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» pas, vous qui ne sauriez ignorer que la » philosophie est infiniment au-dessus de » ces débats de grammairiens, et de cette » étude des belles - lettres qui ont été jus- · » qu'ici l'objet de vos recherches, l'occu» pation de vos veilles ? » (Acad. i.) Si donc, pendant un tems notre litté rature légère, notre excellent théâtre surtout ont fait notre gloire aux yeux des étrangers, le tems est venu où il convient de nous vanter plus exclusivement de nos Lalande, de nos Laplace, de nos Chaptal, de nos Fourcroy, de nos Guyton, qui fondent pour nous une gloire plus analogue à l'esprit de notre âge; de nous informer sérieusement de ce que les sciences produisent de grand et de remarquable chez tous nos voisins. Nous avons d'ailleurs encore, pour soutenir l'honneur de nos muses, quelques poëtes, quoiqu'en très-petit nombre; Tyrtée-Lebrun, le suave Delille et l'auteur de l'Optimiste vivent encore ; mais il s'élève en Europe.

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On peut regarder cette division de la pré

un certain public qui tend avec énergie vers des institutions plus sévères, et qui ne reçoit plus avec le même enthousiasme une rime ou un alexandrin. Le raisonner tristement s'accrédite a dit Voltaire. Cela est triste en effet pour ceux qui ont bien pris leur parti et qui ne veulent pas raisonner. Quant à ceux qui ont adopté pour eux la devise du Sapere aude, la chose n'est pas à beaucoup près si chagrinante. En vain une secte niaise, prosternée devant l'autel d'un certain Phoebus qu'il lui plaît d'appeler le bon goût, prétend encore soutenir la primatie intellectuelle de sa déité, prononcer sur tout en ignorant tout; il est impossible que le public en soit désormais la dupe. Révérons, lisons nos classiques, mais dédaignons l'inepte et prétentieux bel-esprit qui nous fait tort aux yeux des étrangers, ( car les jalousies nationales épient les torts et les ridicules

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face comme servant de supplément à l'Article VII de l'ouvrage,

les grossir). Je me suis attendu à voir quelques coryphées de cette secte prononcer d'un ton cavalier sur mon ouvrage ; je les récuse à l'avance, autant que j'attends avec déférence et respect le jugement des vrais lettrés et des penseurs de toutes les classes au cas qu'ils daignent accorder quelqu'attention à mon travail. Je déclare que je ne répondrai qu'à des raisons, et qu'annonçant une doctrine qui a tant de conformité avec celle de Platon, j'adopterais volontiers l'inscription placée audevant de son auditoire: Nul n'entre ici s'il n'est géomètre1. Enfin, sans trop redouter les raisonnemens auxquels je tâcherai d'en opposer d'autres, craignant encore moins la fatuité et les injures auxquelles je n'opposerai que le silence, je dois expliquer en peu de mots quel a été mon dessein et mon but abandonnant du reşte ma production sans appui et sans prôneurs, à

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1 Platon distinguait, comme de raison, un géomètre d'un arpenteur.

l'éclat du grand jour, et adoptant l'allégorie employée en un cas semblable par mon respectable ami, M. le conseiller intime Jacobi !

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« L'autruche dépose tranquillement son » oeuf sur le sable; les pinçons et les » passereaux ne sauraient l'écraser ; le >> bec des sansonnets et des corneilles ne >> peut l'entamer ni le repousser dans >> l'ombre; c'est à l'astre qui dispense la » lumière à le faire éclore. >>

On aura peine à croire un jour, en lisant l'histoire littéraire du dix-huitième siècle, que de deux nations éclairées, voisines l'une de l'autre et séparées seulement par un fleuve, l'une ait ignoré avec tant de constance et pendant vingt années ce qui se passait chez l'autre. Le Français si hospitalier, si liant, si ouvert, qui adopte de si bonne grace les modes et

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Dans son livre contre Mendelssohn, au sujet de la doctrine de Spinoza,

les vêtemens des étrangers, devient d'une inflexible roideur à la première proposition qu'on lui fait d'adopter quelque doctrine littéraire autre que celle dans laquelle il a été nourri, et de donner l'hospitalité à une pensée exotique. Il a fallu tout l'immense ascendant de Voltaire pour faire goûter à la nation quelque chose de l'esprit anglais, qu'elle n'a même jamais connu que modifié.

Depuis cinquante ans toute l'Europe savante avait adopté la théorie de l'attraction, donnée par l'immortel Newton, qu'en France on s'obstinait encore à la repousser avec opiniâtreté. Voici ce qu'en dit Maupertuis dans une de ses lettres : « Il a fallu plus d'un demi-siècle pour » apprivoiser les académies avec l'at>> traction. Elle ne paraissait que la re

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production d'un monstre qui venait

» d'être proscrit: on s'applaudissait tant » d'avoir banni de la philosophie les » lités occultes, on avait tant de peur

qua

qu'elles revinssent, que tout ce qu'on

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