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même ont avoué à Salicetti qu'on ne ferait que semblant d'assiéger Coni, mais qu'il ne fallait en rien dire aux représentants près l'armée des Alpes.

De là nous concluons que nous étions joués par les intrigants et les hypocrites; qu'on ne voulait pas exécuter votre arrêté; qu'on voulait, au contraire, laisser dans l'inaction une armée dé 80,000 hommes; qu'on voulait préparer des revers à l'armée des Alpes, flétrir les lauriers dont elle s'est couverte par son courage; livrer, par conséquent, les portes du Mont-Cenis et du Saint-Bernard, que le général Dumas n'avait pas suffisamment garnies de troupes, et nous attirer devant Demont sur la bonne foi, pour nous y abandonner et nous livrer à de nouveaux échecs.

Tel était, citoyens collègues, le plan bien connu aujourd'hui de Robespierre et Ricord; il cadre parfaitement avec tous les mouvements de l'ennemi. Buonaparte était leur homme, leur faiseur de plans, auxquels il nous fallait obéir. Une lettre anonyme, datée de Gênes, nous a prévenus qu'il y avait un million en route pour corrompre un général. Tenez-vous sur vos gardes, nous disait-on. Salicetti arrive, il nous apprend que Buonaparte s'est rendu à Gênes, autorisé par Ricord.

Qu'allait faire ce général en pays étranger? Tous nos soupçons se fixent sur sa tête. Salicetti nous apprend que d'un autre côté Ricord a placé ses beaux-frères et ses parents à la tête de la partie des vivres et des charrois de l'armée, et nous savions déjà que ces deux administrations étaient dans l'état le plus déplorable... Nos soupçons sont au point que nous craignons, au retour de Salicetti à Nice, qu'il n'apprenne l'émigration de Ricord luimême, qui ne manquerait pas de se munir du plan de campagne. On dit que Ricord et Robespierre ont eu de fortes sommes en numéraire à leur disposition, et tout cela indique qu'il y a de grandes mesures à prendre.

Mais soyez tranquilles, citoyens collègues, quelque difficile que soit notre position, nous déjouerons par un accord heureux les projets des fripons et des traîtres. Nous avons les yeux ouverts de tous côtés. Le plan de campagne sera changé, la discipline sera établie dans l'armée d'Italie; elle ne demande qu'à être maintenue dans l'armée des Alpes, car elle y règne. De nouvelles dispositions, commandées par les circonstances, vont être faites, et les satellites du tyran seront encore battus, si nous en croyons nos pressentiments. I importe d'abord d'écarter Ricord et Buonaparte; nous allons prendre sur nous de nous assurer de leur personne, ainsi que de leurs papiers, et de vous les envoyer à Paris.

Il importe ensuite qu'il n'y ait qu'une députation pour les deux armées des Alpes et d'Italie, parce que les opérations de

l'une et l'autre tendent au même but. C'est à vous, citoyens collègues, à prononcer notre réunion, et à nous distribuer la besogne, selon le besoin des circonstances; c'est encore à vous de nous adjoindre, si vous le croyez nécessaire, un collègue, prudent, habile et capable, pourvu que, comme Ricord, il ne soit pas du pays..... (suivent des renseignements stratégiques)..... Vous voudrez bien, chers collègues, adresser tous les ordres que vous aurez à nous donner, à Nice, où Salicetti et Albitte se rendent à l'instant, tandis que Laporte reste à l'armée des Alpes pour correspondre et suivre les opérations convenues. Signé : ALBITTE, SALICETTI, LAporte.

Citoyens représentants.

Vous m'avez suspendu de mes fonctions, arrêté et déclaré suspect. Me voilà flétri sans avoir été jugé, ou bien jugé sans avoir été entendu. Dans un état révolutionnaire, il y a deux classes, les suspects et les patriotes. Lorsque les premiers sont accusés, ils sont traités, par forme de sûreté, de mesures générales. L'oppression de la seconde classe est l'ébranlement de la liberté publique le magistrat ne peut condamner qu'après les plus mûres informations, et que, par une succession de faits, celui qui ne laisse rien à l'arbitraire. Déclarer un patriote suspect, c'est un jugement qui lui arrache ce qu'il a de plus précieux: la confiance et l'estime.

