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De tous les Animaux il eft, dit-il, le maître,

o Qui pourroit le nier ? pourfuis-tu. Moi peut-être. Mais fans examiner, fi vers les antres fourds L'Ours a peur du Paffant, ou le Paffant de l'Ours Et fi, fur un Edit des Pastres de Nubie, Les Lions de Barca vuideroient la Libye: 65 Ce Maître prétendu, qui leur donne des lois, Ce Roi des animaux, combien a-t-il de Rois? L'Ambition, l'Amour, l'Avarice, la Haine, Tiennent comme un forçat fon efprit à la chaîne. Le fommeil fur fes yeux commence à s'épancher. 70 Debout, dit l'Avarice, il eft tems de marcher. Hé laiffez-moi. Debout. Un moment. Tu repliques ?

A peine le Soleil fait ouvrir les boutiques. N'importe, leve-toi. Pourquoi faire après tout? Pour courir l'Ocean de l'un à l'autre bout, 75 Chercher jufqu'au Japon la porcelaine & l'ambre, Rapporter de Goa le poivre & le gingembre. Mais j'ai des biens en foule, & je puis m'en paffer. On n'en peut trop avoir; & pour en amasser, Il ne faut épargner ni crime ni parjure: So Il faut fouffrir la faim, & coucher fur la dure:

Vers 63. Et fi fur un édit des Paftres de Nubie, &c. ] La Nubie eft un grand Païs de P'Affrique, fitué au Midi du Roïaume de Barca.

Vers 76. Rapporter de Goa,] Capitale des Etats que les Portugais poffedent dans les Indes Orientales.

Vers 69. Le fommeil fur fes yeux commence, &c.] Perfe Satire 5. vers 132,

Mane piger ftertis i furge, inquit Avaritia ɔ facu

Elt-on plus de tréfors que n'en perdit Galet,
N'avoir en fa maison ni meubles ni valet:
Parmi les tas de blé vivre de feigle & d'orge,
De peur de perdre un liard, fouffrir qu'on vous
égorge.

Et pourquoi cette épargne enfin? L'ignores-tu?
Afin qu'un Héritier bien nourri, bien vétu,
Profitant d'un tréfor en tes mains inutile,
De fon train quelque jour embarraffe la Ville.
Que faire? il faut partir. Les matelots font prêts.
o Ou, fi pour l'entraîner l'argent manque d'attraits,
Bien-tôt l'Ambition & toute son escorte,

Dans le fein du repos, vient le prendre à main forte,

L'envoie en furieux au milieu des hazards, Se faire eftropier fur les pas des Céfars, 9f Et cherchant sur la bréche une mort indiscrette, De fa folle valeur embellir la Gazette. Tout-beau, dira quelqu'un, raillez plus à propos ; Ce vice fut toujours la vertu des Heros.

Quoi donc ? à votre avis, fut-ce un fou qu'Alexandre? 100 Qui? cet écervelé, qui mit l'Asie en cendre ș Ce fougueux l'Angeli, qui de fang alteré,

, avec

Vers 81. Eût-on plus de tré- | encore jouer, dit-on fors que n'en perdit Galet. ] Fa- les Laquais dans les ruës,& meux Joueur qui avoit gagné même fur les degrez de la maiau jeu des fommes immenfes, fon qui lui avoit appartenue. qu'il reperdit dans la fuite. I Vers 101. Ce fougueux l'Anavoit fait bâtir à Paris l'Hô-géli. ] Voïez le vers 112 de la tôtel de Sulli, dans la rue St. Satire I. & la Remarque fur Antoine; mais il le joua en ce même vers, où il eft parlé un coup de dez. Après avoir de l'Angéli. perdu tout fon bien, il alloit

Maître du monde entier, s'y trouvoit trop serré? L'Enragé qu'il étoit, né Roi d'une province, Qu'il pouvoit gouverner en bon & fage Prince, os S'en alla follement, & penfant être Dieu, Courir comme un Bandit qui n'a ni feu ni lieu; Et traînant avec foi les horreurs de la guerre, De fa vaste folie emplir toute la Terre. Heureux! fi de fon tems, pour cent bonnes raisons, 110 La Macédoine eût eu des Petites-Maisons, Et qu'un fage Tuteur l'eût en cette demeure, Far avis de Parens, enfermé de bonne heure. Mais fans nous égarer dans ces digreffions; Traiter, comme Senaut, toutes les paffions; Is Et les diftribuant par claffes & par titres,

Dogmatizer en vers, & rimer par chapitres : Laiffons-en difcourir la Chambre, & Coëffeteau : Et voïons l'Homme enfin par l'endroit le plus beau. Lui feul vivant, dit-on, dans l'enceinte des Villes, 20 Fait voir d'honnêtes mœurs, des coutumes civiles,

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Se fait des Gouverneurs, des Magistrats, des Rois,
Obferve une police, obéit à des loix.

