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DE GUGLIELMINI.

DOMENICO GUGLIELMINI naquit à Bologne d'une honnête famille le 27 septembre 1655. Il étudia en mathématique sous Geminiano Montanari, Modenois, et en médecine sous l'illustre Malpighi. Il embrassa ces deux genres d'étude à la fois, comme un homme né avec d'heureuses dispositions en auroit pu embrasser un seul; et il s'attira la même affection de ces deux maîtres, que si chacun d'eux eût eu seul la gloire de le former.

En 1666, il parut dans une grande partie de l'Italie un météore aussi lumineux que la lune en son plein. Montanari fit un petit ouvragé intitulé : fiamma volante, où, par les observations qu'il avoit eues de différens endroits, il recherchoir géométriquement quelle étoit la ligne du mouvement de cette flamme, så distance à la terre et sa grandeur. Selon son calcul, la distance étoit à-peu-près de quinze lieues moyennes de France, ce qui est une hauteur extraordinaire pour ces sortes de feux. Cavina, qui avoit observé le même phénomène à Faenza, en avoit fait un calcul fort différent : la

hauteur où il le mettoit, par exemple, étoit triple

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de celle de Montanari; et celui-ci d'ailleurs avoit négligé dans son écrit les observations de Faenza, non pas en les rejettant avec mépris, mais en disant qu'il étoit bien fâché de les trouver trop éloignées de toutes les autres, et qu'apparemment l'erreur venoit de ceux qui les avoient données, et à qui on s'étoit fié. Cette politesse n'empêcha pas Cavina de répliquer aigrement à Montanari, qui voyant cette dispute dégénérer en injure, se sentit assez fort pour oser déclarer publiquement qu'il y renonçoit. Guglielmini, âgé alors de 21 ans, et disciple aussi zélé de Montanari, que nous avons dit, il y a quelques années, que Viviani l'étoit de Galilée, car ces sortes d'attachemens semblent avoir plus de force en Italie, demanda à son maître la permission de répondre pour lui. Il la lui refusa, de peur que son adversaire ne crût toujours voir le maître caché sous le nom du disciple; mais Guglielmini trouva moyen de vaincre cette difficulté. Il proposa et il obtint de soutenir des thèses publiques, où Montanari n'assisteroit point, et où Cavina, dont elles attaquoient l'opinion, seroit invité, et attendu pendant un certain temps. Il n'y vint point; il traita ce défi comme un duel seroit traité en France, et il paroît qu'il fit bien. Quoique Guglielmini avoue qu'il n'étoit pas encore entièrement sorti des sections coniques, il terrassoit en géométrie son adversaire. Il y eut assez d'écrits et assez gros sur une matière qui au fond ne les méritoit

pas.

Deux ou trois pages auroient suffi pour la vérité ; les passions firent des livres.

Guglielmini fut reçu docteur en médecine dans l'université de Bologne en 1678; mais au milieu de l'application et des études que demande cette pénible profession, un nouveau phénomène qui parut au ciel le rappela encore pour un temps du côté des mathématiques. Ce fut la comète de 1680 et 1681, qui par je ne sai quelle destinée particulière, remua plus qu'une autre le monde savant. Le sentiment de ceux qui croient les comètes des corps éternels, aussi-bien que les planètes, avoit été attaqué par Montanari, sur le fondement que cette dernière comète qui avoit disparu à la fin de février 1681, n'étoit point alors assez éloignée de la terre pour disparoître par son éloignement seul, et qu'il devoit y avoir eu par conséquent quelque dissolution physique. Cette raison qui pouvoit n'être pas démonstrative, le devint en quelque sorte pour Guglielmini, parce qu'elle venoit d'un maître qu'il chérissoit ; et elle l'engagea à chercher quelque moyen d'expliquer la génération des comètes. Il en imagina un assez singulier, dont il fit un ouvrage intitulé: de cometarum naturâ et ortu epistolica dissertatio. Bolonia, 1681.

Il donne aux planètes des tourbillons fort étendus ; de sorte que ceux, par exemple, de Jupiter et de Saturne, qui ont leurs centres éloignés de 165 millions de lieues, lorsqu'ils s'approchent le plus qu'il

est possible, peuvent alors se couper vers leurs extrémités. Dans cet entrelacement et cet embarras de la matière de deux tourbillons, il se forme en vertu des mouvemens opposés qui se combattent, un tourbillon nouveau, dont les parties les plus grossières, car la matière céleste n'est pas toute homogène, vont occuper le centre, et produisent un nouveau corps solide, qui est la tête de la comète. Nous ne rappor terons ni les preuves, ni les difficultés de ce systême : l'auteur déclare qu'il ne le croit ni vrai, ni même vraisemblable, mais seulement propre à expliquer les faits ; et il ne le propose qu'avec une modestie qui en répare la foiblesse, et désarme les critiques.

Il donna de nouvelles preuves de son savoir dans l'astronomie, par l'observation qu'il fit à Bologne de l'éclipse solaire du 12 juillet 1684, et qu'il imprima en latin la même année.

Le mérite de Guglielmini fut reconnu jusques dans son pays. Le sénat de Bologne le fit premier professeur de mathématique, et lui donna en 1686 l'intendance générale des eaux de cet etat. Les voyageurs nous rapportent qu'en Perse la charge de surintendant des eaux est une des plus considérables à cause de la sécheresse du pays, et de la difficulté de l'arroser suffisamment et également. Par une raison toute contraire, cette charge est de la même importance dans le Bolonois, et en général dans la

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Lombardie, où la grande quantité et la disposition des rivières et des canaux, si utiles d'ailleurs au pays, peuvent cependant produire de grands inconvéniens, à moins que l'on n'y veille continuellement et avec des yeux fort éclairés. Guglielmini eut cette délicatesse assez rare de regarder sa commission de surintendant des eaux, non comme une de ces commissions dont on s'acquitte toujours assez bien avec quelques connoissances ordinaires, et où il suffit de ne rien gâter, mais comme un engagement sérieux à tourner ses principales pensées de ce côté-là, et à servir le public à toute rigueur.

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Il donna donc dès l'année 1690 la première partie, et en 91 la seconde d'un traité d'hydrostatique, intitulé: aquarum fluentium mensura, nová methodo inquisita, et dédié au sénat de Bologne. Son principe fondamental, et reçu de tous les philosophes modernes, est que les vitesses d'une eau qui sort d'un tuyau vertical ou incliné, sont à chaque instant comme les racines des hauteurs de sa surface supérieure, ce qui amène nécessairement la parabole dans toute cette matière. Quand même l'eau coule dans un canal horisontal, ce qui se peut, pourvu qu'elle ait une issue pour se décharger ; c'est encore le même principe, parce que l'eau supérieure pres sant l'inférieure, lui imprime de la vitesse à raison de sa hauteur.

Si l'on veut trouver dans un canal horisontal la

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