Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors][merged small][merged small]
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][graphic][subsumed][merged small]

CHEZ FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C, LIBRAIRES

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE

[merged small][merged small][ocr errors]
[blocks in formation]

ORAISONS FUNÈBRES.

AVERTISSEMENT

DE L'ÉDITION DE VERSAILLES. (1815.)

Quoique Bossuet eût prêché très souvent à Metz, à Paris, à la cour et dans son diocèse, avec une réputation extraordinaire, on n'avait de lui qu'un petit nombre de discours, savoir : le Sermon sur l'unité de l'Église, prêché à l'ouverture de l'assemblée du clergé en 1681, et imprimé à Paris en 1682; le Sermon pour la profession de madame de la Vallière, imprimé sans son aveu en 1691, et six ORAISONS FUNÈBRES, imprimées séparément in-4°, à l'époque même où elles furent prononcées, et recueillies depuis, par son ordre, en un volume in-12. Il ne fit pas entrer dans ce recueil l'Oraison funèbre de Nicolas Cornet, grand maître de Navarre. Elle fut donnée au public en 1698, in-8°, à Amsterdam, par les soins des héritiers de M. Cornet. Mais l'abbé Ledieu nous apprend que Bossuet, après l'avoir lue, dit qu'il n'y reconnaissait pas son ouvrage. Nous ne parlons pas d'un sermon préché à l'ouverture d'une mission, et imprimé dans un recueil de Lettres et Opuscules de Bossuet, Paris, 1748, 2 vol. in-12. Les autres discours de l'évêque de Meaux étaient restés incornus entre les mains de ses héritiers, qui ignoraient eux-mêmes la valeur du trésor qu'ils possédaient dans d'iminenses portefeuilles presque oubliés. On ne saurait avoir trop de reconnaissance pour le service qu'ont rendu à la religion et à la littérature française D. Déforis, et D. Coniac, son collaborareur, en consacrant des années entières à déchiffrer, comparer, mettre en ordre et publier, avec des soins et une exactitude bien pénible, un nombre presque infini de feuilles volantes, chargées de ratures, de renvois, de corrections de toute espèce. Le premier fruit de leur travail parut en 1772, en trois volumes in-4o, qui forment les tomes :v, v et vi de la dernière édition. Ils donnèrent en 1788 deux nouveaux volumes, qui sont les tomes vi et vii; celui-ci renferme les Oraisons funèbres. Quelques personnes zélées pour la gloire de Bossuet, et spécialement M. de Montholon, doyen et grand vicaire de Metz, ayant communiqué trop tard aux éditeurs un certain nombre de panégyriques de Bossuet, dont elles avaient les originaux, on en forma la seconde partie du tome VII.

Nous avons distribué tous ces discours de la manière qui nous a paru la plus naturelle et la plus commode pour les lecteurs.

Les éditeurs bénédictins avaient cru devoir porter l'exactitude jusqu'à mettre au bas des pages les tours de phrases et les mots différents que Bossuet avait indiqués dans son manuscrit, comme pouvant servir à exprimer sa pensée. Nous avons supprimé la plupart de ces variantes, qui étaient sans intérêt. Mais nous avons conservé toutes celles qu'un lecteur judicieux aurait pu regretter.

BOSSUET.-T. II.

Nous avouerons, en finissant, que la plupart des sermons de Bossuet sont restés imparfaits. Plusieurs même ne présentent que des plans ou des fragments, que l'orateur remplissait en chaire, sans le secours de l'écriture, après avoir médité son sujet. Mais quoique Bossuet n'y ait pas mis la dernière main, et qu'il parût avoir dédaigné lui-même ces productions de son génie, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'on y trouve des desseins supérieurement conçus, des aperçus nouveaux, des traits d'une éloquence admirable; et s'il nous était permis d'employer les expressions d'un poëte, nous dirions que ces sermons, tels qu'ils sont, étincellent pourtant de sublimes beautés.

[blocks in formation]

Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même, et ne leur laisse que leur propre faiblesse, il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine et digne de lui. Car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user comme il fait lui-même, pour le bien du monde ; et il leur fait

1 Henriette-Marie de France, fille de Henri IV, née au Louvre le 25 novembre 1609, quelques mois avant la mort de son père, épousa en 1625 l'infortuné roi d'Angleterre Charles Ier. Après l'avoir vu périr sur un échafaud, elle rentra dans sa patrie, où elle mourut en 1669, emportant au tombeau le titre de reine malheureuse qu'elle s'était donné.

voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que, pour être assis sur le trône, ils n'en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram.

