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contact possible; et dès qu'il fut question de leur bavardage inphilosophique, tous les penseurs n'ont fait qu'un avec Kant, tous avaient contre ces intrus les mêmes raisons et le même éloignement. -Je désire que la philosophie critique trouve en France beaucoup d'adversaires de la première classe; je crains qu'elle n'en trouve trop de la seconde; qu'il ne paraisse plus d'un Sempronius Gundibert, et pas un Enésidème, encore moins un livre comme celui de Fichte, une dissertation comme celle de Jacobi '.

Que si quelqu'un, non encore informé de l'état de la question, me disait à l'apparition du présent ouvrage : « Vous con» venez vous-même que la philosophie » que vous annoncez a des adversaires célèbres, cités entre les philosophes; com» ment donc peut-elle être si décidément » bonne et salutaire pour nous ? » Je lui répondrais d'abord, que cette même phi

Sur l'idéalisme et le réalisme.

losophie a aussi de très-célèbres et de très-savans sectateurs, puis j'ajouterais: pour vous, il n'y a encore d'autres antikantiens que ceux du bas étage, attendu que vous n'en êtes pas encore au point de. juger par vous-même ; si vous voulez vous ranger parmi ceux-là, vous en êtes le maître; mais ceux d'en-haut n'existent

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1 Cette raison est tout aussi bonne, employée. positivement que négativement. La philosophie transcendentule en général, a un bien plus grand nombre de bonnes têtes pour elle que contre elle; il n'y a nulle comparaison à faire. Elle compte au nombre de ses partisans de très-grands mathématiciens aussi, des physiciens, des chimistes, des médecins renommés, des théologiens, des moralistes, de vrais poëtes, des jurisconsultes et des hommes d'état. Je ne veux pas ici faire une vaine liste de noms, qui, grace à l'indifférence des parisiens, ne sont pas connus d'eux ; je me contenterai de citer Goethe, Schiller, Humboldt, dont peut-être ils ont entendu parler, et qui font à la théorie des arts et de la poësie une application si heureuse de la philosophie transcendentale.

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pas jusqu'ici pour vous; point d'antikantiens pour vous sur cet étage supérieur. Tous ceux qui sont là sont également contre vous, ont les mêmes raisons, la même doctrine à opposer à votre inphilosophie. Ce n'est pas pour vous que pensent et discutent Jacobi, Maimon, Fichte, Bouterwek, Reinhold, Bardili, Kæppen. Les points sur lesquels ils sont divisés ne Vous concernent nullement, et ne sont pas de votre compétence. Montez, et vous saurez de quoi il s'agit.-Dans les choses sur lesquelles ils sont d'accord, il y a assez de quoi vous instruire; et leurs différends même ne seront pas perdus pour vous, si, selon l'expression d'Horace Vous osez aborder la sagesse.

Enfin Kant a d'estimables adversaires, il est vrai; mais Copernic en a eu aussi, et il n'en est pas moins vrai que la terre tourne autour du soleil. Le chancelier Bacon a rejeté la théorie de Copernic; il a cru pouvoir démontrer par les principes de la philosophie naturelle bien

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posés (ce sont ses propres paroles), que la terre était en repos au centre du monde'. Le P. Riccioli, Lajonchère, Morin comptés parmi les premiers astronomes de leur tems, s'opposèrent à l'opinion du mouvement de la terre, comme à une absurde hypothèse. Le grand Tycho lui-même, à qui d'ailleurs l'astronomie a de si réelles obligations, s'est prononcé hautement contre Copernic2; sans compter les théologiens,

1 << Constat sententiam Copernici de rotatione » terræ (quæ nunc quoque invaluit ) quia phæ» nomenis non repugnat, ab astronomicis prin» cipiis non posse revinci, à naturalis tamen >> philosophiæ principiis rectè positis posse. » De Augm, Scientiar. L. IV. C. 1.

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Tycho-Brahe opposait sur-tout au mouvement de la terre, que celle-ci était une masse inerte, vile et grossière, peu propre au mouvement, et qui n'était convenable qu'à être le fondement de toute stabilite.-Le P. Riccioli, dans son Almageste, ne proposa rien de moins que septante-sept argumens, tous invincibles, contre la rotation de notre globe. Copernic, qui prévoyait combien toutes les opinions et les

comme le savant cardinal Bellarmin, le père Garasse, et tant d'autres.— -Galilée soutenant la même doctrine que Copernic,

habitudes allaient se soulever contre lui, dit dans la préface de son Astronomia instaurata : << Non dubito, quin eruditi quidam, vulgatâ jam » de novitate hypotheseon hujus operis famâ, » quòd terram mobilem, solem verò in medio >> universi immobilem constituit, vehementer >> sint offensi, putentque disciplinas liberales >> rectè jam olim constitutas, turbari non opor» tere. Verùm si rem exactè perpendere volent, >> invenient autorem hujus operis, nihil quod >> reprehendi mereatur commisisse. »

Le passage vaut bien d'être traduit en français « Je ne doute pas, dit Copernic, que >> certains savans qui ont déjà entendu dire >> quelque chose de la nouveauté des hypothèses » de cet ouvrage-ci, lequel fait la terre mobile, » et place le soleil immobile au centre de l'uni» vers, ne soient violemment irrités, et ne » pensent qu'il ne convient pas de troubler les >> sciences libérales si bien établies par ceux >> qui nous ont précédés. Mais s'ils veulent peser >> la chose avec exactitude, ils trouveront que » l'auteur de cet ouvrage n'a rien fait qui mé

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