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meure encore problématique, cette existence est un fait, comme besoin et comme disposition naturelle de l'esprit. En ce sens la philosophie est aussi ancienne que la pensée, et elle a commencé dans l'homme au premier degré de są culture,

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I I.

DEs diverses définitions de la Philosophie, -S'il est nécessaire d'en donner une. - Différence essentielle des Mathéma tiques pures et de la Philosophie.

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Na vu, dans l'article précédent, que la logique, la métaphysique et la morale appar¬ tenaient incontestablement à cette partie de la science humaine qui s'est réservé le nom de philosophie. Mais qui peut fixer au-delà, et avec précision, les connaissances qui doivent être encore de son ressort, ou celles qui ne lui appartiennent plus ? C'est une chose embarrassante qu'un mot qu'on a retenu et auquel on veut absolument assigner un sens précis. Il est évident néanmoins que l'idée générale d'une science change et se modifie, et que par conséquent sa définition varie, à chaque fois qu'on lui prête ou qu'on lui enlève de nouvelles attributions. Cicéron a défini la philosophie: La science des choses divines et humaines, et de leurs causes. Selon Cicéron, la philosophie serait la science universelle, car les choses divines et humaines comprennent tout, l'histoire, la géo

graphie, l'éloquence, aussi bien que la logique et la morale. Cette définition répétée hardiment par tant de modernes, ne livre aucun des caractères distinctifs des choses, ni des causes qui doivent faire en particulier l'objet de la philosophie, dans le sens plus étroit qu'il a fallu donner à ce mot.

L'école de Leibnitz a dit que la philosophie était la science des raisons suffisantes; mais l'histoire et les arts ont aussi leurs raisons suffisantes dans le sens de Leibnitz; et il ne les compte pourtant pas dans la philosophie.

L'Encyclopédie offre sur ce point, comme sur bien d'autres, une bigarrure de doctrine, et une vacillation de plan qui confond et afflige celui qui y cherche une instruction solide. Dans le Système des connaissances humaines qui se trouve en tête de l'ouvrage, ses auteurs ont placé une définition, et dans le tome XII, à l'article philosophie, on en trouve une autre toute différente. Là ils ont adopté la doctrine et l'expression de l'empiriste Bacon-Verulam ; ici celles du rationaliste Wolf, et encore ont-ils eu soin d'altérer ces deux définitions, qui n'en concordent pas mieux pour cela. On lit, dans le Système des connaissances humaines, à la suite du Discours préliminaire de l'encyclopédie : « La » philosophie, ou la portion de la connaissance

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>> humaine qu'il faut rapporter à la raison, est >> très-étendue. Il n'est presqu'aucun objet aperçu » par les sens, dont la réflexion n'ait fait une » science..... Les plus importans sont Dieu', » à la connaissance duquel l'homme s'est élevé » par la réflexion sur l'histoire naturelle et sur >> l'histoire sacrée l'homme qui est sûr de » son existence par conscience, ou sens interne ; » la nature dont l'homme a appris l'histoire par » l'usage des sens extérieurs. Dieu, l'homme et » la nature nous fourniront donc une distribu» tion de la philosophie, ou de la science (car » ces mots sont synonimes); et la philosophie, » ou science, sera science de Dieu, science de » l'homme, et science de la nature ».

On sent que cette définition est pour le moins aussi fautive, et aussi vague que celle de Cicéron. Voici ce qu'on lit ensuite à l'article PHILOSOPHIE : <<< Il est tems de fixer le sens du nom de la » philosophie, et d'en donner une bonne défi>>nition. . . . Celle que M. Wolf a donné me >> paraît renfermer dans sa briéveté tout ce qui » caractérise cette science. C'est, selon lui, la » science des possibles en tant que possibles 3».

1 Dieu, objet aperçu par les sens !

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2 Comme si une histoire sacrée pouvait avoir lieu avant cette connaissance !

3 Je dois restituer dans son intégrité la définition de

Ici le ton est bien changé; les objets principaux de la philosophie sont Dieu, l'ame, la matière. Dieu n'est plus reconnu par l'histoire; il est question des possibles à l'égard de Dieu, de ce qu'on peut concevoir en lui et par lui, et tout ce jeu de conceptions de l'école LeibnitzioWolfienne. Nous ne nous arrêterons pas sur cette inconséquence; elle démontre seulement que quand l'encyclopédie fut compilée, il n'existait pas encore une définition de la philosophie à laquelle on se rapportât généralement.

Nous ne transcrirons pas ici toutes les phrases sententieuses, précieuses ou déclamatoires, que tant d'écrivains ont péniblement ajustées pour

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Wolf. Voici ses propres paroles : « La philosophie est une science de toutes les choses possibles, comment et pourquoi elles sont possibles ». Cela est plus clair et plus précis que la version encyclopédique. Voy. la logique de Wolf, intitulée : Pensées raisonnables sur les forces et le juste emploi de l'entendement humain dans la connaissance de la vérité. §. I. Le plus grand défaut de cette définition de Wolf, c'est qu'elle n'établit aucune différence entre ce qui est possible de l'idée d'une chose telle qu'on la pense, et ce qui est possible de cette chose même, comme réellement existante. Delà ce vice radical qui règne dans toute sa philosophie, de conclure de l'idée, ou conception, à la chose; de donner ce qui n'est que logique ment vrai, pour une réalité de fait.

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