Il n'eft Valet d'Auteur, ni Copiste à Paris, Et je ferai le feul qui ne pourrai rien dire? Et qu'ont produit mes vers de fi pernicieux, Pour armer contre moi tant d'Auteurs furieux ? 195 Loin de les décrier, je les ai fait paroître; Et fouvent, fans ces vers qui les ont fait connoître, Leur talent dans l'oubli demeureroit caché. Et qui fauroit fans moi que Cotin a prêché? La Satire ne fert qu'à rendre un Fat illuftre. 200 C'est une ombre au tableau, qui lui donne du lustre. En les blâmant enfin, j'ai dit ce que j'en croi, Et tel, qui m'en reprend, en pense autant que moi. Il a tort, dira l'un, Pourquoi faut-il qu'il nomme ? Attaquer Chapelain! ab! c'eft un fi bon Homme. 205 Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers. Il est vrai, s'il m'eût crû, qu'il n'eût point fait de vers. Vers 198. Et qui fauroit fans moi que Catin a préché? ] Allufon à ce vers de la Satire III. Qu'aux Sermons de Caffagne on de l'Abbé Cetin. Vers 205. Balzac en fait l'Eloge. ] Voïez les Lettres de Balzac à Chapelain: il y en a fix Livres entiers, depuis le 17. `jufqu'au 22. inclufivement. Il fe tuë à rimer. Que n'écrit-il en profe? Voilà ce que l'on dit. Et que dis-je autre chose! En blâmant fes Ecrits, ai-je d'un stile affreux 110 Diftilé fur la vie un venin dangereux ? Ma Mufe en l'attaquant, charitable & difcrete,' Et s'il ne m'eft permis de le dire au papier; Vers 218. Qu'il foit le mieux gea la préference à Pan; & Apollon, pour s'en venger, donna à Midas des oreilles d'Ane. Ce Prince cachoit fa difgrace avec foin; mais comme il ne put empêcher que fon Barbier ne s'en aperçût, il lui défendit fur peine de la vie d'en parler. Le Barbier ne pouvant fe taire, fit dans la terre un creux, où il dit tout bas: Vers 222.J'irai creu fer la terre, & comme ce Barbier, &c.] Midas, Roi de Phrigie, poffe doit de grands tréfors: ce qui avoit donné lieu aux Poëtes de feindre que ce Prince chan-Midas a des oreilles d' Ane. 11 geoit en or, tout ce qu'il touchoit. Mais il avoit très-peu d'efprit. Apollon & Pan s'étant défiés à chanter, prirent Midas pour juge. Celui-ci aju erut avoir enterré fon fecret; mais la terre produifit des Roseaux qui étant agités par le vent redifoient tout haut: Midas a des oreilles d'Ane. , ́Vers 222. J'irai creufer la terre, &c.] Perfe, Satire I. v. 119 P. Hic tamen infodiam, &c, Faire dire aux rofeaux par un nouvel organe, Midas, le Roi Midas a des oreilles d'Ane. 225 Quel tort lui fais-je enfin? ai-je par un écrit Pétrifié fa veine, & glacé fon esprit ? Quand un Livre au Palais se vend & fe débite, Que chacun par fes yeux juge de fon mérite: Que Billaine l'étale au deuxième Pilier : 230 Le dégoût d'un Cenfeur peut-il le décrier ? Envain contre le Cid un Ministre se ligue, Tout Paris pour Chimene a les yeux de Rodrigue. L'Académie en corps a beau le censurer: Le Public revolté s'obftine à l'admirer. 235 Mais lorsque Chapelin met une œuvre en lumiere, Chaque Lecteur d'abord lui devient un Liniere, Envain il a reçû l'encens de mille Auteurs: Son Livre en paroissant dément tous fes Flateurs. Ainfi, fans m'accufer, quand tout Paris le jouë, 240 Qu'il s'en prenne à fes vers que Phébus défavouë. Qu'il s'en prenne à fa Muse Allemande en François. Mais laiffons Chapelain pour la derniere fois. La Satire, dit-on, eft un métier funefte, Qui plaît à quelques gens, & choque tout le refte. $245 La fuite en eft à craindre. En ce hardi métier La peur plus d'une fois fit repentir Regnier. Vers 229. Que Billaine l'étale.] Louis Billaine, fameux Libraire du Palais. Vers 231. En vain contre le Cid un Miniftre fe ligne. ] Quelque fuccès qu'eut cette Piece, le Cardinal de Richelieu obli gea l'Académie Françoise d'en faire la critique. Voyez, Hift. de l'Académie, Part. 3. Vers 236. Lui devient un Linière.] Auteur qui a écrit contre le Poëme de la Pucolle de Chapelain. Vers 246. La peur plus d'une fois fit repentir Regnier.] Et Quittez ces vains plaisirs, dont l'appas vous abuse; A de plus doux emplois occupez votre Mufe: Er laiffez à Feüillet réformer l'Univers. 250 Et fur quoi donc faut-il que s'exercent mes vers? Irai-je dans une Ode, en phrafes de Malherbe, Troubler dans fes rofeaux le Danube fuperbe : Délivrer de Sion le peuple gémissant: Faire trembler Memphis, ou pâlir le Croiffant: 355 Et paffant du Jourdain les ondes alarmées, Cueillir, mal-à-propos, les palmes Idumées ? Viendrai-je, en une Eglogue, entouré de troupeaux, Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux, Et dans mon cabinet affis au pied des hêtres, 260 Faire dire aux Echos des fottifes champêtres Faudra-t-il de fang froid, & fans être amoureux; Pour quelque Iris en l'air faire le langoureux; Lui prodiguer les noms de Soleil & d'Aurore, Et toujours bien mangeant mourir par métaphore? 265 Je laiffe aux Doucereux ce langage affeté, Où s'endort un efprit de molleffe hébeté. La Satire, en leçons, en nouveautés fertile, Sait feule affaifonner le Plaifant & l'Utile, Et d'un vers, qu'elle épure aux raïons du bon fens, 70 Détromper les Efprits des erreurs de leurs tems. moi auffi, difoit quelquefois Cloud, Prédicateur célébre de Vers 256.- Elle feule, bravant l'orgueil & l'injustice, Va jufques fous le dais faire pâlir le vice; Et fouvent fans rien craindre, à l'aide d'un bon mot, Va venger la Raifon des attentats d'un Sot. 275 C'est ainfi que Lucile, appuïé de Lélie, Fit justice en fon tems des Cotins d'Italie, Et qu'Horace, jettant le fel à pleines mains, Se joüoit aux dépens des Pelletiers Romains, C'eft elle, qui m'ouvrant le chemin qu'il faut fuivre, 280 M'inspira dès quinze ans la haine d'un for Livre, Et fur ce Mont fameux, où. j'ofai la chercher, Fortifia mes pas, & m'apprit à marcher. C'est pour elle, en un mot, que j'ai fait vou d'écrire. Toutefois, s'il le faut, je veux bien m'en dédire : 285 Et pour calmer enfin tous ces flots d'Ennemis Réparer en mes vers les maux qu'ils ont commis. Puifque vous le voulez, je vais changer de stile. Je le déclare donc. Quinaut eft un Virgile. Pradon comme un Soleil en nos ans a paru. 290 Pelletier écrit mieux qu'Ablancourt ni Patru. Vers 175. C'est ainfi que Lucile, &c.] Perse, Sat. I. vers 114. |