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L faut, Monfieur, que vous ayez eu la bonté de m'envoyer, il y a fix mois, votre horofcope d'augufte; car M. Thiriot me l'a fait tenir depuis huit jours. Souffrez que je vous remercie en droiture; fi je m'adreffais à lui, ma lettre ne vous parviendrait qu'en 1766. J'aurais, fi je voulais, un peu de vanité; car j'ai toujours été de votre avis fur tout ce que vous avez écrit. Souvenez-vous, je vous prie, de la difpute fur la masse multipliée par le carré de la vîteffe. Je foutins votre opinion contre toute la mauvaise foi de Maupertuis qui avait féduit madame du Châtelet. Vous m'avez éclairé de même fur plufieurs points de physique. Je vous trouve par-tout auffi exact qu'ingénieux. Il n'y a que les Egyptiens fur lefquels je ne me fuis pas rendu. J'aime tant les Chinois et Confucius, que je ne peux croire qu'ils tiennent rien du peuple frivole et fuperftitieux d'Egypte.

De toutes les anciennes nations, l'égyptienne me paraît la plus nouvelle; il me femble impoffible que l'Egypte, inondée tous les ans par le Nil, ait pu être un peu floriffante avant qu'on eût employé dix ou douze fiècles à préparer le terrain. La plupart des régions de l'Afie, au contraire, fe prêtaient naturellement à tous les befoins des hommes. Le pays le plus aisement cultivable est toujours le premier habité. Correfp. générale. Tome VIII. B

1765.

Les pyramides font fort anciennes pour nous; mais, par rapport au refte de la terre, elles font d'hier; et, à l'égard de nous autres Gaulois ou Velches, il y a deux minutes que nous exiftons: c'eft peut-être ce qui fait que nous fommes fi enfans.

Adieu, Monfieur ; vous mériteriez d'exifter toujours. Agrécz, avec votre bonté ordinaire, la très-tendre et très-refpectueufe reconnaissance de votre, &c. V.

LETTRE X I.

A. M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU.

A Ferney, 27 de janvier.

MON héros, permettez que je prenne la liberté de

me vanter auprès de vous de l'honneur que j'ai d'être ami de M. d'Hermenches, fils d'un gros diable de général au service de Hollande, qui s'eft battu pendant quarante ans contre les Français; le fils a mieux aimé fe battre pour vous. Il est actuellement dans votre service, et il a défiré, comme de raison, d'être préfenté au général qui a le mieux foutenu la gloire de la France. Vous pouvez d'ailleurs le faire votre aide de camp auprès de mademoiselle d'Epinai, ou de mademoiselle d'Oligny, ou de mademoiselle Luzy, attendu que vous ne pouvez pas tout faire par vous-même. De plus, je dois vous certifier que c'eft l'homme du monde qui fe connaît le mieux en bonne déclamation. J'ai eu l'honneur de jouer le vieux

bon homme Lufignan avec lui. Il fefait Orofmane à mon grand contentement, et je le prends pour arbitre 1765. quand on m'accufera injuftement d'avoir donné des préférences à des filles. Il fait plus que perfonne avec quel enthousiasme je vous fuis attaché. Il fait que vous êtes la première de toutes mes paffions, et combien je lui envie le bonheur qu'il a de vous faire fa cour.

Agréez, Monfeigneur, le tendre et profond refpect de votre vieux courtifan, V.

LETTRE XII.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

28 de janvier.

Mon cher ange, d'abord, comment va la toux

ON

de madame d'Argental, et pourquoi touffe-t-elle ? enfuite, je remercie très-humblement M. le duc de Praflin du paffe-port.

Enfuite, vous faurez que je bataille toujours avec le tyran du tripot; mais vous fentez bien que je serai battu. Il y a de l'aigreur; on ne m'en a jamais dit la raison,

Il me femble, au fujet des roués, qu'il ne ferait pas mal d'attendre Pâques. Peut-être l'acteur dont vous me parlez, aura déployé alors des talens qui encourageront le petit ex-jéfuite.

Voulez-vous que je vous envoye un Portatif sous le couvert de M. le duc de Praflin? Je ne m'aviserai

1765.

pas

de prendre de ces libertés fans vos ordres précis. Les auteurs de cet ouvrage n'ont pas été affez loin; ils n'ont fait qu'effleurer les premiers temps du chriftianifme. Vous favez bien que Paul était une tête chaude; mais favez-vous qu'il était amoureux de la fille de Gamaliel. Ce Gamaliel était fort fage, il ne voulut point d'un fou pour fon gendre. Il avait à la vérité de larges épaules, mais il était chauve et avait les jambes torfes; fon grand vilain nez ne plaifait point du tout à mademoiselle Gamaliel. Il fe tourna du côté de Ste Thècle, dont il fut directeur : mais en voilà trop fur cet animal.

Mon cher ange, vivez gaiement, et aimez le plus que borgne.

LETTRE XIII.

A M. LE MARQUIS D'ARGENCE DE DIRAC.

JE

A Ferney, 29 de janvier.

E ne fuis point étonné, mon cher et aimable philofophe militaire, qu'un brave homme devienne poltron quand il eft fuperftitieux et ignorant. On eft brave à la guerre par vanité, parce qu'on ne veut pas effuyer de fes camarades le reproche d'avoir baiffé fa tête devant une batterie de canon; mais on n'a point de vanité avec la fièvre double tierce. On s'abandonne alors à toute fa misère, on laiffe paraître des frayeurs dont on ne rougit point, et un prêtre infolent fait plus de peur qu'une compagnie de

cuiraffiers. Nous recevons dans le moment votre pâté. Le pâtiffier aura beaucoup d'honneur, fi fes 1765. perdrix font arrivées fans barbe par le temps pourri que nous effuyons depuis un mois : nous en ferons inftruits dans quelques heures, et je vous en dirai des nouvelles à la fin de ma lettre.

Mon cher philofophe guerrier, n'envoyez plus de pâtés; il y a trop loin d'Angoulême à Ferney.

LETTRE XI V.

A M. LE COMTE D'ARGENTAL.

30 de janvier.

MON divin ange, vous êtes donc auffi l'ange

gardien de M. de Moultou; je parle du fils, car, pour le père, je crois que fa veffie lui jouera bientôt un mauvais tour, et qu'il comparaîtra devant les anges de là-haut. Le fils a le malheur d'être miniftre du faint Evangile dans le tripot de Genève; c'eft fon feul défaut. Madame la ducheffe d'Enville doit certifier à M. le duc de Praflin que mon petit Moultou eft très-philofophe et très-aimable, et point du tout prêtre. Il compte même, en partant de Genève, remercier les pédans fes confrères, et renoncer au plus fot des ministères.

Il craint toujours, et à mon avis très-mal à propos, qu'on ne lui faffe des chicanes en Languedoc, pour avoir prêché la doctrine de Calvin fur les bords du

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