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Et l'eut-on và porter la mandille à Paris,
N'eut-il de fon vrai nom ni titre ni mémoire,
D'Hozier lui trouvera cent Aieux dans l'histoire.

Toi donc, qui de mérite, & d'honneur revétu, Des écueils de la Cour as fauvé ta vertu, DANGIAU, qui dans le rang où notre Roi t'appelle, Le vois toujours orné d'une gloire nouvelle, Er plus brillant par foi que par l'éclat des lis, 140 Dédaigner tous ces Rois dans la pourpre amollis; Fuir d'un honteux loifir la douceur importune; A fes fages confeils affervir la Fortune;

Et de tout fon honneur ne devant rien qu'à soi, Montrer à l'Univers ce que c'eft qu'être Roi: 145 Si tu veux te couvrir d'un éclat légitime,

Va par mille beaux faits mériter fon estime: Sers un fi noble Maître ; & fais voir qu'aujourd'hui Ton Prince a des Sujets qui font dignes de lui.

Vers 1 2.

La man

dille à Paris.] Mandille, eft
une espece de cafaque ou de
manteau que les Laquais por-
toient autrefois, & même en-
core dans le tems que cette
Satire fut compofée. La Man- |
dille étoit particuliere aux
Laquais, & les faifoit diftin-
guer des autres Valets. Elle

étoit compofée de trois pié ces, dont l'une leur pendoit fur le dos, & les deux autres fur les épaules. Furetiere.

Vers 14. D'Hozier lui tron vera, &c.] Pierre D'Hozier Généalogifte de la Maison du Roi, Juge général des Armes & Blazons de France.

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Cette Satire contient la defcription des embarras de Paris. Elle été compofee dans le même tems que la Satire premiere dont elle faifoit partie. C'est une imitation de la Satire III. de Juvénal.

Q

UI frappe l'air, bon Dieu! de ces lugubres cris

Eft-ce donc pour veiller qu'on fe couche à Paris Et quel fâcheux Démon, durant les nuits entieres, Raffemble ici les chats de toutes les goutieres? J'ai beau fauter du lit plein de trouble & d'effroi ; Je penfe qu'avec eux tout l'Enfer eft chez moi. L'un miaule en grondant comme un tigre en furie. L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie. Ce n'eft pas tout encore. Les fouris & les rats To Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats; Plus importans pour moi, durant la nuit obfcure, Que jamais, en plein jour ne fut l'Abbé de Pure. Tout confpire à la fois à troubler mon repos : Et je me plains ici du moindre de mes maux. Is Car à peine les coqs, commençant leur ramage, Auront de cris aigus frappé le voisinage: Qu'un affreux Serrurier, laborieux Vulcain, Qu'éveillera bien-tôt l'ardente foif du gain, Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête, 20 De cent coups de marteau me va rompre la tête.

Vers 2. Eft-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris.} Juvénal 3. Plurimus hic ager moritur vigilando. Vers 15. Car à peine les coqs, &c.] Martial, L. 9. Ep. 69. Nondum criftati rupêre filentia galli, &c.

J'entens

Fentens déja par tour les charrettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir
Tandis que dans les airs mille cloches émuës,
D'un funebre concert font retentir les nuës,
Et fe mêlant au bruit de la grêle & des vents,
Pour honorer les morts, font mourir les vivans,
Encore je benirois la bonté fouveraine,

Si le Ciel à ces maux avoit borné ma peine.
Mais fi feul en mon lit je peste avec raison
30 C'est encore pis vingt fois en quittant la maison.
En quelque endroit que j'aille il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent fans ceffe
L'un me heurte d'un ais, dont je fuis tout froiffé
Je vois d'un autre coup mon chapeau renverfé.
Là d'un enterrement la funebre ordonnance
D'un pas lugubre & lent vers l'Eglife s'avance:
Et plus loin des Laquais l'un l'autre s'agaçans,
Font aboïer les chiens, & jurer les paffans.
Des Paveurs en ce lieu me bouchent le passage.
40 Là je trouve une croix de funefte présage:

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Vers 40.

