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« Dans cet état de choses, que puis-je, que dois-je faire? Je pense, citoyens, que c'est de continuer les négociations entamées par Buonaparte; quand elles ne donneraient d'autre résultat que celui de gagner du temps, j'aurais déjà lieu d'être satisfait... J'écris en conséquence au grand-vizir... S'il répond à ces avances, je lui proposerai la restitution de l'Égypte, etc.... »

Tels étaient les résultats de cette expédition d'Égypte, qui n'a dans l'histoire qu'un pendant, imaginé aussi par un Buonaparte, l'aventure du Mexique. Celle-ci aboutissant au supplice d'un maître imposé par la France, et à la mort, certes mille fois plus touchante, d'un nombre inconnu d'innocentes victimes; celle-là soldée par la perte de vingt mille républicains, de la marine française et de Kléber.

Tel était l'homme qui venait, oblique et louvoyant comme un pirate, prendre à la gorge la République française et mettre la main sur son or, sur ses enfants et sur ses libertés.

LIVRE II

L'ACTE

CHAPITRE PREMIER

LA FRANCE EN L'AN VIII

SI

Il est d'usage, parmi les historiens qui ont traité cette période de notre histoire, de présenter la situation de la France, à la fin de 1799, sous les couleurs les plus sombres. A l'intérieur, anarchie et misère; à l'extérieur, dangers pressants et terribles: tel est, en substance, le sujet du tableau sinistre que l'on voit périodiquement reproduit depuis soixante ans, comme l'image de la réalité.

:

Quant au motif de ces lugubres descriptions, il n'est pas malaisé de l'apercevoir pour faire de Buonaparte un sauveur » de société, pour pallier par une ombre de prétexte le criminel coup de main qu'il vint accomplir, il fallait bien, de toute nécessité, figurer ainsi l'état des choses.

L'excuse des historiens qui ont à ce point travesti la réalité, c'est qu'ils n'ont fait que répéter les calomnies éditées par le menteur de Sainte-Hélène mais c'est en même temps leur condamnation. Un témoignage aussi intéressé est d'un pauvre poids devant la critique sérieuse, et ce n'est pas de ces as sertions effrontées que l'histoire doit se faire. Il est temps d'en finir avec ces récits de convention.

La Constitution de l'an III entrait dans sa cinquième année d'existence. Que ce pacte fondamental eût été le fruit de l'esprit de réaction qui souffla sur la France après le 9 thermidor, c'est ce qui n'est pas contestable. Mais les hommes qui l'avaient conçu venaient d'agiter de trop grandes idées et de respirer une atmosphère trop chargée d'éléments révolutionnaires pour que leur œuvre ne fût pas supérieure à leur plan.

C'étaient des réacteurs, sans doute, ces membres de la Commission des Onze qui furent chargés de substituer leur conception à cette admirable Constitution de 1793, la plus haute, la plus noble, la plus philosophique qu'il ait été donné à l'humanité de formuler. Mais ces réacteurs, ne l'oublions pas, c'étaient des transfuges du Comité de Salut public, c'étaient, en dépit d'eux-mêmes, les hommes de 89, de 92, de 93; et quant à l'assemblée qui accepta leur projet, c'était la Convention, décapitée, amoindrie, harassée, mais, malgré tout, la Convention!

L'œuvre s'en ressentit. Tout inférieure qu'elle est au pacte de 1793, la Constitution de l'an III n'en

présente pas moins les grandes lignes fondamentales. Que de peuples, après quatre-vingts ans, pourraient encore la considérer comme un progrès éclatant sur leurs institutions présentes! Elle est tout entière formée des conquêtes de la Révolution; elle est basée sur ses principes; elle les proclame à chaque article.

Que dit-elle, en effet, en résumé ?

Elle dit :

La souveraineté réside dans l'universalité des citoyens.

Le pouvoir législatif réside intégralement dans deux Conseils élus par le suffrage universel, formés l'un de 250 membres âgés de 40 ans au moins (Conseil des Anciens), l'autre de 500 membres (Conseil des Cinq-Cents). Les séances des deux assemblées sont publiques; leur composition est annuellement renouvelée par tiers.

Le pouvoir exécutif est délégué, par les deux Conseils, à un Directoire de cinq membres, renouvelé par cinquième tous les ans.

Les corps administratifs des départements et des municipalités sont nommés par le suffrage universel (le pouvoir exécutif n'ayant que des commissaires près les administrations municipales et départementales). Tous les actes de ces administrations sont publics.

Le pouvoir judiciaire réside en des magistrats élus par le suffrage universel.

Dans ce pacte on peut signaler des imperfections. On peut critiquer hautement, par exemple, cette

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