Mais la sage et religieuse princesse qui fait le sujet de ce discours n'a pas été sculement un spectacle proposé aux hommes pour y étudier les conseils de la divine Providence, et les fatales révolutions des monarchies; elle s'est instruite elle-même, pendant que Dieu instruisait les princes par son exemple. J'ai déjà dit que ce grand Dieu les enseigne, et en leur donnant et en leur ôtant leur puissance. La reine, dont nous parlons, a également entendu deux leçons si opposées; c'est-à-dire, qu'elle a usé chrétiennement de la bonne et de la mauvaise fortune. Dans l'une, elle a été bienfaisante; dans l'autre, elle s'est montrée toujours invincible. Tant qu'elle a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies; quand la fortune l'eut abandon

vertus. Tellement qu'elle a perdu pour son propre bien cette puissance royale qu'elle avait pour le bien des autres; et si ses sujets, si ses alliés, si l'Église universelle a profité de ses grandeurs, elle-même a su profiter de ses malheurs et de ses disgrâces plus qu'elle n'avait fait de toute sa gloire C'est ce que nous remarquerons dans la vie éternellement mémorable de très-haute, trèsexcellente et très-puissante princesse HENRIETTE-MARIE DE France, reine de la GRANDEBRETAGNE.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande reine, fille, femme, mère de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie', ce discours vous fera paraître un de ces exemples redoutables, qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. Vous verrez dans une scule vie toutes les extrémités des choses humaines : la félicité sans bornes, aussi bien que les misères; une longue et paisi-née, elle s'enrichit plus que jamais elle-même de ble jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tête, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et, depuis, des retours soudains, des changements inouïs; la rébellion longtemps retenue', à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté ; une reine fugitive, qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par une princesse, malgré les tempêtes; l'Océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, et pour des causes si différentes; un trône indignement renversé, et miraculeusement rétabli. Voilà les enseignements que Dieu donne aux rois: ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'elles-mêmes. Le cœur d'une grande reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé tout à coup dans un abîme d'amertumes, parlera assez haut et s'il n'est pas permis aux particuliers de faire des leçons aux princes sur des événements si étranges, un roi me prête ses paroles pour leur dire: Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram: « Entendez, ô grands de << la terre; instruisez-vous, arbitres du monde '.»

"

Que cet exorde est majestueux, sombre et religieux ! Pas un mot qui ne porte, pas un qui ne soit une image ou une idée, un tableau ou une leçon; et au milieu de cet assemblage si imposant, la grande idée de Dieu qui domine tout. Qu'on se représente, après un semblable exorde, des auditeurs dans un temple qui ajoute encore à son effet, et qu'on se demande si quelqu'un d'eux pouvait songer à Bossuet. Non:

Quoique personne n'ignore les grandes qualités d'une reine dont l'histoire a rempli tout l'univers, je me sens obligé d'abord à les rappeler en votre mémoire, afin que cette idée nous serve pour toute la suite du discours. Il serait superflu de parler au long de la glorieuse naissance de cette princesse on ne voit rien sous le soleil qui en égale la grandeur. Le pape saint Grégoire a donné dès les premiers siècles cet éloge singulier à la couronne de France : « qu'elle est autant au-des« sus des autres couronnes du monde, que la di«gnité royale surpasse les fortunes particuliè« res'. » Que s'il a parlé en ces termes du temps du roi Childebert, et s'il a élevé si haut la race de Mérovée, jugez ce qu'il aurait dit du sang de saint Louis et de Charlemagne. Issue de cette race, fille de Henri le Grand, et de tant de rois, son grand cœur a surpassé sa naissance. Toute autre place qu'un trône eût été indigne d'elle. A la vérité elle eut de quoi satisfaire à sa noble fierté, quand elle vit qu'elle allait unir la maison de France à la royale famille des Stuarts, qui étaient venus à la succession de la couronne d'Angleterre

l'imagination, assaillie par tant d'objets de douleur, n'a pu voir que le renversement des trônes, les coups de la fortune, les tempêtes, l'océan. ( La Harpe.)

1 Quanto cæteros homines regia dignitas antecedit, tanto cæterarum gentium regna regni vestri profecto culmen excellit. (Lib. VI, ep. vI.)

« PreviousContinue »