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de Paris, depuis qu'il y faisoit son séjour. La botanique ne seroit qu'une simple curiosité, si elle ne se rapportoit à la médecine; et quand on veut qu'ell soit utile, c'est la botanique de son pays qu'on doi le plus étudier, non que la nature ait été auss soigneuse qu'on le dit quelquefois, de mettre dans chaque pays les plantes qui devoient convenir auy maladies des habitans; mais parce qu'il est plus commode d'employer ce qu'on a sous sa main, et que souvent ce qui vient de loin n'en vaut pas mieux, Dans cette histoire des plantes des environs de Paris, Tournefort rassemble, outre leur différens noms et leurs descriptions, les analyses chymiques que l'académie en avoit faites, et leurs vertus les mieux prouvées. Ce livre seul répondroit suffisamment aux reproches que l'on fait quelquefois aux médecins de n'aimer les remèdes tirés des simples, parce

pas

qu'ils sont trop faciles et d'un effet trop prompt. Ce rtainement Tournefort en produit ici un grand nombre; cependant ils sont la plupart assez négligés, et il semble qu'une certaine fatalité ordonne qu'on les desirera beaucoup, et qu'on s'en servira peu.

On peut compter parmi les ouvrages de Tournefort un livre, ou du moins une partie d'un livre,' qu'il n'a pourtant pas fait imprimer. Il porte pour titre schola botanica, sive catalogus plantarum, quas ab aliquot annis in horto regio parisiensi studiosis indigitavit vir clarissimus Josephus Pitton

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de Tournefort, doctor medicus, ut et Pauli Hermani paradisi batavi Prodromus,&c. Amstelodami, 1699. Un anglois nommé Simon Warton, qui avoit étudié trois ans en botanique au jardin du Roi, sous Tournefort, fit ce catalogue des plantes qu'il y avoit vues.

Comme les élémens de botanique avoient eu tout le succès que l'auteur même pouvoit desirer, il en donna en 1700 une traduction latine en faveur des étrangers, et plus ample, sous le titre d'institutiones rei herbariæ, en trois volumes in-4°, dont le premier contient les noms des plantes distribuées selon le systême de l'auteur, et les deux autres leurs figures très-bien gravées. A la tête de cette traduction est une grande préface, ou introduction à la botanique, qui contient avec les principes du systême de Tournefort ingénieusement et solidement établis, une histoire de la botanique et des botanistes recueillie avec beaucoup de soin et agréablement écrite. On n'aura pas de peine à s'imaginer qu'il s'occupoit avec plaisir de tout ce qui avoit rapport à l'objet de son

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amour.

Cet amour cependant n'étoit pas si fidèle aux plantes, qu'il ne se portât presque avec la même ardeur à toutes les autres curiosités de la physique, pierres figurées, marcassites rares, pétrifications et crystallisations extraordinaires, coquillages de toutes les espèces, Il est vrai que du nombre de ces sortes d'infidélités on en pourroit excepter son goût

pour les pierres; car il croyoit que c'étoient des plantes qui végétoient, et qui avoient des graines : il étoit même assez disposé à étendre ce systême jusqu'aux métaux, et il semble qu'autant qu'il pouvoit, il transformoit tout en ce qu'il aimoit le mieux. Il ramassoit aussi des habillemens, des armes, des instrumens de nations éloignées, autres sortes de curiosités qui, quoiqu'elles ne soient pas sorties immédiatement des mains de la nature, ne laissent pas de devenir philosophiques pour qui sait philosopher. De tout cela ensemble il s'étoit fait un cabinet superbe pour un particulier, et fameux dans Paris; les curieux l'estimoient 45 ou soooo livres. Ce seroit une tache dans la vie d'un philosophe qu'une si grande dépense, si elle avoit eu tout autre objet. Elle prouve que Tournefort, dans une fortune aussi bornée que la sienne, n'avoit pu guère donner à des plaisirs plus frivoles, et cependant beaucoup plus recherchés.

Avec toutes les qualités qu'il avoit, on peut juger aisément combien il étoit propre à être un excellent voyageur, car j'entends ici par ce terme, non ceux qui voyagent simplement, mais ceux en qui se trouvent et une curiosité fort étendue, qui est assez rare, et un certain don de bien voir, plus rare encore. Les philosophes ne courent guère le monde et ceux qui le courent ne sont ordinairement guère philosophes; et par-là un voyage de philosophe est

extrêmement

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reçut

extrêmement précieux. Aussi nous comptons que ce fut un bonheur pour les sciences, que l'ordre que Tournefort du Roi'en 1700, d'aller en Grèce, en Asie et en Afrique, non-seulement pour y reconnoître les plantes des anciens, et peut-être aussi celles qui leur auront échappé; mais encore pour y faire des observations sur toute l'histoire naturelle, sur la géographie ancienne et moderne, et même sur les la religion et le commerce des peuples. Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit sur ce sujet dans l'histoire de 1700 (p. 79 et suiv.). Il eut ordre d'écrire le plus souvent qu'il pourroit au comte de Pontchartrain, qui lui procuroit tous les agrémens possibles dans son voyage, et de l'infor

mœurs

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mer en détail de ses découvertes et de ses aventures.

le

Tournefort, accompagné de Gundelsheimer allemand, excellent médecin, et de Aubriet, habile peintre, alla jusqu'à la frontière de Perse, toujours herborisant et observant. Les autres voyageurs vont par mer le plus qu'ils peuvent, parce que la mer est plus commode, et sur terre ils prennent les chemins les plus battus. Ceux-ci n'alloient par mer que moins qu'il étoit possible; ils étoient toujours hors des chemins, et s'en faisoient de nouveaux dans des lieux impraticables. On lira bientôt avec un plaisir mêlé d'horreur le récit de leur descente dans la grotte d'Antiparos, c'est-à-dire dans trois ou quatre abymes affreux qui se succèdent les uns aux autres. Tour Tome VI.

nefort eut la sensible joie d'y voir une nouvelle espèce de jardin, dont toutes les plantes étoient différentes pièces de marbre encore naissantes ou jeunes, et qui, selon toutes les circonstances dont leur formation étoit accompagnée, n'avoient pu que végéter. En vain la nature s'étoit cachée dans des lieux si profonds et si inaccessibles pour travailler à la végétation des pierres; elle fut, pour ainsi dire, prise sur le fait par des curieux si hardis.

L'Afrique étoit comprise dans le dessein du voyage de Tournefort; mais la peste, qui étoit en Egypte, le fit revenir de Smyrne en France en 1702. Ce fut là le premier obstacle qui l'eût arrêté. Il arriva, comme l'a dit un grand poëte, pour une occasion plus brillante et plus utile, chargé des dépouilles de l'Orient. Il rapportoit, outre une infinité d'observations différentes , 1356 nouvelles espèces de plantes, dont une grande partie venoient se ranger d'elles-mêmes sous quelqu'un des 673 genres qu'il avoit établis. Il ne fut obligé de créer pour tout le reste que 25 nouveaux genres, sans aucune augmentation des classes; ce qui prouve la commodité d'un système, où tant de plantes étrangères, et que l'on n'attendoit point, entroient si facilement. Il en fit son corollarium institutionum rei herbaric, imprimé en 1703.

Quand il fut revenu à Paris, il songea à reprendre la pratique de la médecine, qu'il avoit sacrifiée à

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