Il eft vrai. Mais pourtant, fans lois & fans police,
Sans craindre Archers, Prevôt, ni fuppôt de Justice,
125 Voit-on les Loups brigans, comme nous inhumains,
Pour détrouffer les Loups courir les grands chemins?
Jamais pour s'agrandir, vit-on dans fa manie
Un Tigre en factions partager l'Hyrcanie ?
L'Ours a-t-il dans les bois la guerre avec les Ours?
130 Le Vautour dans les airs fond-il fur les Vautours?
A-t-on vû quelquefois dans les plaines d'Afrique ?
Déchirant à l'envi leur propre République,

Lions contre Lions, Parens contre Parens,
Combattre follement pour le choix des Tirans ?
L'animal le plus fier qu'enfante la Nature,
Dans un autre animal refpecte fa figure
De fa rage avec lui modére les accès,
Vit fans bruit, fans débats, sans noise, sans procès.
Un Aigle, fur un champ prétendant droit d'Au

baine,

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440 Ne fait point appeller un Aigle à la huitaine. Jamais contre un Renard chicanant un poulet,

Vers 128.- Partager
Hyrcanie? Province de la
Perfe au Midi de la Mer Caf-
pienne.

Vers 139. Un Aigle fur un
champ prétendant droit d'Au-

Yers

baine. ] Le droit d'Aubaine eft le droit de prendre la fucceffion d'un Etranger qui meurt en France. Ce Droit appartient au Roi feul, dans fon Roïaume.

125. Voit-on les Loups brigans, &c. ] Horace, Epode 7.

Neque hic lupis mos, nec fuit leonibus

Unquam, nifi in difpar, feris.

Un Renard de fon fac n'alla charger Rolet. Jamais la Biche en rut n'a pour fait d'impuiffance Traîné du fond des bois un Cerf à l'Audiance, 145 Et jamais Juge, entr'eux ordonnant le congrès De ce burlesque mot n'a fali fes arrêts.

On ne connoît chez eux ni Placets, ni Requêtes, Ni haut ni bas Confeil, ni Chambre des Enquêtes. Chacun l'un avec l'autre en toute fûreté 15. Vit fous les pures lois de la fimple Equité. L'Homme feul, l'Homme feul, en fa fureur extrême Met un brutal honneur à s'égorger foi-même. C'étoit peu que fa main, conduite par l'Enfer, Eût paîtri le falpêtre, eût aiguifé le fer.

Vers 142. Un Renard de fon¦
fac n'alla charger Rolet ] Procu-
reur au Parlement, dont il
a été parlé dans la Satire I.

vers 52.

Vers 145. Et jamais Juge entr'eux ordonnant le congrès, &c.] Le Congrès eft une preuve honteuse qui fe faifoit en préfence de Chirurgiens & de Matrones, par ordonnance des Juges Ecclefiaftiques, quand une femme demandoit la diffolution du mariage à caufe de l'impuiffance du mari. Ces deux vers qui frappérent Mr. le Premier Préfident de Lamoignon, ne contribuérent pas peu à faire abolir l'ufage du Congrès. En effet, depuis La publication de cette Satire,

Vers 153. C'étoit peu que fa endroit.

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toutes les fois qu'il se préfenta
au Parlement quelque conte
ftation au fujet du Congrès, ce
fage Magiftrat fe déclara con-
tre cette épreuve. Mr. de La-
moignon fon fils, Avocat Gé-
néral, portant la parole en
1674, dans une caufe de cette
efpéce, témoigna la jufte hof-
reur que l'on devoit avoir de
cet ufage odieux, qui offenfe,
dit-il, les bonnes mœurs, la
Religion, la Juftice, & la Na-
ture même. Enfin, en 1677
Mr. le P. Président de Lamoi.
gnon prononça un Arrêt en
forme de Réglement, qui abo-
lit pour toujours la preuve in-
utile & infame du Congrès.
Journal du Palais, Tom. 3. p、
466. & Tom. s. p. x.
main, &c.] Juvénal au même

Aft homini ferrum lethale incude nefanda
Produxiffe parum est.

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