Tous deux ils s'y rendirent : Daphnis s'assit, Philis s'assit;
Tous les deux ils s'assirent.
Le berger, de violettes Fait un bouquet pour Philis; Philis, de tendres fleurettes En prépare un pour Daphnis. Tous deux ils se l'offrirent: Daphnis le prit, Philis le prit:
Tous les deux se le prirent.
« Permets, dit-il, que je mette Mon bouquet dans ton corset. - Du mien, lui dit la fillette, Je veux orner ton bonnet. >> Tous deux y consentirent. Daphnis lui mit, Philis lui mit;
Tous les deux se le mirent.
« D'être constante et fidèle, Fais-moi, lui dit-il le serment.
Et toi, fais-le-moi, dit-elle, D'être fidèle et constant. »> Tous deux y consentirent.
Daphnis le fit,
Philis le fit;
Tous les deux se le firent.
CHANTONS LES MATINES DE CYTHÈRE
Chantons les matines de Cythère;
Tout ce qu'on y fait s'y fait à deux.
Oui, ce n'est qu'à deux qu'on peut bien faire L'office du dieu qui rend heureux.
L'art d'aimer n'est rien sans l'art de plaire, C'est de cet office une leçon;
Et joindre le plaisir au mystère,
Des amants heureux c'est l'oraison.
Chantons les matines, etc.
Voulez-vous savoir quelle est l'antienne Qu'on entonne en ce temple charmnant? « Qu'importe à deux cœurs que la nuit vienne, Si la nuit n'amène le moment? >>
Chantons les matines, etc.
Qu'aux autels du dieu l'on porte un cierge,
C'est à la prêtresse à l'allumer;
Le clerc met la mèche à l'huile vierge Que la novice y vient consommer.
Chantons les matines, etc.
Couronne-t-il un couple fidèle,
La bouche et le cœur font le serment, Ou sa flamme n'est qu'une étincelle Qu'allume et qu'éteint le moindre vent.
Chantons les matines, etc.
Pour voir l'autel du dieu qu'on adore, A peine a-t-on assez de deux yeux! Souvent le plaisir les ferme encore, Deux amants ne l'en aiment
Chantons les matines, etc.
L'Amour vient quand la beauté l'appelle; Des droits du dieu la déesse instruit. Le fuit-elle? Il ne bat que d'une aile; Mais il en a deux quand il la suit.
Chantons les matines de Cythère; Tout ce qui s'y fait s'y fait à deux. Oui, ce n'est qu'à deux qu'on peut bien faire L'office du dieu qui rend heureux.
Poëte aimable et gracieux, né en 1727, comme nous l'avons déjà dit, et mort président honoraire et doyen du Caveau moderne, en 1811.
UN CHANOINE DE L'AUXERROIS
Un chanoine de l'Auxerrois S'endormit la veille des Rois Au chœur de Saint-Étienne. Un chantre lui vint annoncer Que c'était à lui de chanter
La quatrième antienne; Alors, s'éveillant en sursaut, Au lieu d'antienne, il dit tout haut: «Eh! bon, bon, bon,
Que le vin est bon!
A ma soif j'en veux boire. »
Je fus un jour aux Célestins, Sur les sept heures du matin, Parler à l'un des pères; Mais le portier me répondit: « Monsieur, ils sont encore au lit; Ils ont eu des affaires. Excusez leur infirmité,
Toute la nuit ils ont chanté : Eh! bon, bon, bon, » etc.
Je vis hier un cordelier Entrer chez un cabaretier, Voulant me faire accroire Qu'il entrait là pour prier Dieu. Moi, je lui dis que dans ce lieu N'était point d'oratoire ; Mais d'un bon vin ayant goûté, Le drôle aussitôt a chanté :
<< Eh! bon, bon, bon, » etc.
Après avoir bu tout le jour, Le bon apôtre fit un tour : Il fut voir une femme, Et lui représentant alors, Que ce qui va dans notre corps Ne souille point notre âme,
Il la baisa cinq ou six fois, Puis il chantait à haute voix : « Eh! bon, bon, bon,
Que le vin est bon !
Qu'en dites-vous, madame? »
AIR Jupiter, un jour, en fureur.
Jupiter, un jour en fureur, Avait banni l'Amour sur terre; Gourmand et ne voulant rien faire, Il se mit frère quêteur. D'un personnage respectable, Avec l'habit il prend le ton; Frère Amour en capuchon Ne pouvait qu'être aimable.
Le voilà qui, tout marmottant, Se fait accès dans les familles, Escamote le cœur des filles, Et des mères prend l'argent. Il fait tant par son éloquence, Qu'il damne au lieu de convertir, Et fait aimer le plaisir
En prêchant la pénitence.
Un soir il frappe à la maison De la jeune et simple Glycère, Qui saintement avec sa mère S'appliquait à l'oraison. Son habit le fait introduire; La petite court au trésor. On donne encor, puis encor: La tasse ne peut suffire.
En échange, d'un air contrit, Le frère apprend une prière Qui n'est point dans le bréviaire Où tous les jours elle lit.
« PreviousContinue » |