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au nord, les autres au midi; il ne nous faut ni1 les mêmes vêtements, ni les mêmes provisions. Nous vivons dans une famille dont le chef nous a donné des biens de différente nature. A quoi servent2 à celui qui taille les arbres du verger, es instruments du labourage?

UNE NUIT SUR UNE MONTAGNE DANS L'AFRIQUE MÉRIDIONALE.

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88. Il faut que je vous raconte une de mes excursions. J'étais sorti de grand matin, et j'avais été me promener dans des montagnes à seize milles du cap. Mon cheval et moi nous commencions à juger qu'il était temps de retourner au logis, lorsque le brouillard nous enveloppa complètement. Je ne sais si vous avez jamais eu l'occasion de remarquer les effets que produit le brouillard, soit en changeant les formes des montagnes, soit en grossissant le volume des objets, ou en les cachant entièrement, soit en les laissant entrevoir sous les ap parences les plus bizarres et les plus fantastiques, tellement que le voyageur, trompé à chaque instant, perd toute confiance dans le rapport de ses sens.

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Je me trouvais sur le sommet d'une colline dont les flancs étaient raides et escarpés. Il n'y avait pour descendre qu'un sentier très-rapide, qui était mon unique ressource. Je le cherchai aussi long-temps que je pus voir ma boussole, et, quoique souvent trompé, je ne continuai pas moins mon chemin par-dessus les rochers et à travers les marécages," jusqu'au coucher du soleil, qui dans ce pays-ci, est bientôt suivi de l'obscurité. Pendant quelques instants, les nuages entr' ouverts

1. Il ne nous faut ni, (there is necessary

to us,) we need neither.

nifies to go (in any way) for exercise

or amusement.

2. A quoi servent, (to what serve,) of 5. Les laissant entrevoir, letting them

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laissaient apercevoir les derniers rayons du soleil, et c'est de ce côté que se dirigea mon cheval; il semblait avoir quelque espoir, et galopait avec ardeur. Enfin, arrivé sur le plateau des falaises qui bordaient la plaine, il s'arrêta tout-à-coup, et son espérance et la mienne s'évanouirent en même temps. Nous n'avions pas d'autre perspective que de passer la nuit sur la montagne. Fatigué et mouillé, et de plus affamé (je n'avais rien pris depuis mon déjeuner,) je descendis de cheval au pied d'un rocher qui m' abrita de la pluie. Il n'y avait2 pas long-temps que j' occupais ce poste, lorsque j'entendis le cri sauvage et prolongé du chacal et le court hurlement du loup. Ils avaient senti mon cheval, et s'approchaient toujours.3 Je n'avais point d' armes; je ramassai quelques cailloux, j'en frottai continuellement deux l' un contre l'autre pour produire du feu, et je criai de toutes mes forces. Trois ou quatre loups vinrent tout près de moi; mais je crois que la faim la plus pressante n'étouffe jamais, chez ces animaux, la crainte que leur inspire la voix de l'homme. C'est en cela que mon cheval semblait placer toute sa confiance; il se serrait1 contre moi, portant le nez au vent; il sentait les bêtes féroces à quelques pas, et il semblait me regarder comme son compagnon d'infortune; il me mordait la main, frottait son museau glacé contre mon visage; ce qui du moins m'empêcha de m'endormir.

89. J'entendais le bruit sourd et monotone de la mer qui battait au pied des énormes falaises; les brouillards m'envirronnaient de toutes parts, et la lune, perçant un moment leur épaisseur, me fit voir une scène dont je ne peux pas oublier l'aspect sauvage et désolé. L'explosion lointaine du canon de la retraite m'avait annoncé neuf heures. Chaque fois que les brouillards semblaient s'éclaircir, je fixais mes yeux sur le point de l'horizon où devaient se montrer les premières lueurs

1. Sur le plateau des falaises, on the 3. S'approchaient toujours, were con table-ground of the cliffs.

2. Il n'y avait, etc., I had not long oc- 4.

cupied that post.

stantly approaching.

Se serrait, pressed.

5. Canon de la retraite, cannon (a się

nal) of retiring.

