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PHILOSOPHIE

DE

KANT.

Aperçu rapide des bases et de la direction de cette philosophie.

L'HOMM

HOMME a des rapports avec ce qui n'est pas lui: il voit, perçoit des objets, embrasse toute la nature par son entendement, y découvre des lois constantes, des formes universelles et nécessaires (comme celles, par exemple, qui sont exprimées dans les diverses propositions des mathématiques pures), il juge, classe, ordonne toutes choses; en un mot, il connaît, il est un être cognitif.

L'homme a des rapports avec lui-même ; il veut, il se détermine, il influe par ses actions sur lui et sur ce qui l'entoure; en un mot, il agit, il est un être actif.

Comment, l'homme connaît-il les choses? Comment, l'homme doit-il agir ? telles sont les deux questions fondamentales que se propose de résoudre toute doctrine qui prétend à la consistance et au titre d'une philosophie.

Α

Suivant la doctrine à la mode en France depuis près d'un demi-siècle, l'homme connaît par la sensation, laquelle transformée devient en lui idée, source de toute connaissance, et l'homme intellectuel tout entier est dans le mécanisme de la sensation. Suivant cette même doctrine, l'homme agit et se détermine ainsi qu'une machine soumise à l'impulsion de forces mouvantes, qui sous les noms d'intérêt personnel, de penchant au bien-être, de desirs, de passions, d'amour-propre, etc.... le décident à son insu, mais sans que sa liberté y soit pour rien.

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De ces deux solutions, dont l'une n'est qu'insuffisante et superficielle, mais dont l'autre est révoltante, dangereuse et avilissante pour l'homme, se compose le corps de doctrine que l'on a osé en France nommer philosophie. La sensualité et l'immoralité qué flattent de tels principes, l'esprit de secte, l'admiration pour l'anglais Locke ont soutenu longtems cette doctrine, qui d'ailleurs offrait à ses partisans, la plupart gens du monde, l'avantage d'être savans à très bon marché. Mais les esprits médita

tifs et réflechis, les ames droites et énergiques se sont montrés toujours peu satisfaits de ce verbiage de nos philosophes de salon. Dédaigner cette soi-disant philosophie éprouver du dégoût pour ses résultats, sont des signes non-équivoques de rectitude et de sagacité dans le jugement.

En effet, cette soi-disant philosophie, enfermée dans un cercle vicieux, ne livre, quant aù spéculatif, nulle réponse satisfaisante aux plus hauts problêmes du savoir humain, comme d'où procède la nécessité de certaines lois universelles que l'esprit reconnaît dans la nature? d'où procède la certitude des mathématiques pures? etc........ Elle enseigne complaisamment qu'il faut s'appuyer sur le baton de l'expérience, sans expliquer ce que c'est que cette expérience, sans dire sur quel fond pose ce bâton; elle ressemble à la cosmographie des Indiens, qui dit que la terre porte sur un éléphant, l'éléphant sur une tortue, et la tortue sur le vidé.

Quant au pratique, ne pouvant envisager l'homme que sous l'aspect mécanique, elle ne peut que lui refuser le libre-arbitre ;

elle anéantit de la sorte la responsabilité de sa conduite, la dignité de son être, la sublime idée du devoir; elle étouffe sa conscience morale, le dégradé et le désespère.

Nulle morale possible, ni privée ni publique, sans l'adoption ferme et inébranlable de ce principe que l'homme est libre dans ses volontés et dans ses actions. Le disciple de Locke qui ne peut garantir ce principe, ne peut donc établir solidement aucune morale; et quand même, par un sentiment de pudeur naturelle, il en adopterait une meilleure que celle où conduit inévitablement le reste de sa doctrine, il ne pourrait la défendre contre le sophiste, contre le libertin matérialiste et athée, lequel lui démontrera sans peine qu'il est inconséquent dans sa théorie lui-même.

et en contradiction avec

Il s'agissait donc, pour remédier aux vices de cette doctrine, de s'enfoncer plus profondément dans l'étude de l'homme intellectuel; de rechercher en lui les bases du savoir humain, d'apprécier la certitude de ses connaissances et leur nature, de montrer jus

qu'où précisément elles pouvaient atteindre; de fixer le rapport entre la pratique et la spéculation; et en dernier résultat, de mettre pour jamais la conscience morale hors des atteintes du sophisme et du raisonnement métaphysique.

C'est cette réforme qu'a tenté Kant, après soixante années d'une vie laborieuse et méditative, avec la profondeur, la gravité qui conviennent à une pareille matière, en y portant la méthode scientifique et l'examen le plus sévère, d'où sa doctrine a reçu le nom de critique.

Descartes avait démontré (surtout dans sa Dioptrique) que les couleurs, les sons, etc. n'existent point en effet dans les objets extérieurs, mais ne sont que les diverses modifications de notre œil, de notre ouïe, etc.... modifications que nous transportons dans les objets. Kant, sur le même chemin, a été beaucoup plus loin, et a fait voir que dans nos sensations, perceptions, jugemens des choses, il se mêlait à l'impression du dehors celle de notre propre manière de sentir, de percevoir, de juger; de telle sorte, que ce que nous croyons re

reçue

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