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Lamoignon, nous irons, libres d'inquiétude, Difcourir des Vertus dont tu fais ton étude : ss Chercher quels font les biens véritables ou faux: Si l'honnête homme en foi doit fouffrir des défauts : Quel chemin le plus droit à la gloire nous guide, Ou la vafte Science, ou la Vertu folide. C'est ainfi que chez toi tu fauras m'attacher. 160 Heureux ! fi les Fâcheux, promts à nous y chercher, N'y viennent point femer l'ennuieufe trifteffe. Car dans ce grand concours d'Hommes de toute efpéce,

Que fans ceffe à Bâville attire le devoir;

Au lieu de quatre Amis qu'on attendoit le foir, 165 Quelquefois de Fâcheux arrivent trois volées, Qui du parc à l'inftant affiégent les allées. Alors fauve qui peut, & quatre fois heureux, Qui fait pour s'échapper quelque antre ignoré d'eux.

Vers 155. Chercher quels font les biens, &c.] Horace, Sat. 6

¡vre II.

Quod magis ad nos
Pertinet,& nefcire malum eft, agitamus; &c.

A

EPITRE VII.

AM RACINE

Le fujet de cette Epitre eft l'utilité qu'on peut retirer de la jaloufie de fes ennemis, & en particulier des bonnes & des manvaifes critiques. Elle fut compofee à l'occafion de la Tragédie de Phédre & Hippolite, que M.Racine fit représenter pour la premiere fois le premier Janvier 1677.

Ο

UE tu fais bien, RACINE, à l'aide d'un Acteur,

Emouvoir, étonner, ravir un Spectateur ! Jamais Iphigénie, en Aulide immolée, N'a coûté tant de pleurs à la Gréce affemblée, s Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé, En a fait fous fon nom verfer la Chanmeslé. Ne croi pas toutefois, par tes favans Ouvrages, Entraînant tous les coeurs, gagner tous les fuffrages. Si-tôt que d'Appollon un Génie infpiré, 10 Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré,"

Vers 1. Que tu frais bien, Racine. Jean Racine, l'un des plus célébres Poëtes du xvII. Siécle, nâquit à la Ferté-Milon le 11. Decembre 1639. Il fut élevé à Port-Royal, où il s'appliqua tellement à l'Etude des anciens Auteurs, que leur langue lui étoit devenue auffi familiere que la fienne propre. Il commença à 21. ans à donner des Piéces de Théatre qui feront à jamais l'honneur de fon Siécle. A ces rares talens, il joignit dans les dernieres années de fa vie une piété fo

lide & fincére, qui le fit re noncer aux Mufes profanes pour fe confacrer à des objets plus dignes de lui; il fut reçu à l'Académie Françoife en 1673. & mourut le 22. Avril 1699.

Vers 6. En a fait fous fon nom verfer la Chanmeflé. 1 Célébre Actrice. Mr. Racine qui récitoit admirablement bien avoit pris foin de la former. Elle mourut au mois de Juil let 1698. à Auteuil, près de Paris, où elle étoit alle pren dre l'air.

En cent lieux contre lui les cabales s'amaffent.
Ses Rivaux obfcurcis autour de lui croaffent;
Et fon trop de lumiére importúnant les yeux,
De fes propres Amis lui fait des Envieux.
15 La Mort feule ici-bas, en terminant fa vie,
Peut calmer fur fon nom l'Injustice & l'Envie ;
Faire au poids du bon fens pefer tous fes Ecrits,
Et donner à fes vers leur légitime prix.

