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LEONO R.

Le fils eft moins cruel, Madame, avec la fille ;
Et vous n'êtes point faits pour vivre en ennemis.

CONSTANCE.

De tout temps la haine fépare

Le fang de Foix & le fang de Navarre.

LEONO R.

Mais l'amour eft utile aux raccommodemens.
Enfin dans vos raisons je n'entre qu'avec peine;
Et je ne crois point que la haine

Produife les enlèvemens.

Mais ce beau duc de Foix que votre cœur déteste, L'avez-vous vu, Madame ?

CONSTANCE.

Au moins mon fort funefte,

A mes yeux indignés n'a point voulu l'offrir.
Quelque hafard aux fiens m'a pu faire paraître.

LEONO R.

Vous m'avoûrez qu'il faut connaître
Du moins avant que de haïr.

CONSTAN C E.

J'ai juré, Léonor, au tombeau de mon père,
De ne jamais m'unir à ce fang que je hais.

LEONOR.

Serment d'aimer toujours, ou de n'aimer jamais, Me paraît un peu téméraire.

Enfin, de

peur des rois & des amans, hélas ! Vous allez dans un cloître enfermer tant d'appas.

CONSTANCE.

Je vais dans un couvent tranquille,
Loin de Gafton, loin des combats,
Cette nuit trouver un afile.

LEONO R.

Ah! c'était à Burgos, dans votre appartement,
Qu'était en effet le couvent.

Loin des hommes renfermée,
Vous n'avez pas vu seulement
Ce jeune & redoutable amant

Qui vous avait tant alarmée.

Grâce aux troubles affreux dont nos Etats font pleins,
Au moins dans ce château nous voyons des humains.
Le maître du logis, ce baron qui vous prie
A diner malgré vous, faute d'hôtellerie,
Est un baron absurde, ayant assez de bien,
Groffièrement galant avec peu de fcrupule;
Mais un homme ridicule

Vaut peut-être encor mieux que rien.

CONSTANCE.

Souvent dans le loifir d'une heureuse fortune,
Le ridicule amuse; on fe prête à ses traits ;
Mais il fatigue, il importune

Les cœurs infortunés & les efprits bien faits.

LEONO R.

Mais un esprit bien fait peut remarquer, je pense,
Ce noble cavalier fi prompt à vous fervir,

Qu'avec tant de refpects, de foins, de complaisance,
Au-devant de vos pas nous avons vu venir.

CONSTANCE.

Vous le nommez ?

LEONO R.

Je crois qu'il fe nomme Alamir.

CONSTANCE.

Alamir? il paraît d'une toute autre espèce

Que monfieur le baron.

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Oui. J'ai cru même y voir je ne fais quoi de tendre.

CONSTANCE.

Oh point. Dans tous les foins qu'il s'empreffe à nous rendre, Son respect eft fi retenu !

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Qu'il a deviné votre alteffe.

CONSTANCE.

Les voici, mais furtout point d'alteffe en ces lieux :
Dans mes deftins injurieux

Je conferve le cœur, non le rang de princeffe.
Garde de découvrir mon fecret à leurs yeux;
Modère ta gaîté déplacée, imprudente;

Ne me parle point en fuivante.

Dans le plus fecret entretien

Il faut t'accoutumer à paffer pour ma tante.

LEONO R.

Oui, j'aurai cet honneur, je m'en fouviens très-bien. CONSTANCE.

Point de respect, je te l'ordonne.

SCE NE I I.

DOM MORILLO & LE DUC DE FOIX en jeune officier, d'un côté du théâtre.

De l'autre, CONSTANCE & LEONOR.

MORILLO au duc de Foix, qu'il prend toujours pour

Alamir.

OH, oh, qu'eft-ce donc que j'entends?

La tante eft tutoyée ? Ah, ma foi, je foupçonne
Que cette tante-là n'est pas de fes parens.
Alamir, mon ami, je crois que la friponne

Ayant fur moi du deffein,
Pour renchérir fa perfonne,

Prit cette tante en chemin.

LE

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LE DUC DE FOIX.

Non, je ne le crois pas; elle paraît bien née.
La vertu, la nobleffe éclate en fes regards.
De nos troubles civils les funeftes hafards
Près de votre château l'ont fans doute amenée.
MORILLO.

Parbleu, dans mon château je prétends la garder;
En bon parent tu dois m'aider:

C'eft une bonne aubaine; & des nièces pareilles
Se trouvent rarement, & m'iraient à merveilles.
LE DU C DE FOIX.

Gardez de les laiffer échapper de vos mains.
LEONOR à la princeffe.

On parle ici de vous, & l'on a des desseins,

MORILLO.

Je réponds de leur complaifances.

(il s'avance vers la princeffe de Navarre. )
Madame, jamais mon château...

(au duc de Foix.)

Aide-moi donc un peu.

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Ne vit rien de fi beau.... Je fens en sa présence

Un embarras tout nouveau ;

Que veut dire cela! Je n'ai plus d'affurance.

LE DUC DE FOIX.

Son aspect en impose, & se fait respecter.

MORILLO.

A peine elle daigne écouter.

Ce maintien réservé glace mon éloquence;

Théâtre, Tom. IX.

E

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