il n'était en cette saison De loger par fourrier, nouvelles, Ni chez nous mettre garnison; Mais faire chère des plus belles, Prendre à deux mains grandes bouteilles, Manger bien chaud, boire bien frais, Et chanter sous les vertes treilles. Hélas! le bon temps que j'avais!
Eh! croyez-vous qu'il faisait bon En ces beaux prés, à table ronde, A voir le beau, le gras jambon, La sauce en écuelle profonde, Deviser de Margot la blonde; Et puis danser sous la saulsais, Il n'était autre joie au monde. Hélas! le bon temps que j'avais !
Du temps du feu roi trépassé 1, On ne volait point par la ville; Je n'étais point éclaboussé
1 Charles VII; donc cette chanson était écrite sous le règne du terrible Louis XI.
Par des gens d'humeur incivile. Les sergents, trottant à la file, Ne demandaient point où j'allais; Je marchais, gai, libre et tranquille. Hélas! le bon temps que j'avais !
MARTIAL D'AUVERGNE.
Rosette, pour un peu d'absence Votre cœur vous avez changé, Et moi, sachant cette inconstance, Le mien autre part j'ai rangé. Jamais plus beauté si légère Sur moi tant de pouvoir n'aura : Nous verrons, volage bergère,
Qui premier s'en repentira.
Tandis qu'en pleurs je me consume,
Maudissant cet éloignement,
Vous qui n'aimez que par coutume, Caressez un nouvel amant.
Jamais légère girouette
Au vent sitôt ne se vira... Nous verrons, bergère Rosette, Qui premier s'en repentira.
Où sont tant de promesses saintes, Tant de pleurs versés en partant? Est-il vrai que ces tristes plaintes Sortissent d'un cœur inconstant?
Dieux! que vous êtes mensongère ! Maudit soit qui plus vous croira! Nous verrons, volage bergère, Qui premier s'en repentira.
Jamais celui qui me remplace Ne vous aimera tant que moi; Et celle que j'aime vous passe, De beauté, d'amour et de foi. Gardez bien votre amitié neuve, La mienne plus ne variera; Et puis nous verrons, à l'épreuve, Qui premier s'en repentira.
Ce poëte vivait sous le règne de Henri III.
Ont depuis peu beaucoup d'amants; On dit qu'il n'en manque à personne; Béni soit Dieu! l'année est bonne.
Nous avons vu les ans passés Que les amants étaient glacés; Mais maintenant tout en foisonne ; Béni soit Dieu! l'année est bonne.
Le temps n'est pas bien loin encor Qu'ils se vendaient au poids de l'or, Et pour le présent on les donne; Béni soit Dieu! l'année est bonne!
Le soleil de nous rapproché Rend le monde plus échauffé; L'Amour règne, le sang bouillonne; Béni soit Dieu ! l'année est bonne.
Poëte très-fort dans les bonnes grâces de Richelieu, puis de Mazarin. Il fut de l'Académie dès sa création, en 1635. Coryphée de l'hôtel de Rambouillet, il fut trop encensé de son vivant; la postérité a fait justice d'une gloire un peu usurpée.
Si l'Amour est un doux servage, Si l'on ne peut trop estimer Les plaisirs où l'Amour engage, Qu'on est sot de ne pas aimer!
Mais, si l'on se sent enflammer D'un feu dont l'ardeur est extrême, Et qu'on n'ose pas l'exprimer, Qu'on est sot alors que l'on aime!
Si, dans la fleur de son bel âge, Une qui pourrait tout charmer Vous donne son cœur en partage, Qu'on est sot de ne pas aimer !
Mais s'il faut toujours s'alarmer, Craindre, rougir, devenir blême Aussitôt qu'on s'entend nommer, Qu'on est sot alors que l'on aime!
Pour complaire au plus beau visage Qu'Amour puisse jamais former,
S'il ne faut rien qu'un doux langage, Qu'on est sot de ne pas aimer!
Mais quand on se voit consumer, Si la belle est toujours de même, Sans que rien la puisse animer, Qu'on est sot alors que l'on aime!
En amour si rien n'est amer, Qu'on est sot de ne pas aimer! Si tout l'est au degré suprême, Qu'on est sot alors que l'on aime!
Cette chansonnette, d'une forme si originale, et curieuse par cela même qu'elle remonterait à plus de deux cents ans, ne serait-elle pas l'œuvre de Marigny, le fougueux pamphlétaire ennemi de Mazarin? Nous ne saurions l'assurer; mais combien d'écrivains, ou politiques ou folliculaires, ont commencé, de tout temps, par d'innocentes idylles!
AIR Réveillez-vous, belle endormie.
Réveillez-vous, belle dormeuse, Si ce baiser vous fait plaisir; Mais si vous êtes scrupuleuse, Dormez, ou feignez de dormir.
Craignez que je ne vous éveille : Favorisez ma trahison.
Vous soupirez... votre cœur veille;
Laissez dormir votre raison.
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