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fixes. Après que Léibnitz, Huguens et Bernoulli son frère eurent résolu le problême, et déterminé cette courbure, il prouva en 1692 qu'elle étoit la même que celle d'une voile enflée par le vent. Et comme il commençoit alors ses recherches et ses découvertes sur la courbure que prendroit une lame à ressort, dont une extrémité seroit attachée fixément sur un plan, et l'autre porteroit un poids, il fit voir que, si cette même voile qui, enflée par un vent horisontal, se courberoit en chaînette, étoit enflée par un liquide qui pesât sur elle verticalement, elle se courberoit comme une lame à ressort, ou en élastique, car c'est le nom qu'il donne à cette courbe. Ces déterminations ne sont pas de simples jeux de géométrie, estimables seulement par leur difficulté; elles peuvent entrer dans des questions délicates de physique ou de méchanique, quand il faudra connoître avec précision l'action des liquides ou des poids.

Pour épargner un plus long détail des recherches géométriques de Bernoulli, il suffira d'ébaucher ici l'idée de sa théorie des courbes qui roulent sur elles-mêmes. Une courbe quelconque étant proposée, il la conçoit comme immobile, et en même. temps il conçoit qu'une autre courbe égale et semblable, c'est-à-dire la même en espèce, roule sur elle, et applique tous ses points points aux siens les uns après les autres. En joignant à cette considération

celle de la développée qui auroit produit la courbe proposée, non-seulement il tire du roulement de cette courbe sur elle-même une roulette ou cycloïdale décrite à la manière ordinaire par un point fixe de la courbe mobile, mais encore la caustique par réflexion, et de plus deux courbes, dont il appelle la première antidéveloppée, la seconde péricaustique; et pour se conduire dans ce labyrinthe de courbes différentes, et en déterminer la nature, il n'a besoin que de connoître la première génératrice de toutes les autres.

Par-là il arriva à une merveilleuse propriété de la spirale logarithmique; c'est que toutes les courbes, ou qui la produisent, ou qu'elle produit de la manière qu'on vient d'expliquer, sa développée, sa caustique, sa cycloïdale, son antidéveloppée, sa péricaustique, sont d'autres spirales logarithmiques égales et semblables en tout à la génératrice. Il est facile de juger que de pareilles résolutions demandent un grand appareil de géométrie, et doivent être les derniers efforts de l'esprit mathé matique.

Ces mêmes roulemens de courbes conduisirent Bernoulli à la découverte des deux formules générales des caustiques par réflexion et par réfraction, qui comprennent deux sections du livre de l'Hôpital, on plutôt toute la catoptrique et toute la dioptrique. Mais Bernoulli avoit supprimé l'analyse

des

des formules, et de l'Hôpital en a révélé le mys

tère.

Toutes ces recherches, et quantité d'autres aussi profondes qu'il faut passer sous silence, ont été exécutées le calcul des infiniment petits, et

par

pouvoit-on mieux en prouver l'excellence; et dans le même temps enseigner l'art de le manier? Aussi cette méthode est-elle devenue celle de tous les grands géomètres sans exception; et quoiqu'elle soit quelquefois épineuse, il est infiniment plus aisé d'apprendre à s'en servir, que d'aller loin sans

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Quand l'Académie royale des sciences reçut du roi en 1699 un réglement qui lui laissoit la liberté de choisir huit associés étrangers, aussi-tôt tous les suffrages donnèrent place aux deux frères Bernoulli dans ce petit nombre. L'Electeur de Brandebourg ayant aussi établi à Berlin une académie, sous la direction du célèbre Léibnitz, ils y furent pareillement associés tous deux en 1701. Quoiqu'absens, ils ont satisfait ici à leur devoir d'académiciens par des pièces excellentes et singulières dont nos histoires ont été enrichies. On a vu dans celle de 1702, (p. 58 ) la section infinie des arcs cirlaires de Bernoulli de Basle; dans celle de 1703 (p. 114). la théorie du centre d'oscillation, et dans celle de cette année on a vu (p. 130), sa nouvelle hypothèse de sa résistance des solides, et l'analyse Tome VI.

K

de la courbe élastique. Il avoit déjà donné dans les actes de Léipsic quelque idée, mais imparfaite, de la plupart de ces recherches; il ne les a envoyées à l'académie, qu'après les avoir mises dans un état à le contenter lui-même.

Tandis que le professeur de Basle se faisoit un si grand nom, son cadet, professeur en mathématique à Groningue, ne s'en faisoit pas un moins éclatant; ils couroient tous deux la même carrière, et d'un pas égal. Les savans du premier ordre auroient peine à le devenir, s'ils n'étoient passionnés pour leur science, et possédés par un goût supérieur à tout. Une émulation vive se mit entre les deux frères, fomentée encore par leur éloignement, qui les réduisoit à ne se parler presque que dans des Journaux, et qui étoit propre à entretenir long-temps entr'eux le mal-entendu, s'il en pouvoit naître quelqu'un. Enfin, l'aîné ramassant toute sa force, lança, pour ainsi dire, un problême qu'il adressoit non-seulement à tous les géomètres, mais aussi à son frère en particulier, lui promettant même publiquement une certaine somme, s'il le pouvoit résoudre. Il le résolut, et même assez promptement; mais il donna sa solution sans analyse. Bernoulli de Basle, qui trouva cette résolution en partie différente de la sienne demanda à voir l'analyse pour découvrir d'où pouvoit naître la différence des solutions. Mais sur

les juges qui devoient examiner cette analyse, et sur quelques autres circonstances du jugement, il survint des difficultés qui n'ont pas été terminées. Le détail en seroit trop long; il suffira que l'on sache que ce problême regardoit les figures isopérimètres. Entre une infinité de courbes possibles qui ont la même périmètrie, ou la même longueur, il falloit trouver d'une manière générale celles qui, dans certaines conditions, renfermoient les plus grands ou les plus petites espaces, ou en faisant une révolution autour de leur axe produisoient les plus grandes ou les plus petites superficies, ou les plus grands ou les plus petits solides. On peut juger de la difficulté du problême, par l'intention dans laquelle il avoit été choisi.

C'est Bernoulli qui a pris soin de l'édition que l'on a faite à Basle, de la géométrie de Descartes. Il étoit si rempli de ces matières, que les épreuves qu'il avoit à corriger ne pouvoient pas lui passer par les mains sans lui faire naître des pensées et des réflexions; et il embellit l'ouvrage du grand Descartes par des notes, qui, quoique faites à la hâte, tumultuariæ, comme il les appelle, sont très.curieuses et très-instructives.

Ses travaux continuels, causés et par les devoirs de sa place, et par l'avidité de savoir, et par le plaisir du succès, furent apparemment ce qui le rendit sujet à la goutte d'assez bonne heure ; et

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