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LENOX LIBRARY

NEW YORK

PRÉAMBULE

Γ

On ne pardonne qu'à regret une préface en littéture, et dans les créations musicales l'absence de préface. Un opéra a pour ainsi dire besoin d'être précédé d'une ouverture, qui initie à l'idée générale de la partition, en définisse le caractère, prépare l'oreille aux motifs principaux.-Je réclame le privilége des auteurs lyriques pour indiquer la donnée de ce livre, et justifier de ses droits au titre qu'il porte.

Il y a dans cette disposition de texte : La Femme de vingt-cinq ans, une presque totalité de consonnance déjà entendue. - Balzac, sans faire d'ailleurs sortir du titre le sens philosophique du livre, a composé une étude célèbre sous ce nom : La Femme de trente ans. Les gens qui exigent le tout à fait

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dans les mots, et à qui suffit l'à peu près dans les choses, pourraient être tentés de dénoncer un quasi-délit de contrefaçon. - La Femme de trente ans, La Femme de vingt-cinq ans, ne serait-ce pas la même œuvre en double? - Cinq ans de distance, - presque le temps d'une climatérique! - font-ils deux femmes différentes ? L'histoire de 1853 n'est-elle pas l'histoire de 1848? - Décrire la Loire à Amboise, n'est-ce pas avoir décrit la Loire à Orléans? N'y a-t-il pas là, d'ailleurs, une distinction fictive, une originalité fausse, un trompel'œil analogue à cette ruse industrielle : coter une marchandise au dernier chiffre des unités d'une dizaine, de façon à ce que le premier chiffre de la dizaine supérieure ne semble avoir rien de commun avec le prix ? — Ainsi pour les femmes en deçà de trente ans, il n'existerait pas de phase inétudiée, offrant un sujet neuf; il faut démontrer qu'une partie de ce temps antérieur forme le cadre de réserve de l'analyse.

II

VII

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Chez les femmes, justement parce qu'elles s'affirment surtout par la beauté, que la question de forme emporte le fond, la criticité arrive à une virtualité extrême, et détermine un grand nombre de subdivisions savantes, de périodes d'occupations successives, d'obligations temporelles dont on essaie de reculer le paiement à l'échéance. — Pour une femme, la révolution des douze mois n'est pas une année, c'est une annuité. Chaque phase nouvelle exige donc une définition nouvelle. - Pour les hommes, la vie a l'aspect d'une montagne ordinaire, comprenant l'ascension et la descente. On est un jeune homme ou un homme jeune. Pour les femmes, les séries d'années forment une superposition de plateaux où le bonheur est de savoir prolonger la halte. La vue de la vie est si magnifique prise du sommet! et le parcours de la descente est le triple du parcours de la montée.

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A vingt-cinq ans, la femme est arrivée au point culminant qui appartient aux deux jeunesses. - De là elle domine le passé et l'avenir. — Vingt-cinq ans,

VIII

c'est la consécration de la majorité universelle, l'an premier de la liberté, l'ère de la participation directe

à la vie; factice;

la valeur de cette date n'a donc rien de

elle est fondée en droit; voici ce qui la confirme en fait :

La femme de vingt-cinq ans, c'est la jeune fille achevée, la femme faite, dans la primeur de l'harmonie absolue, de l'éclat universel; l'œuvre de la beauté est complète; il n'y a plus rien à attendre du travail de la formation physique; la nature a cessé sa recréation patiente; tous les éléments de vie sont neufs, éprouvés, entiers; la beauté est à ce point de maturité résistante du fruit qu'on peut encore laisser impunément sur la branche, mais qu'il faut savoir conserver une fois cueilli. Il y a des fruits qui traversent sans rides tout l'hiver; ce sont les femmes qui, avec leur beauté de l'autre année, rejoignent encore une génération nouvelle.

Vingt-cinq ans, c'est l'avènement de la virilité d'âme et de corps; - la fin des illusions dont la déception paraissait mortelle, le commencement des illusions dont la déception ne paraît pas mortelle ; - l'explosion des passions fortes, actives, pleines de témérité, de générosité de soi-même. Les jours sont égaux et longs; les nuits sont brèves. La beauté, sûre d'elle-même, ose tout, ne calcule pas

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