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LE LÉZARD GRIS.

46. LE lézard gris paraît être le plus doux, le plus inno cent, et l'un des plus utiles des lézards. Ce joli petit animal, si commun dans le pays où nous écrivons, et avec lequel tant de personnes ont joué dans leur enfance, n'a pas reçu de la nature un vêtement aussi éclatant que plusieurs autres quadrupèdes ovipares; mais elle lui a donne une parure élégante; sa petite taille est svelte, son mouvement agile, sa course si prompte qu'il échappe à l'oeil aussi rapidement que l'oiseau qui vole. Il aime à recevoir la chaleur du soleil; ayant besoin d'une température douce, il cherche les abris, et lorsque, dans un beau jour de printemps, une lumière pure éclaire vivement un gazon en pente3 ou une muraille qui augmente la chaleur en la réfléchissant, on le voit s'étendre sur ce mur ou sur l'herbe nouvelle, avec une espèce de volupté. Il se pénètre avec délices de cette chaleur bienfaisante, il marque son plaisir par de molles ondulations de sa queue déliée; il fait brille ses yeux vifs et animés; il se précipite comme un trait pou saisir une petite proie et pour trouver un abri plus commode Bien loin de s'enfuir à l'approche de l'homme, il paraît le regarder avec complaisance; mais au moindre bruit qui l' effraye, à la chute seule d'une feuille, il se roule, tombe, et demeure pendant quelques instants comme étourdi par sa chute; ou bien il s'élance, disparaît encore, et décrit en un instant plusieurs circuits tortueux que l'œil a de la peine à suivre, se replie3 plusieurs fois sur lui-même, et se retire enfin dans quelque asile, jusqu'à ce que sa crainte se dissipe

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DE LA GAITÉ.

47. La gaîté est le don le plus heureux de la nature; c'est la manière la plus agréable d'exister pour les autres et pour soi; elle tient lieu 'd'esprit dans la société et de compagnie dans la solitude. Elle est le premier charme de la jeunesse, et le seul charme de l'âge avancé. Elle est opposée à la tristesse, comme la joie l'est au chagrin. La joie et le chagrin sont des situations, la tristesse et la gaîté sont des caractères; et c'est ainsi qu'il arrive à l'homme gai d'être accablé de chagrin. On trouve rarement la gaîté où n'est pas la santé. La véritable gaîté semble circuler dans les veines avec le sang et le vie. Elle a souvent pour compagnes l'innocence et la liberté. Celle qui n'est qu'extérieure est une fleur artificielle qui n'est faite que pour tromper les yeux. La gaîté doit présider aux plaisirs de la table, mais il suffit,3 souvent de l'appeler pour la faire fuir. On la promet partout, on l'invite à tous les soupers, et c'est ordinairement l'ennui qui vient. Le monde est plein de mauvais plaisants, de froids bouffons, qui se croient gais parcequ'ils font rire. Si je dois peindre en un seul mot la gaîté, la raison, la vertu et la volupté réunies, il faut les appeler philosophie.

ERUPTION DU VÉSUVE.

48. Le feu du torrent est d'une couleur funèbre; néanmoins quand il brûle les vignes ou les arbres, on en voit sortir une flamme claire et brillante; mais la lave même est sombre, telle qu'on se représente un fleuve de l'enfer; elle roule lentement comme un sable noir de jour et rouge la nuit.5 On

1. Elle tient lieu de, it holds the place of. 2. Qui n'est faite que, which is made

only.

call her is sufficient to make her fly.

4. La lave même, the lava itself.

3. Mais il suffit, etc., but frequently to 5. La nuit, in the night

entend, quand elle approche, un petit bruit d'étincelles' qui fait d'autant plus de peur qu'il est léger, et que la ruse2 semble se joindre à la force: le tigre royal arrive ainsi secrètement à pas comptés. Cette lave avance, avance sans jamais se hâter et sans perdre un instant; si elle rencontre un mur élevé, un édifice quelconque qui s'oppose à son passage, elle s'arrête, elle amoncelles devant l'obstacle ses torrents noirs et bitumineux, et l' ensevelit enfin sous ses vagues brûlantes. Sa marche n'est point rapide, et les hommes peuvent fuir devant elle; mais elle atteint, comme le temps, les imprudents et les vieillards qui, la voyant venir lourdement et silencieusement, s'imaginent qu'il est aisé de lui échapper. Son éclat est si ardent que pour la première fois la terre se réfléchit dans le ciel, et lui donne l'apparence d'un éclair continuel:5 ce ciel à son tour, répète dans la mer, et la nature est embrasée par cette triple image du feu.

Le vent se fait entendre et se fait voir par des tourbillons de flammes dans les gouffres d'où sort la lave. On a peur de ce qui se passe au sein de la terre, et l' on sent que d'étranges fureurs la font trembler sous nos pas. Les rochers qui entourent la source de la lave sont couverts de soufre, de bitume dont les couleurs ont quelque chose d'infernal. Tout ce qui entoure le volcan rappelle l'enfer, et les descriptions de poètes sont sans doute empruntées de ces lieux.

