Page images
PDF
EPUB

Je dois plus à leur haine, il faut que je l'avouë, Qu'au foible & vain talent dont la France me louë. Leur venin, qui fur moi brûle de s'épancher, Tous les jours en marchant m'empêche de broncher Je fonge à chaque trait que ma plume hazarde, Que d'un œil dangereux leur troupe me regarde. 5 Je fai fur leurs avis corriger mes erreurs

[ocr errors]

3

Et je mets à profit leurs malignes fureurs. Si-tôt que fur un vice ils pensent me confondre, C'est en me guériffant que je fai leur répondre; Et plus en criminel ils penfent m'ériger, 70 Plus croiffant en verru je fonge à me venger. Imite mon exemple, & lors qu'une Cabale, Un flot de vains Auteurs follement te ravale, Profite de leur haine, & de leur mauvais fens Ris du bruit paffager de leurs cris impuissans. 75 Que peut contre tes Vers une ignorance vaine ? Le Parnaffe François, ennobli par ta veine, Contre tous fes complots faura te maintenir, Et foûlever pour toi l'équitable Avenir. Et qui, voïant un jour la douleur vertueuse 80 De Phédre malgré foi perfide, incestueuse, D'un fi noble travail juftement étonné, Ne benira d'abord le fiécle fortuné, Qui rendu plus fameux par tes illuftres veilles, Vit naître fous ta main ces pompeuses merveilles? $5 Cependant laiffe ici gronder quelques Cenfeurs, Qu'aigriffent de tes Vers les charmantes douceurs.

90

Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire
Que l'Auteur du Jonas s'empreffe pour les lire ?
Qu'ils charment de Senlis le Poëte idiot,
Ou le fec Traducteur du François d'Amyot:
Pourvû qu'avec éclat leurs rimes débitées

Soient du Peuple, des Grands, des Provinces goûtées;
Pourvû qu'ils puiffent plaire au plus puiffant des Rois;
Qu'à Chantilli Condé les fouffre quelquefois :
95 Qu'Enguien en foit touché, que Colbert & Vivone,
Que la Rochefoucaut, Marfillac & Pompone,
Et mille autres qu'ici je ne puis faire entrer
A leurs traits délicats fe laiffent pénétrer.

Vers 87. Et qu'importe à nos vers que Perrin les admire ?] Pierre Perrin, mauvais Poëte dont il a été parlé fur le vers 44. de la Satire VII.

Vers 88. Que l'Auteur du Jonas. Voïez la Remarque fur le vers 91. de la Satire IX. Vers 89. De Senlis le Poëte idiot] Liniere avoit la phifionomie d'un idiot. Il ne réuffiffoit qu'à faire des chanfons impies; c'eft pourquoi notre Auteur lui reprocha un jour, qu'il n'avoit de l'efprit que contre Dieu. On l'appelloit l'Athée de Senlis.

Vers go. Ou le Jec Traducteur du François d'Amyot.] Jacques Amyot. Auteur célébre, qui a traduit en François toutes les œuvres de Plutarque. L'Ab

[blocks in formation]

Vers 87. Et qu'importe à nos vers,""&c.] Horace, Sat. 10.

livre 1.

[ocr errors][merged small]

Yellicer abfentem Demetrius, &c.

Et plût au Ciel encor, pour couronner l'ouvrage, 100 Que Montauzier voulût lui donner fon fuffrage! C'est à de tels Lecteurs que j'offre mes Ecrits. Mais pour un tas groffier de frivoles Esprits, Admirateurs zelez de toute œuvre infipide, Que non loin de la Place où Brioché préfide, 105 Sans chercher dans les Vers ni cadence ni son, Il s'en aille admirer le favoir de Pradon.

[ocr errors]

Vers 100. Que Montauzier voulût lui donner fon fuffrage] Le fouhait obligeant & Hateur qui eft exprimé dans ce vers, produifit fur le cœur de Mr. le Duc de Montauzier tout l'effet que l'Auteur s'en étoit promis. Ce Duc paffa de l'efti

me qu'il avoit pour M. Def preaux, à une veritable amitié qui a duré toute fa vie.