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du jour; mais mon attente fut souvent déçue.1 La lune, qui paraissait emportée sur les nuages comme un frêle esquif, tantôt suspendu au sommet de la vague, tantôt entraîné au fond de l'abîme, répandait une clarté pâle et hideuse sur les rochers grisâtres épars alentour. Quelquefois un voile épais de nuages la cachait à mes yeux, et de nouveau plongé dans l' obscurité, j' écoutais le battement sourd et monotone du ressac.' Le hurlement du loup et le cri perçant du chacal m'annoncèrent la nuit allait bientôt finir; car les animaux sauvages, que après avoir rôdé dans le voisinage des habitations, regagnaient leurs retraites. Enfin j'entendis le canon du matin, et jamais aucun son ne fut plus agréable à mon oreille. Les nuages s'éclaircirent, le soleil se leva, les gouttes de pluie brillèrent comme des diamants sur les buissons et les fleurs, et la scène, auparavant sombre et désolée devint en un moment resplendissante de lumière et de beauté. Je montai à cheval, et gravissant un des sommets les plus élevés, je reconnus que j'étais loin du point que j'avais cherché. Mais maintenant, il était jour; les brouillards, suspendus en voiles légers sur les flancs des montagnes, ne m'en dérobaient plus la vue, mais ajoutaient à leur beauté. Ils couvraient le fond de la vallée comme un lac paisible dont la surface semblait réfléchir la voûte du ciel. Est-il étonnant, pensai-je alors, que l'on ait adoré le soleil !

Cette dernière aventure n'était pas précisément agréable, mais j'ai du plaisir à ces promenades solitaires. Les fleurs des champs, les vertes bruyères avec leurs bouquets de pourpre, les oiseaux au plumage éclatant, les lézards craintifs et diversement nuancés qui se glissent entre les fentes des rochers; le caméléon noir dans l'ombre, mais qui reflète la verdure brillante du buisson où il grimpe lentement; tous ces objets sont pour moi une société délicieuse. La vague écumante qui se

1. Mon attente, etc., my expectation was 5. Gravissant, climbing.

many times deceived.

2. Du ressac, of the surf.

3. Allait, etc., was going to end soon. 4. Devint, became; perf. of devenir.

6. Les vertes bruyères, etc., the green heath, with its clusters of purple.

7. Les oiseaux, etc., the birds with bril liant plumage.

brise à mes pieds, les masses de nuages qui volent au-dessus de ma tête, ont pour moi un langage muet, mais éloquent.

Vaines rêveries que tout cela, dites-vous; mais il y a des moments où je fuis la société pour m' abandonner à ces songes, pour rappeler les vives impressions de mon enfance, dont le souvenir est encore plus réel pour moi que les choses du présent. C'est la scène du matin avec sa lumière brillante et ses ombres fortement dessinées, auprès de laquelle tout ce qui suit paraît effacé, terne3 et sans vie.

ORAGE D'ÉTÉ.

90. On voit à l'horizon de deux points opposés
Des nuages monter dans les airs embrasés ;
On les voit s'épaissir, s'élever et s'étendre.
D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre;
Les flots en ont frémi,5 l' air en est ébranlé,
Et le long du vallon le feuillage a tremblé.
Les monts ont prolongé le lugubre murmure
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur,
Et la terre en silence attend dans la terreur;
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparaît tout-à-coup sous un voile grisâtre;
Le nuage élargi les couvre de ses flancs;

Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants.

Mais des traits enflammés ont sillonné la nue,
Et la foudre, en grondant," roule dans l'étendue;
Elle redouble, vole, éclate dans les airs;

Leur nuit est plus profondé, et de vastes éclairs

1. Vaines, etc., vain reveries all that 4. Les airs embrasés, the burning.

you say.

2. Et ses ombres, and its strongly 6. Lent, slow.

marked shadows.

3. Terne, dull.

5. Frémi, trembled.

7. En grondant, muttering.

En1 font sortir sans cesse un jour pâle et livide.
Du couchant ténébreux s'élance un vent rapide
Qui tourne sur la plaine, et rasant3 les sillons,
Enlève un sable noir qu'il roule en tourbillons.
Helas! d'un ciel en feu les globules glacés
Ecrasent, en tombant, les épis renversés ;
Le tonnerre et les vents déchirent les nuages;
Le fermier de ses champs contemple les ravages,
Et
presse
dans ses bras ses enfants effrayés.
La foudre éclate, tombe, et des monts foudroyés
Descendent à grand bruit les graviers et les ondes.
Qui courent en torrent sur les plaines fécondes.
O récolte! ô moisson! tout périt sans retour:
L'ouvrage de l'année est détruit dans un jour.

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