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MOLIÈRE.

« Par la sambleu! on m'a dit qu'on le va dauber,

lui, et toutes ses comédies, de la belle manière;

« et que les comédiens et les auteurs, depuis le cèdre jusqu'à l'hysope, sont diablement animés contre lui.

MADEMOISELle Molière.

« Cela lui sied fort bien. Pourquoi fait-il de méchantes pièces que tout Paris va voir, et où il peint

si bien les gens que chacun s'y connaît? Que ne

• fait-il des comédies comme celles de monsieur Lysidas? Il n'aurait personne contre lui, et tous les teurs en diraient du bien. Il est vrai que de emblables comédies n'ont pas ce grand concours de monde; mais, en revanche, elles sont toujours bien écrites, personne n'écrit contre elles, et tous * ceux qui les voient meurent d'envie de les trouver belles.

DU CROISY.

« Il est vrai que j'ai l'avantage de ne me point ⚫ faire d'ennemis, et que tous mes ouvrages ont l'approbation des savants.

MADEMOISELLE Molière.

« Vous faites bien d'être content de vous. Cela vaut mieux que tous les applaudissements du public, et que tout l'argent qu'on saurait gagner aux pièces de Molière. Que vous importe qu'il vienne

« du monde à vos comédies, pourvu qu'elles soient

• approuvées par messieurs vos confrères ?

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MADEMOISElle hervé.

<< Point de quartier à ce contrefaiseur de gens.
MOLIÈRE.

<< Ma foi, cheval er, mon ami, il faudra que ton « Molière se cache.

BRÉCOURT.

« Qui, lui? Je te promets, marquis, qu'il fait des« sein d'aller sur le théâtre rire, avec tous les au« tres, du portrait qu'on a fait de lui.

MOLIÈRE.

<< Parbleu ! ce sera donc du bout des dents qu'il « rira.

BRÉCOURT.

<< Va, va, peut-être qu'il y trouvera plus de sujets << de rire que tu ne penses. On m'a montré la pièce; « et, comme tout ce qu'il y a d'agréable sont effec«<tivement les idées qui ont été prises de Molière, << la joie que cela pourra donner n'aura pas lieu de «< lui déplaire, sans doute; car, pour l'endroit où « l'on s'efforce de le noircir, je suis le plus trompé « du monde si cela est approuvé de personne; et <«< quant à tous les gens qu'ils ont tâché d'animer << contre lui, sur ce qu'il fait, dit-on, des portraits trop ressemblants, outre que cela est de fort mau« vaise grâce, je ne vois rien de plus ridicule et de plus mal repris; et je n'avais pas cru jusqu'ici que

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« ce fût un sujet de blâme pour un comédien que « de peindre trop bien les hommes.

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«

LA GRANGE.

voudront; toutes leurs entreprises ne doivent point « Les comédiens m'ont dit qu'ils l'attendaient sur m'inquiéter. Ils critiquent mes pièces, tant mieux;

« la réponse, et que.....

BRÉCOURT.

« Sur la réponse? Ma foi, je le trouverais un grand

fou, s'il se mettait en peine de répondre à leurs

<< invectives. Tout le monde sait assez de quel motif elles peuvent partir; et la meilleure réponse « qu'il leur puisse faire, c'est une comédie qui réus<< sisse comme toutes ses autres. Voilà le vrai moyen <«< de se venger d'eux comme il faut; et de l'hu<< meur dont je les connais, je suis fort assuré qu'une pièce nouvelle qui leur enlèvera le monde, les fà«< chera bien plus que toutes les satires qu'on pour«rait faire de leurs personnes.

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MOLIÈRE.

J'enrage de vous ouïr parler de la sorte; et voilà

votre manie, à vous autres femmes. Vous voudriez que je prisse feu d'abord contre eux, et qu'à leur exemple j'allasse éclater promptement en invectives et en injures. Le bel honneur que j'en pourrais tirer, et le grand dépit que je leur ferais! Ne se sont-ils pas préparés de bonne volonté à ces sortes de choses? Et lorsqu'ils ont délibéré s'ils joueraient le Portrait du Peintre, sur la crainte d'une riposte, quelquesuns d'entre eux n'ont-ils pas répondu : Qu'il nous rende toutes les injures qu'il voudra, pourvu que nous gagnions de l'argent? N'est-ce pas là la marque d'une âme fort sensible à la honte? et ne me vengerais-je pas bien d'eux, en leur donnant ce qu'ils

veulent bien recevoir ?

MADEMOISELLE DE BRIE.

Ils se sont fort plaints, toutefois, de trois ou quatre mots que vous avez dits d'eux dans la Critique et dans vos Précieuses.

MOLIÈRE.

Il est vrai, ces trois ou quatre mots sont fort offensants, et ils ont grande raison de les citer. Allez, allez, ce n'est pas cela : le plus grand mal que je leur aię fait, c'est que j'ai eu le bonheur de plaire un peu plus qu'ils n'auraient voulu; et tout leur procédé, depuis que nous sommes venus à Paris, a trop marqué ce qui les touche. Mais laissons-les faire tant qu'ils

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et Dieu me garde d'en faire jamais qui leur plaise!

ce serait une mauvaise affaire pour moi.

MADEMOISELLE DE BRIE.