Une croix de funefte préfage. ] C'eft une de ces croix, compofées de deux lattes attachées au bout d'une corde, que les Maçons & les

Couvreurs font obligez de fuf pendre devant les maifons fur lefquelles ils travaillent; afin d'avertir les passans de n'en pas approcher.

Vers 31. En quelque endroit que j'aille, &c.] Ce vers & leg trois fuivans font imitez de Juvénal, 3. 243.

Unda prior, &c.

Nobis properantibus obftat

Vers 35. Là d'un enterrement,&c.] Horace, L. z. Ep. 2. v. 78x
Triftia robuftis ludantur funera plauftris.

Tome I.

C

Et des Couvreurs, grimpez au toit d'une maison, En font pleuvoir l'ardoife & la tuile à foifon, Là fur une charrette une poutre branlânte Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente. 45 Six chevaux, attelez à ce fardeau pefant,

One peine à l'émouvoir fur le pavé gliffant, D'un caroffe en tournant il accroche une rouë, Et du choc le renverse dans un grand tas de boue, Quand un autre à l'instant, s'efforçant de passer, yo Dans le même embarras fe vient embarraffer. Vingt caroffes bien-tôt arrivant à la file, Y font en moins de rien fuivis de plus de mille Et pour furcroit de maux, un fort malencontreux...... Conduit en cet endroit un grand troupeau de bœufs, 55 Chacun prétend paffer: l'un mugit, l'autre jure.

Des mulets en fonnant augmentent le murmure. Auffi-tôt cent chevaux dans la foule appellez, De l'embarras qui croît ferment les défilez, Et par tout des passans enchaînant les brigades, 60 Au milieu de la paix font voir les barricades.

On n'entend que des cris pouffez confufément. Dieu, pour s'y faire ouir, tonneroit vainement.

Vers 60. Font voir les barricades. ] L'Auteur défigne ici celles qui fe firent à Paris, au

mois d'Août 1648. pendanṛ la guerre de la Fronde,

Vers 34. Là fur une charrette, &c.] Juvénal, Sat. 3. v. 25 4s
Modo longa corufcat,

Sarraco veniente, abies, &c.

It Hoiace, parlant des mêmes embarras, L. 2. Ep. 2..

Torquet nunc lapidem, nunc ingeus machtna tignum, &ca

Moi donc, qui dois fouvent en certain lieu me rendre
Le jour déja baiffant, & qui fuis las d'attendre,
65 Ne fachant plus tantôt à quel Saint me voüer
Je me mets au hazard de me faire roüer.
Je faute vingt ruiffeaux, j'efquive, je me pousse:
Guenaud fur fon cheval en passant m'éclabouffe.
Et n'ofant plus paroître en l'état où je fuis,
70 Sans fonger où je vais, je me sauve où je puis.
Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie,
Souvent, pour m'achever, il furvient une pluie.
On diroit que le Ciel, qui fe fond tout en eau,
Veüille inonder ces lieux d'un déluge nouveau.
75 Pour traverser la rue, au milieu de l'orage,
Un ais fur deux pavez forme un étroit paffage.
Le plus hardi Laquais n'y marche qu'en tremblant.
Il faut pourtant paffer fur ce pont chancelant,
Et les nombreux torrens qui tombent des goutieres,
80 Groffiffant les ruiffeaux, en ont fait des rivieres.
J'y paffe en trébuchant; mais malgré l'embarras,
La fraïeur de la nuit précipite mes pas.

Car fi-tôt que du foir les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques,
85 Que retiré chez lui, le paifible Marchand,
Va revoir fes billets, & compter fon argent;

Vers 68. Guenaud fur fon che- | Medecin, dont il a été parlé val, &c.] Guenaud, fameux dans la Satire IV. vers 32. Vers 83. Car fi-tôt que du foir les ombres pacifiques, &c. ] Juvénal, Satire 111. vers 302.

Non deerit, &c.

Nam qui fpoliet te

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