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PROLOGUE(*)

DE LA PRINCESSE

DE NAVARRE,

ENVOYÉ A M. LE MARECHAL DUC DE RICHELIEU, POUR LA REPRESENTATION QU'IL FIT DONNER A BORDEAUX, LE 26 NOVEMBRE 1764.

Nous

OUS ofons retracer cette fête éclatante,
Que donna dans Verfaille au plus aimé des rois
Le héros qui le repréfente,

Et qui nous fait chérir fes lois.

Ses mains en d'autres lieux ont porté la victoire;
Il porte ici le goût, les beaux arts & les jeux,
Et c'est une nouvelle gloire.

Mars fait des conquérans, la paix fait des heureux.

Des Grecs & des Romains les fpectacles pompeux
De l'univers encore occupent la mémoire;
Auffi-bien que leurs camps, leurs cirques font fameux.
Melpomene, Thalie, Eutherpe & Terpficore

Ont enchanté les Grecs & favent plaire encore

A nos Français polis & qui penfent comme eux.

(*) Nous favons que cette pièce n'eft pas de l'auteur; cependant on a cru devoir l'inferer ici.

La guerre défend la patrie,
Le commerce peut l'enrichir;

Les lois font fon repos, les arts la font fleurir.
La valeur, les talens, les travaux, l'induftrie,

Tout brille parmi vous; que vos heureux remparts Soient le temple éternel de la paix & des arts.

Fin du nouveau Prologue.

1

DANS TOUS LES CHOEURS.

Quinze femmes & vingt-cinq hommes.

PERSONNAGES DE LA COMEDIE.

CONSTANCE, princeffe de Navarre.
LE DUC DE FOIX.

DOM MORILLO, feigneur de campagne.
SANCHETTE, fille de Morillo.

LEONOR, l'une des femmes de la princesse. HERNAND, écuyer du duc.

Un Officier des gardes.

Un Alcade.

Un Jardinier

Suite.

La fiène eft dans les jardins de dom Morillo,
fur les confins de la Navarre.

LA

PRINCESSE

DE

NAVARRE,

COMEDIE-BALLET.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

CONSTANCE, LEONOR.

LEONOR.

Ан

H quel voyage, & quel féjour
Pour l'héritière de Navarre !

Votre tuteur dom Pèdre eft un tyran barbare :
Il vous force à fuir de fa cour.

Du fameux duc de Foix vous craignez la tendreffe ;

;

Vous fuyez la haine & l'amour
Vous courez la nuit & le jour,
Sans page & fans dame d'atour.
Quel état pour une princesse !
Vous vous expofez tour à tour
A des dangers de toute espèce.

CONSTANCE.

J'efpère que demain, ces dangers, ces malheurs, De la guerre civile effet inévitable,

Seront au moins fuivis d'un ennui tolérable;

Et je pourrai cacher mes pleurs
Dans un afile inviolable.

O fort! à quels chagrins me veux-tu réserver?

De tous côtés infortunée :

Dom Pedre aux fers m'avait abandonnée ;
Gafton de Foix veut m'enlever.

LEONO R.

Je fuis de vos malheurs comme vous occupée; Malgré mon humeur gaie ils troublent ma raison ; Mais un enlèvement, ou je fuis fort trompée, Vaut un peu mieux qu'une prison.

Contre Gafton de Foix quel courroux vous anime ? Il veut finir votre malheur ;

Il voit ainfi que nous dom Pèdre avec horreur.
Un roi cruel qui vous opprime

Doit vous faire aimer un vengeur.

CONSTANCE.

Je hais Gaston de Foix autant que le roi même.
LEONOR.

Hé pourquoi ? parce qu'il vous aime?

CONST ANCE.

Lui, m'aimer? nos parens fe font toujours haïs.

LEONO R.

Belle raifon !

CONSTANCE.

Son père accabla ma famille.

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