Il n'y a pas grand plaisir pourtant à voir déchirer ses ouvrages.

MOLIÈRE.

Et qu'est-ce que cela me fait? N'ai-je pas obtenu de ma comédie tout ce que j'en voulais obtenir, puisqu'elle a eu le bonheur d'agréer aux augustes personnes à qui particulièrement je m'efforce de plaire? N'ai-je pas lieu d'être satisfait de sa destinée, et toutes leurs censures ne viennent-elles pas trop tard? Est-ce moi, je vous prie, que cela regarde maintenant ? et lorsqu'on attaque une pièce qui a eu du succès, n'est-ce pas attaquer plutôt le jugement de ceux qui l'ont approuvée, que l'art de celui qui l'a faite ?

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Vous êtes folle. Le beau sujet à divertir la cour, que monsieur Boursault! Je voudrais bien savoir de quelle façon on pourrait l'ajuster pour le rendre plaisant; et si, quand on le bernerait sur un théâtre, il serait assez heureux pour faire rire le monde. Ce lui serait trop d'honneur que d'être joué devant une auguste assemblée ; il ne demanderait pas mieux, et il m'attaque de gaieté de cœur, pour se faire connaître, de quelque façon que ce soit. C'est un homme qui n'a rien à perdre, et les comédiens ne me l'ont déchaîné que pour m'engager à une sotte guerre, et me détourner, par cet artifice, des autres ouvrages que j'ai à faire; et cependant vous êtes assez simples pour donner toutes dans ce panneau. Mais enfin, j'en ferai ma déclaration publiquement. Je ne prétends faire aucune réponse à toutes leurs critiques et leurs contre-critiques. Qu'ils disent tous les maux du monde de mes pièces, j'en suis d'accord. Qu'ils s'en saisissent après nous; qu'ils les retournent comme un habit pour les mettre sur leur théâtre, et tâchent à profiter de quelque agrément qu'on y trouve, et d'un peu de bonheur que j'ai ; j'y consens, ils en ont besoin; et je serai bien aise de contribuer à les faire subsister, pourvu qu'ils se contentent de ce que je puis leur accorder avec bienséance. La courtoisie doit avoir des bornes, et il y a des choses qui ne font rire ni les spectateurs, ni celui dont on parle. Je leur abandonne de bon cœur mes ouvrages, ma figure, mes gestes, mes

paroles, mon ton de voix, et ma façon de réciter, pour en faire et dire tout ce qu'il leur plaira, s'ils en peuvent tirer quelque avantage. Je ne m'oppose point à toutes ces choses, et je serai ravi que cela puisse réjouir le monde; mais en leur abandonnant tout cela, ils me doivent faire la grâce de me laisser le reste, et de ne point toucher à des matières de la nature de celles sur lesquelles on m'a dit qu'ils m'attaquaient dans leurs comédies. C'est de quoi je prierai civilement cet honnête monsieur qui se mêle d'écrire pour eux, et voilà toute la réponse qu'ils auront de moi.

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MOLIÈRE

Ah! monsieur, vous me voyez dans la plus grande peine du monde; je suis désespéré à l'heure que je vous parle ! Voici des femmes qui s'effraient, et qui disent qu'il leur faut répéter leurs rôles avant que d'aller commencer. Nous demandons, de grâce, encore un moment. Le roi a de la bonté, et il sait bien que la chose a été précipitée.

SCÈNE V.

MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY; MESDEMOISELLES DUPARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.

MOLIÈRE.

Eh! de grâce, tâchez de vous remettre; prenez courage, je vous prie.

MADEMOISELLE DUPARC. Vous devez vous aller excuser.

MOLIÈRE.

Comment m'excuser?

SCÈNE VI.

MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY; MESDEMOISELLES DUPARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ; UN NÉCESSAIRE'.

LE NÉCESSAIRE. Messieurs, commencez donc. MOLIÈRE.

Tout à l'heure, monsieur. Je crois que je perdrai l'esprit de cette affaire-ci, et...

SCÈNE VII.

MOLIÈRE, LA GRANGE, DU CROISY; MESDEMOISELLES DU PARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ; UN NÉCESSAIRE, UN SECOND NÉCESSAIRE.

LE SECOND NÉCESSAIRE. Messieurs, commencez donc.

MOLIÈRE.

Dans un moment, monsieur. (à ses camarades.) Eh, quoi donc ! voulez-vous que j'aie l'affront...

* On dit d'un homme qui fait l'empressé, qui se mêle de tout, qu'il fait le nécessaire. C'est dans ce seus qu'on a appelé ici substantivement, des nécessaires, ces gens qui viennent dire à Molière de commencer, sans en avoir reçu la mission de personne. ( A. )

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Non, messieurs; je viens pour vous dire qu'on a dit au roi l'embarras où vous vous trouviez, et que, par une bonté toute particulière, il remet votre nouvelle comédie à une autre fois, et se contente, pour aujourd'hui, de la première que vous pourrez donner. MOLIÈRE.

Ah! monsieur, vous me redonnez la vie! Le roi nous fait la plus grande grâce du monde de nous donner du temps pour ce qu'il a souhaité; et nous allons tous le remercier des extrêmes bontés qu'il nous fait paraître.

FIN DE L'IMPROMPTU DE VERSAILLES.

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