Page images
PDF
EPUB

fuprimés en entier pour me confor. mer aux intentions de l'Auteur même. Je me fuis fait une loi de le rendre rel qu'il a defiré de paroître aux yeux du Public, & je n'ai point hésité de profcrire après fa mort, ce qu'il a jugé digne de changement durant fa vie, dans la derniére édition qu'il a fait faire de fes Ouvrages, Ainfi j'ef pere, que le Savant & l'Homme du monde, feront également conten's de la mienne. Elle eft, je l'ofe dire, la plus correcte qu'on ait donnée juf qu'à préfent des Oeuvres de ce célébre Poëte.

[ocr errors][ocr errors]
[ocr errors][merged small][merged small]

ICOLAS BOILEAU, Sieur Defpréaux, nâquit à Paris le premier jour de Novembre 1636. & fut l'onzième des enfans de Gilles Boileau, Greffier de la Grand'Chambre du Parlement de Paris, homme célébre par fa probité & par fon expérience dans les affaires. Il fit fes premiéres études au College de Harcourt & il y achevoit fa quatrième lorfqu'il fut attaqué de la pierre. Il fallut le tailler, & l'opération quoique faite en apparence avec beaucoup de fuccès, lui laiffa cependant pour tout le refte de fa vie, une très-grande incommodité. Dès qu'il fut en état de reprendre fes exercices, il alla en troifiéme

"

les

,

au College de Beauvais, fous M. Sevin habile homme, qui régentoit cette Claffe depuis près de cinquante ans, & qui paffoit pour l'homme du monde, qui jugeoit le mieux de l'efprit des jeunes gens. Il fut le premier qui reconnut dans fon nouveau Difciple, un talent extraordinaire pour Vers', & qui crut pouvoir affurer fans reftriction, qu'il fe feroit un nom fameux en ce genre d'écrire. La lecture continuelle des Poëtes & des Romans décela fon goût pour la Poëfie. On le furprenoit quelquefois au milieu de la nuit fur ces livres favoris & l'on étoit fouvent obligé de l'avertir aux heures du repas. Mais cette lecture que lui-même appelloit une fureur, loin de lui gâter l'efprit, comme il arrive ordinairement, par un amas confus d'idées bizarres, & fouvent fauffes, ne fervit qu'à lui infpirer une critique plus éxacte, & des traits plus vifs contre le ridicule en général, & contre celui des Auteurs en particulier. Auffi les Ouvrages qu'il lifoit avec le plus de goût & de plaifir, étoientils ceux où il trouvoit une Satire fine & judicieuse.

>

aut

Quand il eut fini fon cours de Philofophie, il étudia en Droit, & fe fit recevoir Avocat. Nul état ne paroiffoit mieux lui convenir : il avoit une mémoire heureuse,

,

beaucoup de vivacité & de pénétration, un jugement fûr une élocution facile. Mais l'inclination, le premier de tous les talens lui manquoit. Les détours de la chicane ne convenoient point à fa candeur naturelle. Il ne put s'accommoder d'une fcience, où l'on fe trouve fouvent obligé de reveftir le menfonge des caractéres de la vérité. Il réfolut donc de prendre un autre parti, & fe détermina à la Théologie. Il en commença un cours; mais il ne put foutenir longtems les leçons d'une fcholastique épineufe, & s'imaginant que pour le fuivre plus adroitement, la chicane n'avoit fait que changer d'habit, il renonça pour toujours à la Sorbonne, & fe livra a fon génie Poëtique que la mort de fon pere, lui laiffoit dailleurs toute liberté de fuivre.

Il y avoit alors en France un grand nombre de Poëtes qui, quoique très-médiocres, ne laiffoient pas que de faire du bruit; il s'en trouvoit même quelques-uns de ce rang, que l'on ofoit vanter comme des modéles. M. Despréaux ne put fouffrir que ce mauvais goût triomphât, & qu'on fe laiffat tromper par des Auteurs fans génie, & qui fembloient écrire en dépit du bon fens & de la Poëfie. Il crur devoir venger l'un & l'autre ; & ce noble deffein lui arra

cha quelques Satires, qui, en lui acquérant une grande réputation, lui attirérent en même tems la haine & le reffentiment de tous ceux qu'il attaquoit, ou qu'il laiffoit au deffous de lui. Son attachement pour la vertu, l'engagea auffi à ne pas épargner le vice dans les Satires, ce qui ne fit que multiplier fes approbateurs & fes ennemis.

Il fe contentoit au commencement de lire fes piéces à fes amis, & quelque applau diffement qu'il en reçût, on ne pouvoit l'obliger à les rendre publiques. Il fouffrit même affez long-tems les mauvaises copies que l'on en repandoit dans le monde ; mais fa conftance l'abandonna enfin, à la vuë d'une édition pleine de fautes, & dans la quelle on avoit de plus mis fous fon nom quelques piéces fuppofées & indignes de fa plume. Ces enfans défigurés reveillerent la tendreffe de leur pere, & l'obligérent à donner lui-même fes Satires, d'abord féparément, & enfuite dans un rerecueil qui en comprenoit huit. Cette édition parut en 1666. Elle excita de grands mouvemens fur le Parnaffe François. Les Auteurs qu'on attaquoit dans cet Ouvrage, irrités de le voir tournés en ridicule, après avoir joüi d'une reputation qu'ils croïoient mériter, s'en vengérent par des critiques

« PreviousContinue »