Page images
PDF
EPUB

laisse pas d'être un de vos plus affectionnés amis, et que je suis parfaitement...

Mes recommandations à M. Dugas et à tous nos illustres amis et protecteurs.

LETTRE XXXI.

Paris, 2 décembre 1706.

Je ne vous ferai point, monsieur, d'excuses de ma négligence, parce que je n'en ai point de bonnes à vous faire, et me contenterai de vous dire que j'ai vu, avec beaucoup de reconnoissance dans votre dernière lettre, la charité que vous avez pour mon misérable valet. Il m'a servi plus de quinze années, et c'est un assez bon homme. Je croyois qu'il dût me fermer les yeux; mais une malheureuse femme qu'il a épousée, sans m'en rien dire, a corrompu en lui toutes ses bonnes qualités, et m'a obligé, par des raisons indispensables et que vous approuveriez vous-même si vous les saviez, de m'en défaire. Vous me ferez plaisir de le servir en ce que vous pourrez; mais, au nom de Dieu, que ce soit sans vous incommoder, et ne le donnez pas pour impeccable.

Le mot qu'il vous a rapporté de moi est vrai 1; mais il ne vous en a pas dit un encore moins mauvais que je dis à Sa Majesté, en la quittant à la sortie de cette dispute; car tout le monde qui étoit là paroissant étonné de ce que j'avois osé disputer contre le roi Cela est assez beau, lui disje, que de toute l'Europe je sois le seul qui résiste à Votre Majesté. Il y a aussi quelque chose de véritable dans ce qu'on vous a raconté de notre conversation sur le mot de gros; mais on l'a gâtée en voulant l'embellir. Tout ce qu'il y a de vrai, c'est que le roi parlant fort contre la folie de

1. « Dans les conversations que j'ai eues avec Planson, il m'a rapporté une réponse que vous fites un jour au roi, en soutenant votre sentiment contre celui de Sa Majesté, sans sortir néanmoins du respect qui lui étoit dù : Votre Majesté auroit pris vingt villes, lui dites-vous, plus tôt que de me persuader cela. » Brossette, lettre du 25 de novembre. (Voir M. Laverdet, p. 231.)

ceux qui suppléoient partout le mot de gros à celui de grand: Je ne sais pas, lui dis-je, comment ces messieurs l'entendent, mais il me semble pourtant qu'il y a bien de la différence entre Louis le gros et Louis le grand. Cela fit assez agréablement ma cour, aussi bien que les deux autres mots, qui furent dits dans un temps qui leur convenoit, je veux dire, dans le temps de nos triomphes, et qui ne seroient pas si bons aujourd'hui, où à mon sens on n'a que trop appris à nous résister. Vous voilà, monsieur, assez bien éclairci, je crois, sur vos deux questions, et je vous satisferois aussi sur celles qu'il me semble que vous m'avez faites dans vos deux autres lettres précédentes, si je les avois ici mais franchement, je les ai laissées à Auteuil. Ainsi il faut attendre que je les aie rapportées pour vous donner pleine satisfaction. J'y ferai pour cela bientôt un tour; car l'hiver ni les pluies n'empêchent pas qu'on n'y puisse aller comme en plein été. Cependant je vous prie de croire qu'on ne peut être avec plus de sincérité et de reconnoissance que je le suis, etc.

Dans le temps que j'allois fermer cette lettre, je me suis ressouvenu que vous seriez peut-être bien aise de savoir le sujet de la dispute que j'eus avec Sa Majesté. Je vous dirai donc que c'étoit à propos du mot de rebrousser chemin que le roi prétendoit mauvais, et que je maintenois bon, par l'autorité de tous nos meilleurs auteurs qui s'en étoient servis, et entre autres Vaugelas et d'Ablancourt. Tous les courtisans qui étoient là m'abandonnèrent, et M. Racine tout le premier. Cependant je demeure encore dans mon sentiment, et je le soutiendrai encore hardiment contre vous, qui avez la mine de n'être pas de mon avis, et de m'abandonner comme tous les autres.

FIN

[ocr errors]
« PreviousContinue »