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en a. L'abbé Gallois quitta le journal en 16745 et le remit en d'autres mains. Il étoit trop occupé auprès de Colbert, et d'ailleurs ce travail étoit trop assujettisant pour un génie naturellement aussi libre que le sien. Il ne résistoit pas aux charmes d'une nouvelle lecture qui l'appeloit, d'une curiosité soudaine qui le saisissoit, et la régularité qu'exige un journal leur étoit sacrifiée.

Les lettres perdirent Colbert en 1683. L'abbé Gallois avoit ajouté à la gloire de leur avoir fait beaucoup de bien, celle de n'avoir presque rien fait pour lui-même. Il n'avoit qu'une modique pension de l'Académie des sciences, et une abbaye si médiocre, qu'il fut obligé de s'en défaire dans la suite. Feu le marquis de Seignelay lui donna la place de garde de la bibliothèque du roi dont il disposoit; mais la bibliothèque étant sortie de ses mains, il récompensa l'abbé Gallois par une place de professeur en grec au collège royal, et par une pension particulière qu'il lui obtint du Roi sur les fonds de ce collège, attachée à une espèce d'inspection générale. Seignelay ne crut pas que son père se fût suffisamment acquitté ; et puisqu'on n'en sauroit accuser le peu de goût de Colbert pour les lettres, il en faut louer l'extrême modération de l'abbé Gallois.

Lorsque, sous le ministère de Ponchartrain, aujourd'hui chancelier de France, l'Académie des

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sciences commença par les soins de l'abbé Bignon à sortir d'une espèce de langueur où elle étoit tombée, ce fut l'abbé Gallois qui mit en ordre les mémoires qui parurent de cette académie en 1692 et 93, et qui eut le soin d'en épurer le style. Mais la grande variété de ses études interrompit quelquefois ce travail qui avoit des temps prescrits, et le fit enfin cesser. L'académie ayant pris une nouvelle forme en 1699, il y remplit une place de geomètre, et entre prit de travailler sur la géométrie des anciens, et principalement sur le recueil de Pappus, dont il vouloit imprimer le texte grec qui ne l'a jamais été, et corriger la traduction. latine fort défectueuse. Rien n'étoit plus convenable à ses inclinations et à ses talens, qu'un projet qui demandoit de l'amour pour l'antiquité, une profonde intelligence du grec, la connoissance des mathématiques; et il est fâcheux pour les lettres que ce n'ait été qu'un projet. Une des plus agréa bles histoires, et sans doute la plus philosophique, est celle des progrès de l'esprit humain.

Le même goût de l'antiquité qui avoit porté l'abbé Gallois à cette entreprise, ce goût si difficile à contenir dans de justes bornes, le rendit peu favorable à la géométrie de l'infini, embrassée par tous les modernes. On ne peut même dissimuler, puisque nos histoires l'ont dit, qu'il l'atraqua ouvertement. En général, il n'étoit pas ami

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du nouveau; et de plus, il s'élevoit par une espèce d'ostracisme contre tout ce qui étoit trop éclatant dans un état libre, tel que celui des lettres. La géométrie de l'infini avoit ces deux défauts, surtout le dernier car au fond elle n'est pas toutà-fait si nouvelle; et les partisans zélés de l'antiquité, s'il en est encore à cet égard, trouveroient bien mieux leur compte à soutenir que les anciens géomètres en ont connu et mis en œuvre les premiers fondemens, qu'à la combattre, parce qu'elle leur étoit inconnue.

Comme toutes les objections faites contre les infiniment petits a voient été suivies d'une solution démonstrative, l'abbé Gallois commençoit à en proposer sous la forme d'éclaircissemens qu'il demandoit, et peut-être les différentes ressources que l'esprit peut fournir n'auroient-elles pas été si-tôt épuisées; mais d'une santé parfaite et vigoureuse dont il jouissoit, il tomba tout d'un coup au commencement de cette année dans une maladie, dont il mourut le 19 avril.

Il étoit d'un tempérament vif, agissant et fort gai; l'esprit courageux, prompt à imaginer ce qui lui étoit nécessaire, fertile en expédiens, capable d'aller loin par des engagemens d'honneur. Il n'avoit d'autre occupation que les livres, ni d'autre divertissement que d'en acheter. Il avoit mis ensemble plus de 12000 volumes, et en augmentoit

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encore le nombre tous les jours. Si une aussi nombreuse bibliothèque peut-être nécessaire, elle l'étoit à un homme d'une aussi vaste littérature, et dont la curiosité se portoit à mille objets différens, et vouloit se contenter sur-le-champ. Ses mœurs, et sur-tout son désintéressement, ont paru dans toute sa conduite auprès de Colbert. La charité chrétienne donnoit à son désintéressement naturel la dernière perfection; il ne s'étoit réservé sur l'abbaye de Saint-Martin de Cores qu'il avoit possédée, qu'une pension de 600 livres, et il les laissoit à son successeur pour être distribuées aux pauvres

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DE DODART.

DENIS ENIS DODART, conseiller-médecin du roi, de S. A. S. madame la princesse de Conti la douairière, et de S. A. S. monseigneur le prince de Conti, docteur-régent en la faculté de médecine de Paris, naquit en 1634 de Jean Dodart, bourgeois de Paris, et de Marie du Bois, fille d'un avocat. Jean Dodart, quoique sans lettres, avoit beaucoup d'esprit, et, ce qui est préférable, un bon esprit. Il s'étoit fait même un cabinet de livres, et savoit assez pour un homme qui ne pouvoit guère savoir. Marie Dubois étoit une femme aimable par un caractère fort doux, et par un cœur fort élevé au dessus de sa fortune. Nous ne faisons ici ce petit portrait du père et de la mère, qu'à cause du rapport qu'il peut avoir à celui du fils. Il est juste de leur tenir compte de la part qu'ils ont eue à son mérite naturel, et d'en faire honneur à leur mémoire.

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Ils ne se contentèrent pas de faire apprendre à leur fils le latin et le grec, ils y joignirent le dessin, la musique, les instrumens, qui n'entrent que dans les éducations les plus somptueuses, et qu'on ne regarde que trop comme des superfluités

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