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LII

Vers pour mettre au bas du Portrait de Mr. Racine.

D

U Théatre François l'honneur & la merveille,
Il fçut reffufciter Sophocle en fes Ecrits;
Et dans l'art d'enchanter les coeurs & les Efprits,
Surpaffer Euripide, & balancer Corneille.

U

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Vers pour mettre au bas de mon portrait.

A joug de la Raifon affervissant la Rime;

Et, même en imitant, toujours Original,

J'ai fçu dans mes Ecrits, docte, enjoiié, fublime,
Raffembler en moi Perfe, Horace & Juvénal.

Ο

LIII

Réponse aux Vers du Portrait.

Ui, le Verrier, c'eft là mon fidelle Portrait
Et le Graveur, en chaque trait,

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A fçu très-finement tracer fur mon visage,
De tout faux Bel-Efprit l'ennemi redouté.

5 Mais dans les Vers pompeux, qu'au bas de cer Ouvrage

Tu me fais prononcer avec tant de fierté

ر

D'un ami de la Verité

Qui peut reconnoître l'image ?

Sy

C

LIL V.

Pour un autre Portrait du même.

N

E cherchez point comment s'appelle
L'Ecrivain peint dans ce Tableau :

A l'air dont il regarde & montre la Pucelle,
Qui ne reconnoîtroit Boileau ?

VL V

Vers pour mettre au bas d'unc méchante gravûre qu'on a faite de moi.

D

U célébre Boileau tu vois ici l'image.

Quoi, c'est là, diras-tu, ce Critique achevé? D'où vient ce noir chagrin qu'on lit fur son visage? C'eft de fe voir fi mal gravé.

LV I

Sur mon Bufte de Marbre, fait par Mr. Girardon, Premier Sculpteur du Roi.

GRACEA

RACE au Phidias de notre âge,

Me voilà für de vivre autant que l'Univers ?
Et ne connut-on plus ni mon Nom ni mes Vers
Dans ce Marbre fameux, taillé fur mon Visage,
De Girardon toujours on vantera l'Ouvrage,

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AVERTISSEMENT

AU LECTEUR.

MA

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ADAME de Montefpan & Madame de Thianges fa Sœur, laffes des Opera de Monfieur Quinaut, propoférent au Roi d'en faire faire un par Monfieur Racine, qui s'engagea affez légerement à leur donner cette fatisfaction, ne fongeant pas dans ce moment là à une chofe, dont il étoit plufieurs fois convenu avec moi, qu'on ne peut jamais faire un bon Opera: parce que la Mufique ne fauroit narrer: que les paffions n'y pouvoient être peintes dans toute l'étenduë qu'elles demandent : que d'ailleurs elle ne fauroit fouvent mettre en chant les expreffions vraiment fublimes & courageuses. C'est ce que je lui reprefentai, quand il me déclara fon engagement ; & il m'avoïa que j'avois raison: mais il étoit trop avancé pour reculer. Il commença dès-lors en effet un Opera, dont le fujet étoit la Chûte de Phaeton. Il en fit même quelques Vers qu'il recita au Roi, qui en parur content. Mais comme Monfieur Racine n'entreprenoir eet Ouvrage qu'à regret, il me témoigna refolument qu'il ne l'acheveroit point que je n'y travaillaffe avec Lui, & me déclara avant tout, qu'il falloit que j'en compofaffe le Prologue. Peus beau lui représenter mon

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peu de talent pour ces fortes d'Ouvrages, & que je
n'avois jamais fait de Vers d'amourette. Il perfifta
dans fa refolution, & me dit qu'il mê le feroit or-
donner par le Roi. Je fongeai donc en moi - même à
voir de quoi je ferois capable, en cas que je fuffe
abfolument obligé de travailler à un Ouvrage, fi
opposé à mon génie & à mon inclination. Ainsi, pour
m'effaïer, je traçai fans en rien dire à personne, non
pas même à Monfieur Racine, le canevas d'un Pro-
logue; & j'en compofai une première Scene. Le fujet
de cette Scene étoit une difpute de la Poëfie & de
la Mufique, qui fe querelloient fur l'excellence dè
leur Art, & étoient enfin toutes prêtes à se séparer,
Torfque tout à coup la Déeffe des Accords, je veux
'dire l'Harmonie, defcendoit du Ciel avec tous fes
charmes & tous fes agrémens, & les reconcilioit. Elle
devoir dire enfuite la raifon qui la faifoit venir fur
ta Terre, qui n'étoit autre que de divertir le Prince
de l'Univers le plus digne d'être servi, & à qui elle,
devoit le plus; puisque c'étoit lui qui la maintenoit
dins la France, où elle régnoit en toutes chofes. Elle
ajoûtoit ensuite, que pour empêcher que quelque au-
dacieux ne vint troubler, en s'élevant contre un fi
grand Prince, la gloire dont elle jouïssoit avec lui;
elle vouloit que dès aujourd'hui même, fans perdre
de tems, on représentat fur la Scene la Chute de

Ambitieux Phaeton. Auffi tot tous les Poëtes & tous les Muficiens par fon ordre, fe retiroient, & Falloient habiller. Voilà le fujet de mon Prologue,

1

auquel je travaillai trois ou quatre jours avec un assez grand dégoût, tandis que Mr. Racine de fon côté, avec non moins de dégoût, continuoit à difpofer le plan de fon Opera, fur lequel je lui prodiguois mes confeils. Nous étions occupez à ce miserable travail, dont je ne fai fi nous nous ferions bien tirez, lorsque tout à coup un heureux incident nous tira d'affaire. L'incident fut que Monfieur Quinaut s'étant présenté au Roi les larmes aux yeux, & lui aïant remontré Paffront qu'il alloit recevoir s'il ne travailloit pl.s au divertiffement de Sa Majefté: le Roi touché de compaffion, déclara franchement aux Dames dont j'ai · parlé, qu'il ne pouvoit se résoudre à lui donner ce déplaifir. Sic nos fervavit Apollo. Nous retournames dont, Monfieur Racine & moi, à notre prem er emploi, & il ne fut plus mention de notre Opera, dont il ne refta que quelques Vers de Monfieur Ra cine qu'on n'a point trouvez dans fes papiers après fa mort, & que vraisemblablement il avoit fupprimez par délicateffe de confcience, à cause qu'il y étoit parlé d'amour. Pour moi, comme il n'étoit point question d'amourette dans la Scéne que j'avois compofée; non feulement je n'ai pas jugé à propos de la fupprimer; mais je la donne ici au Public; perfuadé qu'elle fera plaifir aux Lecteurs, qui ne seront peutêtre pas fachez de voir de quelle maniere je m'y étois pris, pour adoucir l'amertume & la force de ma Poëfie Satirique, & pour me jetter dans le ftile doucereux. C'eft de quoi ils pourront juger par le

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