N'oferiez-vous faifir une victoire aifée ? Allez, vils combattans, inutiles Soldats, Laiffez là ces moufquets trop pefans pour vos bras: Et la faux à la main parmi vos marécages, Jo Allez couper vos joncs, & preffer vos laitages; Ou gardant les feuls bords qui vous peuvent couvrir, Avec moi de ce pas, venez vaincre ou mourir. Ce difcours d'un Guerrier que la colere enflâme, Son courfier écumant fous un Maître intrépide, Vers 99. Par fon ordre Gram- tant qu'il n'y avoit point de Vers 103, Revel le fuit de prés. ] Le Marquis de Revel, Colonel des Cuiraffiers, frero de M. le Comte de Broglio. I fut bleffé de trois coups d'é pée, dans l'action qui fuivit le pallage du Rhin. Marche des Cuiraffiers l'efcadron indompté. 105 Mais déja devant eux une chaleur guerriére Emporte loin du bord le bouillant Lefdiguiére, Vivonne, Nantoüillet, & Coiflin, & Salart: Chacun d'eux au peril veut la premiére part. Vendôme, que foutient l'orgueil de fa naiffance, 110 Au même instant dans l'onde impatient s'élance. La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre, Cavois, Fendent les flots tremblans fous un fi noble poids. | Vers 109. Vendôme quve fou tient l'orgueil de fa naiffance.] M. le Chevalier de Vendôme. Quoi qu'il n'eût pas encore 17 ans, il ne laiffa pas de traver fer le Rhin à cheval; il gagna même un Drapeau & un Etendart qu'il apporta au Roi. Vers 106. Le bouillant Lefdi- | bout, Duc de Coiflin. Il reguiére. ] M. le Comte de Saux. çut plufieurs coups après avoir François - Emanuël de Blan- passe le Rhin. Il est mort le 16 chefort de Bonne de Crequi, de Septembre, 1702. âgé de Duc de Lefdiguiére, Pair de 67. ans. France, Comte de Saux, Gouverneur de Dauphiné, mort en 1681. Pendant le paffage du Rhin, il fut bleffé, mais il ne laiffa pas d'avancer toujours & ne perdit point fon sang; de maniere qu'il fortit de l'eau le premier, & donna le premier coup. Sa valeur fe Vers 111. La Salle, Beringfit beaucoup remarquer dans hen, Nogent, Cavois.] La Salle: cette action:Il montoit un che- Le Marquis de la Salle fut des val blanc,qui fut tué fous lui. premiers à paffer le Rhin. Mais Vers 107. Vivonne, Nan-les Cuiraffiers aïant eu ordre touillet, & Coiflin, & Salart.] de fe jetter à l'eau, & de pafVivonne Louis-Victor de Ro- fer, ils le firent fi brufquechechouart, Duc de Mortement qu'aïant rencontré M. mar & de Vivonne, &c. alors de la Salle devant eux, ils le Général des Galeres de France, blefférent de cinq coups, depuis l'an 1669, & ensuite croïant qu'il étoit Hollan Maréchal de France, en 1675. dois, quoi qu'il fût habillé à Il mourut au mois de Septem- la Françoife, & qu'il eût l'é bre, 1688. charpe blanche. Nantouillet: le Chevalier de Nantouillet, ami particulier de notre Auteur, auffi bien que M. de Vivonne. Coifin: Armand du Cam Beringhen Le Marquis de Beringhen, Premier Ecuïer du Roi, & Colonel du Regiment Dauphin. Son cheval ne voulant point paffer, il fe jetta Louis les animant du feu de fon courage, Se plaint de fa Grandeur, qui l'attache au rivage. 15 Par fes foins cependant trente légers vaisseaux D'un trenchant aviron déja coupent les eaux. Du falpêtre en fureur l'air s'échauffe & s'allume; 125 De tant de coups affreux la tempête orageuse Tient un tems fur les eaux la fortune douteuse, Bien-tôt avec Grammont courent Mars & Bellone. 130 Le Rhin à leur aspect d'épouvante friffonne. Quand pour nouvelle alarme à fes efprits glacez, dans le Bateau de M. le Prin- Nogent: Armand de Bautru, ment d'Auvergne, Maître de Il fut tué au passage du Rhin, d'un coup de moufquer à la tête, & fon corps fut inhumé dans l'Eglife de Zevenart, village de Gueldre. Cavois: Louis d'Oger, Marquis de Cavois, Grand Maréchal des Logis de la Maison du Roi. Vers 115 Trente lé gers vaiffeaux. ] Des bateaux de cuivre. Un bruit s'épand qu'Enguien & Condé sont passez : 145 Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles, m'anime. 150 Finissons, il eft tems: auffi-bien fi la rime Alloit mal à propos m'engager dans Arnheim; Vers 132. Qu Enguien & Condé font paffe.] Condé M. le Prince de Condé, Louis de Bourbon, l'un des plus grands Capitaines de l'Europe. Il mourut le 11 de Decembre 1686. Enguien: M. le Duc D'Enguien fon fils. Vers 142 A Wurts jufqu'en fon camp, &c.] Wurts, Maréal de Camp des Hollandois, commandoit le Camp deftiné à s'opposer au paffage du Rhin. Vers 148. De fes fameux remparts démentir la fierté.] Le Fort de Skink fut affiégé par nos troupes le 18 de Juin, & pris le 21. Vers 151. M'engager dans Arnheim ] Ville confidé rable des Provinces - Unies, dans le Duché de Gueldre Je ne fai pour fortir de porte qu'Hildesheim; O que le Ciel foigneux de notre Poëfie, GRAND ROI, ne nous fit-il plus voisins de l'Afie! Iss Bien-tôt victorieux de cent Peuples altiers, Ta nous aurois fourni des rimes à milliers. Il n'eft plaine en ces lieux fi féche & fi stérile, Qui ne foit en beaux mots par tout riche & fertile. Là plus d'un Bourg fameux par fon antique nom 160 Vient offrir à l'oreille un agréable son. Quel plaifir de Te fuivre aux rives du Scamandre! D'y trouver d'llion la poëtique cendre : De juger fi les Grecs, qui briférent ses Tours, Firent plus en dix ans que Lo u 1 s en dix jours! 165 Mais pourquoi fans raifon défefpérer ma veine? Eft-il dans l'Univers de plage fi lointaine, Où ta valeur, GRAND ROI, ne Te puiffe porter, Et ne m'offre bien-tôt des exploits à chanter ? Non, non, ne faifons plus de plaintes inutiles; 170 Puisqu'ainfi dans deux mois tu prens quarante Villes, Affuré des bons Vers dont Ton bras me répond; Je t'attends dans deux ans aux bords de l'Hellefpont. Elle fut prife par nos troupes | Vers 152. De porte qu'Hildesheim.] Petite Ville de l'Electorat de Tréves. Vers 154. -Plus voifins de l'Afie.] De la Grece Afiati que dans laquelle étoit fituée la fameufe Ville de Troie, ou d'Ilion. |