Dans quelle classe veut-on me placer? Depuis l'origine de la révolution, n'ai-je pas toujours été attaché aux principes? Ne m'a-t-on pas toujours vu dans la lutte, soit contre les ennemis internes, soit comme militaire contre les étrangers?

J'ai sacrifié le séjour de mon département. J'ai abandônné mes biens; j'ai tout perdu pour la République. Depuis, j'ai servi sous Toulon avec quelque distinction, et j'ai mérité, à l'armée d'Italie, la part des lauriers qu'elle a acquis à la prise de Saorgio, d'Oncille et de Tanaro.

A la découverte de la conspiration de Robespierre, ma conduite est celle d'un homme accoutumé à ne voir que les principes.

L'on ne peut donc me contester le titre de patriote.

Pourquoi donc me déclare-t-on suspect sans m'entendre, m'arrête-t-on huit jours après que l'on avait la nouvelle de la mort du tyran?

L'on me déclare suspect et l'on met les scellés sur mes papiers.

L'on devait faire l'inverse: l'on devait mettre les scellés sur mes papiers, m'entendre, me demander des éclaircissements et ensuite me déclarer suspect, s'il y avait lieu. L'on veut que j'aille à Paris avec un arrêté qui me déclare suspect; l'on doit supposer que les représentants ne l'ont fait qu'en conséquence d'une information, et l'on re me jugera qu'avec l'intérêt que mérite un homme de cette classe.

Innocent, patriote, calomnié, quelles que soient les mesures que prenne le Comité, je ne pourrai pas me plaindre de lui. Si trois hommes déclaraient que j'ai commis un délit, je ne pourrais me plaindre du jury qui me condamnerait.

Salicetti, tu me connais; as-tu rien vu, dans ma conduite de cinq ans, qui soit suspect à la révolution?

Albitte, tu ne me connais point; l'on n'a pu te prouver aucun fait; tu ne m'as pas entendu; tu connais cependant avec quelle adresse quelquefois la calomnie siffle.

Dois-je donc être confondu avec les ennemis de la patrie, et des patriotes doivent-ils inconsidérément perdre un général qui n'a point été inutile à la République ? Des représentants doiventils mettre le gouvernement dans la nécessité d'être injuste et impolitique?

Entendez-moi, détruisez l'oppression qui m'environne et restituez-moi l'estime des patriotes.

Une heure après, si les méchants veulent de ma vie, je l'estime si peu, je l'ai si souvent méprisée... oui! la seule idée qu'elle peut être encore utile à la patrie me fait en soutenir le fardeau avec courage.

BUONAPARTE.

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Les représentants du peuple, députés par la Convention nationale prés l'armée d'Italie, les départements du Var et des Alpes-Maritimes.

Après avoir scrupuleusement examiné les papiers du citoyen Buonaparte, suspendu provisoirement des fonctions de général d'artillerie de l'armée d'Italie, et mis en état d'arrestation après le supplice du conspirateur Robespierre, par forme de sûreté générale;

Après avoir pris connaissance des ordres à lui donnés, le · 25 messidor, par le représentant du peuple, Ricord, pour se rendre à Gênes, et y remplir une mission spéciale, par l'arrêté dudit jour, et reçu de lui un rapport par écrit du résultat de sa mission; après avoir pris les renseignements les plus exacts sur la conduite antérieure dudit général et cherché la vérité dans plusieurs interrogatoires qui lui ont été faits par euxmêmes, n'ayant rien trouvé de positif qui pût justifier les soupçons qu'ils avaient pu concevoir de sa conduite et de ses dispositions;

Prenant en outre en considération l'utilité dont peuvent être à la République les connaissances militaires et locales dudit Buonaparte, et voulant recevoir de lui tous les renseignements qu'il peut et doit donner sur la situation antérieure de l'armée et de ses dispositions ultérieures :

Arrêtent que le citoyen Buonaparte sera mis provisoirement en liberté pour rester au quartier général, et qu'il sera incessamment rendu compte au Comité de salut public de l'opinion que l'examen le plus approfondi a donné aux représentants du peuple de la conduite dudit Buonaparte, pour, après la réponse du Comité de salut public, être statué définitivement.

Signé : ALBITTE, SALICETTI.

Collationné conforme à l'original,

Signé : CAVENER.

Certifié conforme :

Le général en chef de l'armée d'Italie,

DUMERBION.

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Paris. Typ. Rouge frères et Comp., rue du Four-St-Germain, 43.

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