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à cause de son devoir. Ce temps-là étoit destiné aussi à recevoit des visites, s'il en recevoit; cat on lui a entendu dire ceux qui me viennent voir me font honneur, ceux qui n'y viennent pas me font plaisir ; et l'on peut bien croire que chez un homme qui pense ainsi, la foule n'y est pas. Il n'y avoit guère que quelque Antoine qui pût aller voir ce Paul.

On a trouvé dans ses papiers un index d'Hypocrate grec et latin, beaucoup plus ample et plus correct que celui de Pini. Il ne l'avoit fini qu'un an avant sa mort. Un pareil ouvrage demande une assiduité et une patience d'hermite.

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Il en est de même d'un journal de plus de quarante années, où il marquoit exactement l'état du baromètre et du thermomètre, la sécheresse ou l'humidité de l'air, le vent et ses changemens dans le cours d'une journée, la pluie, le tonnerre et jusqu'aux brouillards; tout cela dans une dispo sition fort commode et fort abrégée, qui présentoit une grande suite de choses différentes en peu d'espaces. Il échapperoit un nombre infini de ces sortes d'observations à un homme plus dissipé dans le monde, et d'une vie moins uniforme.

Il a laissé une bibliothèque de près de 20000 écus un médailler, et un herbier, nulle autre acquisition. Son esprit lui avoit sans comparaison plus coûté à nourrir que son corps.

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ÉLOGE

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DE LEM ER Y.

NICOLAS LEMERY naquit à Rouen le 17 no

vembre 1645 de Julien Lemery, procureur au parlement de Normandie, qui étoit de la religion prétendue réformée. Il fit ses études dans le lieu de sa naissance; après quoi son inclination naturelle le détermina à aller apprendre la pharmacie chez un apothicaire de Rouen, qui étoit de ses parens. Il s'apperçut bientôt que ce qu'on appeloit la chymie, qu'il ne connoissoit guère que de nom, devoit être une science plus étendue que ce que savoient son maître et ses pareils; et en 1666 il vint chercher cette chymie à Paris.

Il s'adressa à Glazer, alors démonstrateur de chymie au jardin du Roi, et se mit en pension chez lui pour être à une bonne source d'expériences et d'analyses. Mais il se trouva malheureusement que Glazer étoit un vrai chymiste, plein d'idées obscures, avare de ces idées-là mêmes, et très-peu sociable. Lemery le quitta donc au bout de deux mois, et se résolut à voyager par la France, pour voir les habiles gens les uns après les autres, et se composer une science des différentes lumières qu'il en tireroit. C'est ainsi Tome VI.

A a

qu'avant que

les nations savantes communiquassent

ensemble les livres, on n'étudioit guère que

par

par

les

voyages.

La chymie étoit encore si imparfaite et si peu cultivée, que pour y faire quelques progrès, il falloit reprendre cette ancienne façon de s'instruire.

de

I séjourna trois ans à Montpellier, pensionnaire de Verchant, maître apothicaire, chez qui il eut la commodité de travailler, et, ce qui est plus considérable, l'avantage de donner des leçons à quantité de jeunes étudians qu'avoit son hôte. Il ne manqua pas de profiter beaucoup de ses -propres leçons, et en peu elles attirèrent tous les professeurs de la faculté de médecine et les curieux de Montpellier, car il avoit déjà des nouveautés pour les plus habiles. Quoiqu'il ne fût point docteur, il pratiqua la médecine dans cette ville, où de tout temps elle a été si bien pratiquée; sa réputation fut son titre.

temps

Après avoir fait le tour entier de la France; il revint à Paris en 1672. Il y avoit encore alors des conférences chez divers particuliers. Ceux qui avoient le goût des véritables sciences, s'assembloient par petites troupes, comme des espèces de rebelles qui conspiroient contre l'ignorance et les préjugés dominans. Telles étoient les assemblées de l'abbé Bourdelot, médecin du prince le grand Condé, et celles de Justel. Lemery parut

à toutes, et y brilla. Il se lia avec Martin, apothicaire du prince; et profitant du laboratoire qu'avoit son ami à l'hôtel de Condé, il y fit un cours de chymie qui lui valut bientôt l'honneur d'être connu et fort estimé du prince chez qui il travailloit. Il fut souvent mandé à Chantilly, où le héros, entouré des gens d'esprit et de savans, vivoit comme auroit fait César oisif.

Lemery voulut enfin avoir un laboratoire à lui, et indépendant. Il pouvoit également se faire recevoir docteur en médecine, ou maître apothicaire. La chymie le détermina au dernier parti, et aussitôt il en ouvrit des cours publics dans la rue Ga lande où il se logea. Son laboratoire étoit moins une chambre qu'une cave, et presque un antre magique éclairé de la seule lueur des fourneaux ; cependant l'affluence du monde y étoit si grande, qu'à peine avoit-il de la place pour ses opérations. Les noms les plus fameux entrent dans la liste de ses auditeurs, les Rohaut, les Bernier, les Auzout, les Regis, les Tournefort. Les dames même, entraînées par la mode, avoient l'audace de venir se montrer à des assemblées si savantes. En même temps du Verney faisoit des cours d'a natomie avec le même éclat, et toutes les nations de l'Europe leur fournissoient des écoliers. En une année entr'autres on compta jusqu'à quarante Ecossois, qui n'étoient venus à Paris que pour

entendre ces deux maîtres, et qui s'en retournèrent dès que leurs cours furent finis. Comme Lemery prenoit des pensionnaires, il s'en falloit beaucoup que sa maison fût assez grande pour loger tous ceux qui le vouloient être, et les chambres du quartier se remplissoient de demi-pensionnaires qui vouloient du moins manger chez lui. Sa réputation avoit encore une utilité très-considérable ; les préparations qui sortoient de ses mains étoient en vogue: il s'en faisoit un débit prodigieux dans Paris et dans les Provinces ; et le seul magistère de bismuth suffisoit pour toute la dépense de la maison. Ce magistère n'est pourtant pas un remède; c'est ce qu'on appelle du blanc d'Espagne. Il étoit seul alors dans Paris qui pos

sédât ce trésor.

La chymie avoit été jusques-là une science;

où, , pour emprunter ses propres termes, un peu de vrai étoit tellement dissous dans une grande quantité de faux, qu'il en étoit devenu invisible, et tous deux presque inséparables. Aut peu de propriétés naturelles que l'on connoissoit dans ces deux mixtes, on en avoit ajouté tant qu'on avoit voulu d'imaginaires qui brilloient beaucoup davantage. Les métaux sympathisoient avec les planètes et avec les principales parties du corps humain; un alkaëst, que l'on n'avoit jamais vu, dissolvoit tout les plus grandes absurdités étoient

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