Page images
PDF
EPUB

383

DE HOMBERG.

GUILLAUME

UILLAUME HOMBERG naquit le 3 janvier 1652 à Batavia, dans l'isle de Java. Jean Homberg, son père, étoit un gentilhomme Saxon, originaire de Quedlimbourg, qui dès sa jeunesse avoit été dépouillé de tout son bien par la guerre des Suédois en Allemagne. Quelques-uns de ses parens avoient eu soin de son éducation. Ce qu'il apprit de mathématiques le mit en état d'aller chercher fortune au service de la compagnie Hollandoise des indes orientales, qui par un commerce guerrier s'est fait un empire à l'extrémité de l'Orient. Il eut le commandement de l'arsenal de Batavia et se maria avec la veuve d'un officier, nommée Barbe Van-Hedemard. De quatre enfans qui vinrent de ce mariage, Homberg fut le second. Son père, pour l'avancer dans le service, le fit caporal d'une compagnie dès l'âge de quatre ans. Il eût bien voulu aussi le mettre aux études mais les chaleurs excessives et perpétuelles du climat ne permettent pas beaucoup d'application, ni aux enfans, ni même aux hommes faits; ce qui ne s'accorde guère avec le profond savoir qu'on donne aux anciens Brachmanes ou Gymnosophistes. Le

[ocr errors]

corps profite à son ordinaire de ce que perd l'esprit. Homberg avoit une sœur qui fut mariée à huit ans, et mère à neuf.

Son père quitta les Indes et le service de la compagnie Hollandoise, et vint à Amsterdam où il séjourna plusieurs années avec toute sa famille. Homberg parut être dans son véritable air natal, dès qu'il fut dans un pays où l'on pouvoit étudier. Sa vivacité naturelle d'esprit, aidée peut-être par celle qu'il tenoit de sa première patrie, lui fit regagner bien vîte le temps perdu. Il étudia en droit à Yene et à Léipsic; et en 1674, il fut reçu avocat à Magdebourg. Quoiqu'il se donnât sincèrement à sa profession, il sentoit qu'il y avoit quelqu'autre chose à connoître dans le monde des loix arbitraires des hommes; et le spectacle de la nature, toujours présent à tous les yeux, et presque jamais apperçu, commençoit à attirer ses regards, et à intéresser sa curiosité. Il alloit chercher des plantes sur les montagnes, s'instruisoit de leurs noms et leurs propriétés; et la nuit, il observoit le cours des astres, et apprenoit les noms et la disposition des différentes constellations. Il devenoit ainsi botaniste et astronome par lui-même, et en quelque sorte malgré lui; car il s'engageoit toujours plus qu'il ne vouloit. Il poussa assez loin son étude des plantes; et dans le même temps il se fit un globe céleste, creux, en facon

que

de

de grande lanterne, où, à la faveur d'une petite lumière placée au-dedans, on voyoit les principales étoiles fixes emportées du même mouvement dont elles paroissoient l'être dans le ciel. Déjà se déclaroit en lui l'esprit de méchanique, si utile à un physicien, qui, pour examiner la nature, a souvent besoin de l'imiter et de la contrefaire.

Malheureusement pour sa profession d'avocat, étoit alors à Magdebourg Otto Guericke, bourg mestre de la ville, fameux par ses expériences du vuide, et par l'invention de la machine pneumatique. Il étoit sorti de ses mains des merveilles qui l'étoient autant pour les philosophes que pour le peuple. Avec quel étonnement, par exemple, ne voyoit-on pas deux bassins de cuivre exactement taillés en demi- sphères, appliqués simplement l'un contre l'autre par leurs bords ou circonférences, et tirés l'un d'un côté par huit chevaux, et l'autre du côté opposé par huit autres chevaux, sans pouvoir être séparés ? Ces sortes d'expériences étoient appelées par quelques savans les miracles de Magdebourg. C'en étoit encore un en ce temps-là, qu'un petit homme qui se cachoit dans un tuyau quand le temps devoit être pluvieux et en sortoit quand il devoit faire beau. On a depuis négligé cette puérilité philosophique; et l'on s'en tient au baromètre, dont personne ne daigne plus s'étonner. Homberg s'attacha à Guericke Tome VI. B b

pour s'instruire de sa physique expérimentale, et cet habile homme, quoique fort mystérieux, ou lui révéla ses secrets en faveur de son génie, ou ne les put dérober à sa pénétration.

Les amis de Homberg, qui le voyoient s'éloigner toujours du barreau de plus en plus, songèrent à le marier pour le rendre avocat par la nécessité de ses affaires : mais il ne donna pas dans ce piège; et afin de l'éviter plus sûrement, et d'être plus maître de lui-même, il se mit à voyager, et alla d'abord en Italie.

[ocr errors]

Il s'arrêta un an à Padoue, où il s'appliqua uniquement à la médecine, et particulièrement à l'anatomie et aux plantes. A Bologne il travailla sur la pierre qui porte le nom de cette ville, et lui rendit toute sa lumière; car le secret en avoit été presque perdu. A Rome, il se lia particulièrement avec Marc-Antoine Celio, gentilhomme Romain, mathématicien, astronome ét machiniste, qui réussissoit fort bien à faire de grands verres de lunettes. Homberg s'y appliqua avec lui, et y trouva à souhait de quoi exercer les lumières de son esprit, et son adresse à opérer. Il ne négligea pas même ces arts dont l'Italie s'est conservé jusqu'ici une espèce de souveraineté, la peinture, la sculpture, la musique; il y devint assez connoisseur pour s'en pouvoir faire un mésite, s'il n'en avoit pas eu d'autres. Ce n'est pas

la philosophie qui exclut les choses de goût et d'agrément; c'est l'injustice des philosophes, qui, comme le reste des hommes, n'estiment que ce qui les distingue.

D'Italie, il vint en France pour la première fois, et il ne manqua pas d'y rechercher la connoissance et de s'attirer l'estime des savans. Ensuite il passa en Angleterre, où il travailla quelque temps avec le fameux Boyle, dont le laboratoire étoit une des plus savantes écoles de physique.

De-là Homberg passa en Hollande, où il se perfectionna encore en anatomie sous l'illustre Graff, et enfin il revint à Quedlimbourg retrouver sa famille. Quelque temps après, riche d'une infinité de connoissances, il alla prendre à Wittemberg le degré de docteur en médecine, que l'on a d'ordinaire à moins de frais.

Ses parens, selon la coutume des parens, vouloient qu'il songeât à l'utile, et que, puisqu'il étoit médecin, il en tirât du profit: mais son goût le portoit davantage à savoir. Il voulut voir encore les savans de l'Allemagne et du Nord, et comme il avoit un fonds considérable de curiosités physiques, il songea à en fairè commerce, et à en acquérir de nouvelles par des échanges. Les phosphores faisoient alors du bruit. ChristianAdolphe Balduinus, et Kunkel, chymiste de l'électeur de Saxe, en avoit trouvé un différent

[ocr errors]
« PreviousContinue »