Vers 104. Que non toin de la Place, où Brioché préfide.] Brioché, fameux Joueur de Marionettes, loge près des Comédiens.

Vers 101. C'est à de tels Lecteurs que j'offre mes écrits.
Horace, au même endroit.

Complures alios, doctos ego quos & amicos
Prudens pratereo, &c.

EPITRE VIII.

AU

ROI

L'Auteur appelloit ordinairement cette Epitre-ci fon Remerciment. En effet, il y marque plus particulierement que dans le refte de fes Ouvrages la reconnoiffance qu'il avoit des bienfaits dont Sa Majesté l'avoit gratifié. Elle fut compofee an 1675. mais it ne la fit paroître que l'année suivante.

G

RAND RO 1, celle de vaincre, ou je ceffe
d'écrire.

Tu fais bien que mon stile est né pour la Satire,
Mais mon Esprit contraint de la désavoüer,
Sous Ton Regne étonnant ne veut plus que loüer

Tantôt dans les ardeurs de ce zele incommode, Je fonge à mesurer les fillabes d'une Ode, Tantôt d'une Enéide Auteur ambitieux > Je m'en forme déja le plan audacieux. Ainfi toujours flaté d'une douce manie, Io Je fens de jour en jour dépérir mon génie; Et mes Vers en ce ftile ennuïeux, fans Deshonorent ma plume; & ne T'honorent pas. Encor fi Ta valeur à tout vaincre obstinée, Nous laiffoit, pour le moins, respirer une année, 15 Peut-être mon Esprit, prompt à reffusciter, Du tems qu'il a perdu fauroit fe r'acquiter.

appas,

Sur ces nombreux défauts, merveilleux à décrire, Le Siécle m'offre encor plus d'un bon mot à dire. Mais à peine Dinan & Limbourg font forcez, 20 Qu'il faut chanter Bouchain & Condé terraffez. Ton courage affamé de peril & de gloire, Court d'exploits en exploits, de victoire en victoire. Souvent ce qu'un feul jour te voit éxécuter, Nous laiffe pour un an d'actions à conter.

25

Que fi quelquefois las de forcer des murailles, Le foin de tes Sujets te rappele à Versailles, Tu viens m'embarraffer de mille autres Vertus. Te voïant de plus près, je t'admire encor plus. Dans les nobles douceurs d'un féjour plein de char,

mes >

30 Tu n'es pas moins Heros qu'au milieu des alarmes. De ton Trône agrandi portant feul tout le faix, Tu cultives les Arts: Tu répans les bienfaits

Tu fais récompenfer jufqu'aux Mufes critiques.
Ah! croi-moi, c'en eft trop. Nous autres Satiriques,
Propres à relever les fottifes du tems,

Nous fommes un peu nez pour être mécontens. Notre Muse, souvent pareffeufe & stérile A befoin, pour marcher, de colere & de bile. Notre ftile languit dans un remercîment: 40 Mais, GRAND ROI, nous favons nous plaindre élégamment.

O: que fi je vivois fous les regnes finiftres De ces Rois nez valets de leurs propres Miniftres, Et qui jamais en main ne prenant le timon, Aux exploits de leurs tems ne prêtoient que leur nom; 45 Que, fans les fatiguer d'une loüange vaine, Aifément les bons mots couleroient de ma veine! Mais toujours fous Ton Regne il faut se récrier. Toujours, les yeux au Ciel, il faut remercier. Sans ceffe à t'admirer ma Critique forcée so N'a plus, en écrivant de maligne pensée;

Et mes chagrins fans fiel, & prefque évanouis, Font grace à tout le fiécle en faveur de LOUIS. En tous lieux cependant la Pharfale approuvée, Sans crainte de mes Vers, va la tête levée. ss La Licence par tout regne dans les Ecrits. Déja le mauvais Sens reprenant fes efprits,

Vers 42. De ces Rois nez va- aux Maires du Palais. lets de leurs propres Miniftres.]

Vers 53. La Phárfale Les derniers Rois de la pre-approuvée.] La Pharfale de Bre miore Race laiffoient toute bœuf. l'administration des affaires

« PreviousContinue »