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Je t'aimerai, me répétait Sylvie :

L'eau coule encore: elle a changé pourtant. Plaisir d'amour ne dure qu'un moment; Chagrin d'amour dure toute la vie.

AIMEZ, AIMEZ

AIR connu.

1785

FLORIAN.

Aimable et folâtre jeunesse,
Vous qui d'un pied si léger
Venez fouler avec adresse
L'herbe de notre verger,
Pourquoi fuyez-vous de Cythère
Les jeux, les ris et les plaisirs?
Si la nature est votre mère,
N'étouffez donc pas ses désirs.

Voyez, sur la verte feuillée,
A ces robustes ormeaux
La faible vigne mariée

Par ses plus tendres rameaux.
L'eau qui caresse ce rivage
Cache un peuple d'heureux amants;
Et l'oiseau, par son doux ramage,
D'amour chante les feux brûlants.

Sans lui tout est mort sur la terre,
Tout gémit dans l'univers ;
Le berger voit fuir sa bergère,
L'oiseau suspend ses doux concerts;
L'onde n'a plus son doux murmure,
Le soleil n'est plus radieux,

Et le réveil de la nature

Est quand l'amour ouvre les yeux.

MADAME NECKER.

Femme du célèbre ministre de Louis XVI, réunissant à la beauté, à l'érudition, à l'esprit, toutes les vertus, surtout celle de la bienfaisance. On lui doit la fondation, en 1778, de l'hospice Necker, à Paris. Nous ne comprenons pas que l'air de cette jolie romance, si connu depuis soixante ans, n'ait pas été noté dans la Clef du caveau.

JE T'AIME TANT

CLEF DU CAVEAU 285, 1015, 1427.

Je t'aime tant! je t'aime tant!

Je ne puis assez te le dire,
Et je le répète pourtant
A chaque fois que je respire!
Absent, présent, de près, de loin,
Je t'aime est le mot que je trouve;
Seul avec toi, devant témoins,
Ou je le pense, ou je le prouve.

Zélie, je t'aime en cent façons;
Pour toi seule je tiens ma plume:
Je te chante dans mes chansons,
Je te lis dans chaque volume.
Qu'une beauté m'offre tes traits,
Je te cherche sur son visage;
Dans les tableaux, dans les portraits,
Je veux démêler ton image.

En ville, aux champs, chez moi, dehors,
Ta douce image est caressée;

Elle se fond, quand je m'endors,
Avec ma dernière pensée.

Quand je m'éveille je te voi
Avant d'avoir vu la lumière,
Et mon cœur est plus vite à toi
Que le jour n'est à ma paupière.

Absent, je ne te quitte pas :
Tous tes discours je les devine;
Je compte tes soins et tes pas :
Ce que tu fais je l'imagine.
Près de toi suis-je de retour,

Je suis aux cieux, c'est un délire :
Je ne respire que l'amour,
Et c'est ton souffle que j'aspire.

Ton cœur est tout mon bien, ma loi;
Te plaire est toute mon envie :
Enfin, en toi, par toi, pour toi
Je respire et tiens à la vie.
Ma bien-aimée, ô mon trésor!
Qu'ajouterai-je à ce langage?
Dieu! que je t'aime! Eh bien, encor,
Je voudrais t'aimer davantage!

FABRE D'ÉGLANTINE.

LINVAL AIMAIT ARSÈNE

CLEF DU CAVEAU 387.

Linval aimait Arsène
Et ne put l'obtenir;
Traînant partout sa chaîne,
Il cherchait à mourir.
A la Trappe il espère
Terminer son ennui :
Il entre au monastère,
L'amour entre avec lui.

En lui donnant la haire,
Qu'il reçoit à genoux,

L'abbé lui dit : « Mon frère,
Quel nom porterez-vous?
-Ah! qu'on m'appelle Arsène,
Ce nom qui fit mon sort,
En redoublant ma peine,
Avancera ma mort. »>

Frère Arsène est novice
Et, brûlant de ferveur,
Des pointes d'un cilice
Ensanglante son cœur.
Son espérance est vaine,
Ce fer l'a déchiré;
Mais au portrait d'Arsène
Il n'a point pénétré.

Il se passe une année

Sans qu'il soit plus heureux;
Enfin vient la journée
De prononcer ses vœux.
Il hésite, il chancelle,
Sentant bien qu'à jamais
Son cœur sera fidèle
Aux premiers qu'il a faits.

Le désespoir l'emporte;
Mais dans l'instant fatal
Un homme est à la porte
Qui demande Linval :
On le refuse, il crie:
« Linval, mon doux ami,
Ton amante chérie
Vient t'arracher d'ici! »>

Au fond du monastère
Cette voix retentit,
Du pied du sanctuaire
Notre amant l'entendit.

Il court, hors de lui-même,
A des accents si doux;
Il voit l'objet qu'il aime
Et tombe à ses genoux.

Sa maîtresse adorée
Lui présente sa main;
La mort l'a délivrée
D'un tuteur inhumain.

Ce couple qui s'adore
Fuit loin de ce séjour ;
Tous deux pleurent encore,
Mais des larmes d'amour.

LE TOMBEAU

CLEF DU CAVEAU: 1252.

Dans un désert loin du hameau,
Sous un peuplier solitaire,
Hylas éleva ce tombeau,

Et sa main grava sur la pierre :
« Quiconque en ce lieu passera,
De douces larmes versera. »

Assis au pied du monument,
Fidèle à l'ombre qu'il adore,
Hylas lui conte son tourment,
Il lui parle, il l'appelle encore.
Écoutons ce qu'il va chantant.
Croyant que sa Lise l'entend :

« Hélas! tout près de nous unir Par le saint noeud du mariage, J'ai vu ma belle se mourir

FLORIAN.

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