295 Qui dans leur fombre humeur fe croiroient faire affront, Si les Graces jamais leur déridoient le front. On diroit que pour plaire, instruit par la Nature, Homere ait à Vénus dérobé fa ceinture. Son livre eft d'agrémens un fertile trésor. Tout ce qu'il a touché fe convertit en or. Tout reçoit dans fes mains une nouvelle grace. 400 Par tout il divertit, & jamais il ne laffe. Une heureufe chaleur anime fes difcours. Il ne s'égare point en de trop long détours. Sans garder dans ses Vers un ordre méthodique, Son sujet de foi-même & s'arrange & s'explique: 305 Tout, fans faire d'apprêts, s'y prépare aifément. Chaque Vers, chaque mot court à l'Evenement. Aimez donc fes Ecrits, mais d'un amour fincére. C'eft avoir profité que de favoir s'y plaire. Un Poëme excellent, où tout marche & se suit, 310 N'eft pas de ces travaux qu'un caprice produit. Il veut du tems, des foins; & ce pénible ouvrage Jamais d'un Ecolier ne fut l'apprentiffage. Vers 296. Homére ait à Vé- | Ceinture, où se trouvoient tous nus dérobé fa ceinture. ] Homé- les charmes les plus féducteurs. re, liv. 14, de l'Iliade, feint les attraits, l'amour, les defirs. que Junon craignant que Ju- les amusemens, les entretiens fepiter ne favorife les Troyens, crets, les innocentes tromperies, fait deffein de l'en empêcher.& le charmant badinage, qui inPour réuffir elle fe pare extraordinairement, & prie Vénus de lui prêter fon Cefte, c'est-à-dire, cette merveilleufe Vers 306. fenfiblement furprend l'esprit & le cœur des plus fenfe, Tradu &tion de l'illuftre Madame Dacier. Court à l'évenement.] Horace, Art poët. Semper ad eventum feftinat. Mais fouvent parmi nous un Poëte sans art; Qu'un beau feu quelquefois échauffa par hazard, 315 Enflant d'un vain orgueil fon efprit chimerique, Fierement prend en main la Trompette héroïque. Sa Mufe déreglée, en fes Vers vagabonds, Ne s'éleve jamais que par fauts & par bonds; Et fon feu, dépourvu de fens & de lecture, 320 S'éteint à chaque pas faute de nourriture. Mais en vain le Public, prompt à le méprifer, De fon mérite faux le veut defabufer. Lui-même applaudissant à fon maigre génie, Se donne par ses mains l'encens qu'on lui dénie. 325 Virgile, au prix de lui, n'a point d'invention, Homere n'entend point la noble fiction. Si contre cet arrêt le Siécle fe rebelle, A la Poftérité d'abord il en appelle. Mais attendant, qu'ici le bon fens de retour, 330 Raméne triomphans fes ouvrages au jour, Leurs tas au magazin, cachez à la lumiére, Combattent triftement les vers & la pouffiére. Laiffons-les donc entre eux s'efcrimer en repos; Et fans nous égarer fuivons notre propos. 335 Des fuccez fortunez du Spectacle Tragique, Vers 335. Des fuccès fortunés du Spectacle tragique, &c,] Succeffit vetus his Comedia, non fine multa Aur Aux accès infolens d'une bouffonne joïe, 340 La Sagelle, l'Efprit, l'Honneur furent en proïc. On vit, par le Public un Poëte avoué S'enrichir aux dépens du mérite joué; Et Socrate par lui, dans un Chœur de Nuées, D'un vil amas de peuple attirer les huées. 345 Enfin de la licence on arrêta le cours. Le Magiftrat, des loix emprunta le fecours, Sans fiel & fans venin fut inftruire & reprendre; par l'autorité des Magiftrats; N Et mille fois un Fat finement exprimé, Méconnut le portrait fur lui-même formé. Que la Nature donc foit votre étude unique, 360 Auteurs, qui pretendez aux honneurs du Comique. Quiconque voit bien l'Homme, & d'un efprit profond, De tant de cœurs cachez a pénetré le fond: Qui fait bien ce que c'est qu'un Prodigue, un Avare, Un honnête Homme, un Fat, un Jaloux, un Bizarre, 365 Sur une Scéne heureufe il peut les étaler, Et les faire à nos yeux vivre, agir & parler. 370 Dans chaque ame eft marquée à de differens traits. Un gefte la découvre, un rien la fair paroître : Mais tout efprit n'a pas des yeux pour la connoître. Le tems qui change tout,change auffi nos humeurs. Chaque Age a fes plaifirs, fon efprit & les mœurs. 375 Un jeune Homme, toujours boüillant dans fes caprices, Eft prompt à recevoir l'impreffion des vices; race a fait auffi la peinture de l'Enfance; Mais Mr. Defpréaux l'a omise à deflein, parce qu'il arrive rarement que l'on faffe parler un Enfant fur Vers 175. Un jeune Homme, Vers 375. Un jeune Homme, &c. ] Horace décrit ainfi les mours de la Jeunelle: Poët. v. 161. Imberbis Juvenis, tandem cuftode remoto. Gauder equis, &c. . Eft vain dans fes difcours, volage en fes défirs, L'Age viril plus mar, infpire an air plus fage, La Vieilleffe chagrine inceffamment amaffe; 1 Garde, non pas pour foi, les tréfors qu'elle entaffe 38, Marche en tous fes deffeins d'un pas lent & glacé Toujours plaint le préfent, & vante le paffé; Inhabile aux plaifirs, dont la Jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs, que l'âge lui refuse. Ne faites point parler vos Acteurs au hazárd, 390 Un Vieillard en Jeune Homme, un Jeune Homme en Vieillard. Etudiez la Cour, & connoiffez la Ville. L'une & l'autre eft toujours en modéles fertile. Vers 394. Peut-être de fon tous les Auteurs modernes • art eût remporté le prix. ] De | Moliére étoit celui que Mr. Vers 379. L'Age viril plus meur, &c.] Horace, au même Converfis ftudiis, atas animufque virilis &c. Vers 383. La Vieilleffe chagrine, &c.] Suite du même en- Multa fenem circumveniunt incommoda ; vel quòd Vers 3'90. Un Vieillard en Jeune Homme, &c.] Horace au même endroit. Ne fortè feniles Mandentur juveni partes, pueroque viriles,&c. |