Avant qu'un peu de terre, obtenu par priere,
20 Four jamais fous la tombe eût enfermé Moliere,
Mille de ces beaux traits aujourd'hui fi vantez,
Furent des fots Efprits à nos yeux rebutez.
L'Ignorance & l'Erreur à fes naiffantes Piéces,
En habits de Marquis, en robes de Comteffes,

Vers 19. Avant qu'un peu de terre obtenu par priere, &c.] Moliere étant mort, les Comédiens fe difpofoient à lui faire un Convoi magnifique; mais Mr. de Harlai, Archevêque, ne voulut pas permettre qu'on l'inhumât. La femme de Moliere alla fur le champ à Versailles fe jetter aux piés du Roi pour fe plaindre de l'injure que l'on faifoit à la mémoire de fon mari, en fui refufant la fépulture. Mais le Roi la renvoïa en lui difant, que cette affaire dépendoit du miniftére de Mr. l'Archevê que, & que c'étoit à lui qu'il falloit s'adreffer. Cependant Sa Majefté fit dire à ce Prélat, qu'il fit en forte d'éviter l'éclat & le fcandale. Mr. l'Ar

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as Venoient pour diffamer fon chef-d'œuvre nouveau
Et fecouoient la tête à l'endroit le plus beau.
Le Commandeur vouloit la Scéne plus éxacte.
Le Vicomte indigné fortoit au fecond Acte.
L'un défenfeur zélé des Bigots mis en jeu,
30 Pour prix de fes bons mots, le condamnoit au feu.
L'autre, fougueux Marquis, lui déclarant la guerre
Vouloit venger la Cour immolée au Parterre.
Mais fi-tôt que d'un trait de fes fatales mains
La Parque l'eut raïé du nombre des Humains,
35 On reconnut le prix de fa Mufe éclipfée.
L'aimable Comédie avec lui terrassée,
En vain d'un coup fi rude efpera revenir
Et fur fes brodequins ne put plus se tenir.
Tel fut chez nous le fort du Théatre Comique.
40 Toi donc, qui t'élevant fur la Scéne Tragique,
Suis les pas de Sophocle, & feul de tant d'Esprits,
De Corneille vieilli fais confoler Paris;

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Ceffe de t'étonner, fi l'Envie animée,
Attachant à ton nom fa rouille envenimée,

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45 La calomnie en main, quelquefois te pourfuit. En cela, comme en tout, le Ciel qui nous conduit, Racine, fait briller fa profonde fageffe.

Le Mérite en repos s'endort dans la paresse; Mais par les Envieux un Génie excité so Au comble de fon Art eft mille fois monté.

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Plus on veut l'affoiblir, plus il croît & s'élance; Au Cid perfécuté Cinna doit fa naissance; Et peut-être ta plume aux Cenfeurs de Pyrrhus Doit les plus nobles traits dont tu peignis Burrhus. s Moi-même, dont la gloire ici moins répanduë Des pâles Envieux ne bleffe point la vûë; Mais qu'une humeur trop libre, un esprit peu foumis De bonne heure a pourvu d'utiles Ennemis :

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dromaque trouva des Cen

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Vers 45. La calomnie en main quelquefois te pourfuit. ]feurs. On condamna fur-tout Madame Des-Houlieres avoit le caractere de Pyrrhus, qu'on fait un Sonnet Satirique con- trouvoit trop violent, trop tre la Phédre de Mr. Racine. emporté, trop farouche. Ce Ce Sonnet fut rempli fur les fut le jugement qu'en portémêmes rimes contre M. le Duc rent quelques perfonnes fudide Nevers qui en accufa cieufes particuliérement le fauffement Mr. Racine. grand Prince de Condé. On Vers 53. Et peut-être ta plu- fit alors une Critique de l'Anme aux Cenfeurs de Pyrrhus Doit dromaque en forme de Coméles plus nobles traits dont tu pei- die, dans laquelle on accufoit gnis Burrhus.] Ces deux vers encore Pyrrhus de brutalité défignent l'Andromaque & & même d'être un mal-honnêBritannicus, Tragédies de Ra-te-homme, parce qu'il mancine. Il avoit fait repréfenter | quoit de parole à Hermione. l'Andromaque en 1668. Sur Mr. Racine compola enfuite cette Piéce l'on jugea que fon Britannicus ; & dans cette PićAuteur qui étoit encore fort ce il s'attacha à donner dans jeune, égaleroit un jour, & le perfonnage de Burrhus, le peut-être furpafferoit le grand Caractére d'un parfaitement Corneille Néanmoins l'An- honnête-homme.

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