LE SERIN ET LE ROSSIGNOL.

49. Si le rossignol est le chantre des bois, le serin est le musicien de la chambre; le premier tient tout de la nature, le second participe à nos arts: avec moins de force d'organe, moins d'étendue dans la voix, moins de variété dans les sons, le

1. D' étincelles, of sparks.

4. Elle atteint, it overtakes.

2. Que la ruse, etc., as stratagem seems 5. Eclair continuel, continual lightning.

to be joined to force.

8. Elle amoncelle, it heaps up.

6. Gouffres, abysses.

serin a plus d'oreielle, plus de facilité d'imitation, plus de mémoire et, comme la différence du caractère, surtout dans ces animaux, tient de très-près1 à celle qui se trouve entre leurs sens, le serin, dont l'ouïe est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions étrangères,2 devient aussi plus social, plus doux et plus familier. Il est capable de connaissance et même d'attachement; ses caresses sont aimables, ses petits dépits innocents, et sa colère ne blesse ni n' offense. Ses habitudes naturelles le rapprochent3 encore de nous il se nourrit de graines, comme nos autres oiseaux domestiques; on l'élève plus aisément que le rossignol, qui ne vit que de chair ou d'insectes, et qu'on ne peut ncurrir que de mets préparés. Son éducation plus facile est aussi plus heureuse. On l'élève avec plaisir, parce qu'on l'instruit avec succès; il quitte la mélodie de son chant naturel pour se prêter à l'harmonie de nos voix et de nos instruments; il applaudit, il accompagne, et nous rend1 au-delà de ce qu'on peut lui donner.

Le rossignol plus fier de son talent semble vouloir le conserver dans toute sa pureté; au moins paraît-il faire assez peu de cas des nôtres, ce n'est qu'avec peine qu'on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chansons. Le serin peut parler et siffler; le rossignol méprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse à son brillant ramage. Son gosier toujours nouveau est un chef-d'œuvre de la nature auquel l' art humain ne peut rien changer ni ajouter; celui du serin est un modèle. de grâces, d'une trempes moins ferme, que nous pouvons modifier. L'un a donc bien plus de part que l'autre aux agréments de la société. Le serin chante en tout temps; il nous récrée dans les jours les plus sombres; il contribue même

1. Tient de très-près, is very similar. 2. Etrangères, foreign.

3. Le rapprochent, bring him near.

4. Nous rend, etc., gives back to us beyond what we can give him.

5. Faire assez peu de cas, to make sufficiently light.

6. Son gosier, his pipe.

7. Chef-d'œuvre, master-piece.

8. Trempe, temper.

9. Bien plus de part, a much greater

part.

à notre bonheur, car il fait l'amusement de toutes les jeunes personnes et charme les âmes innocentes et captives.

L'OISEAU-MOUCHE.'

50. De tous les êtres animés, voici le plus élégant pour la forme, et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et les métaux polis par notre art, ne sont pas comparables à ce bijou de la nature; elle l'a placé dans l'ordre des oiseaux au dernier degré de l'échelle3 de grandeur; son chef-d'œuvre est le petit oiseau-mouche; elle l'a comblé de tous les dons qu'elle n'a fait que partager aux autres oiseaux; légèreté, rapidité, prestesse, grâce et riche parure, tout appartient à ce petit favori. L'émeraude, le rubis, la topaze brillent sur ses habits; il ne les souille jamais de la poussière de la terre, et dans sa vie tout aérienne, on le voit à peine toucher le gazon par instants; il est toujours en l'air, volant de fleurs en fleurs; il a leur fraîcheur comme il a leur éclat; il vit de leur nectar, et n'habite que les climats où sans cesse elles se renouvellent.

C'est dans les contrées les plus chaudes du Nouveau-Monde que se trouvent toutes les espèces d'oiseaux-mouches; elles sont assez nombreuses, et paraissent confinées entre les deux tropiques, car ceux qui s'avancent en été dans les zones tempérées n'y font qu'un court séjour: ils semblent suivre le soleil, s' avancer, se retirer avec lui, et voler sur l' aile des zéphyrs à la suite d'un printemps éternel.

Les Indiens, frappés de l'éclat et du feu que rendent les couleurs de ces brillants oiseaux, leur avaient donné les noms de rayons, ou cheveux du soleil. Les petites espèces de ces oiseaux sont au-dessous de la grande mouche-asyle (le taon) pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur.

1. L'oiseau-mouche, the humming-bird. 5. A la suite, in the retinue. 2. Voici, this is.

3. De l'échelle, etc., of the scale of size. 4. Qu'elle, etc., which she has only had

distributed

6. Mouche-asyle, ox-fly.

Leur bec

7. Bourdon, etc., the drone-bee in thick

ness.

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