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Mais la vraie Alecto peinte dans l'Enéide`,
Un tifon à la main chez le Roi Latinus,
Souflant fa rage au sein d'Amate & de Turnus.
Mais quoi je chauffe ici le cothurne Tragique.
390 Reprenons au plûtôt le brodequin Comique,

Et d'objets moins affreux fongeons à te parler.
Dis-moi donc, laiffant là cette Folle heurler,
T'accommodes-tu mieux de ces douces Ménades,
Qui, dans leurs vains chagrins fans mal toujours
malades,

395 Se font des mois entiers fur un lit effronté

Traiter d'une vifible & parfaite fanté,

Et douze fois par jour, dans leur molle indolence Aux yeux de leurs Maris tombent en défaillance? Quel fujet, dira l'un, peut donc fi fréquemment 400 Mettre ainfi cette Belle aux bords du monument? La Parque, raviffant ou fon fils ou fa fille, A-t-elle moiffonné l'efpoir de fa famille

Non il eft question de réduire un Mari

:

A chaffer un Valet dans la maison chéri, 405 Et qui, parce qu'il plaît, a trop fu lui déplaire Ou de rompre un voïage utile & néceffaire. Mais qui la priveroit huit jours de fes plaisirs, Et qui loin d'un Galant, objet de fes defirs.... O! que pour la punir de cette Comédie 410 Ne lui voi-je une vraie & trifte maladie!

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Ménades.] Bacchantes : crétoient des Femmes qui célébroient les Orgies de Bacchus en courant comme des furies & des infenfées.

Mais ne nous fâchons point. Peut-être avant deux

jours,

Courtois & Deniau, mandez à son secours, Digne ouvrage de l'art dont Hippocrate traite, Lui fauront bien ôter cette fanté d'Athléte : 415 Pour confumer l'humeur qui fait fon embonpoint, Lui donner fagement le mal qu'elle n'a point; Et fuïant de Fagon les maximes énormes,

Au tombeau merité la mettre dans les formes. Dieu veüille avoir fon ame, & nous délivre d'eux. 420 Pour moi, grand ennenri de feur art hazardeux, Je ne puis cette fois que je ne les excuse.

425

Mais à quels vains difcours eft-ce que je m'amuse
Il faut fur des fujets plus grands, plus curieux,
Attacher de ce pas ton efprit & tes yeux.

Qui s'offrira d'abord? Bon, c'eft cette Sçavante,
Qu'eftime Roberval, & que Sauveur fréquente.
D'où vient qu'elle a l'œil trouble, & le teint fi terni ?
C'est que fur le calcul, dit-on, de Caffini,
Un astrolabe en main, elle a dans fa goutiére

Vers 412. Courtois & De-1
nian.] Deux Médecins de la
Faculté de Paris.

Vers 417. Et fuïant de Fagon Gui Crefcent Fagon, Premier Médecin du Roi.

Vers 426. Qu'eftime Roberval, & que Sauveur fréquente.] Roberval: Gille Perfonne, Sr. de Roberval, Géométre & Pro- | feffeur Roïal en Mathématiques. Sauveur: autre Sçavant Mathématicien, Profeffeur au College Roïal.

Vers 428. C'est que fur le Calcul.....de Caffini. 1 Jean Dominique Caffini célébre Aftronome, de l'Académie Roïale des Sciences.

Vers 429. Un Aftrolabe en main. ] L'Aftrolabe est un inftrument de Mathématique en forme de Planifphére, qui fert à prendre les hauteurs des Aftres, & à faire quelques au tres obfervations d'Aftronemic.

430A fuivre Jupiter paffé la nuit entiére.
Gardons de la troubler. Sa fcience, je croi,
Aura pour s'occuper ce jour plus d'un emploi.
D'un nouveau microscope on doit en sa présence
Tantôt chez Dalencé faire l'expérience;
435 Puis d'une femme morte avec fon embrion,
Il faut chez Du Verney voir la diffection.
Rien n'échape aux regards de notre Curieuse.
Mais qui vient fur fes pas ? C'eft une Précieuse,
Refte de ces Efprits jadis fi renommez,
440 Que d'un coup de fon Art Moliere a diffamez.
De tous leurs fentimens cette noble héritière
Maintient encore ici leur fecte façonniére.
C'est chez elle toujours que les fades Auteurs
S'en vont fe confoler du mépris des Lecteurs.
445 Elle y reçoit leur plainte, & fa docte demeure
Aux Perrins, aux Coras eft ouverte à toute heure,
Là du faux bel efprit se tiennent les bureaux.
Là tous les Vers font bons, pourvû qu'ils foient nou-

veaux.

Au mauvais goût public la Belle y fait la guerre: 450 Plaint Pradon opprimé des fiflets du Parterre : Rit des vains amateurs du Grec & du Latin ;

Vers 434. Tantôt chez Da-
bence. J Curieux qui fe ruina à
faire des expériences de Phi-
fique

Vers 436. Il faut chez Du
Verney.] Jofeph Du Verney,
Médecin du Roi, & fçavant
Anatomiste.

Vers 440. Que d'un coup de fon Art Moliere a diffamez] Voïez la Comédie des Précieufes ridicules.

Vers 450. Plaint Pradon opprimé des fiflets du Parterre.] Pradon, mauvais Auteur de Tragédies.

Dans la balance met Ariftote & Cotin;
Puis d'une main encor plus fine & plus habile,

Péfe fans paffion Chapelain & Virgile; 415 Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretez; Mais pourtant confeffant qu'il a quelques beautez, Ne trouve en Chapelain, quoi qu'ait dit la Satire, Autre défaut, finon, qu'on ne le fauroit lire; Et pour faire goûter fon Livre à l'Univers, 460 Croir qu'il faudroit en profe y mettre tous les Vers.

Vers 452. Dans la balance | met Ariftote & Cotin, &c.] L'Auteur défigne ici M. Perraut dans fon Paralléle des Anciens & des Modernes, Tome III. où il fait à peu près les mêmes jugemens que l'on lui fait faire ici.

Vers 458. Autre défaut, fi

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non, qu'on ne le fauroit lire.]
Dans la premiére édition
après ce vers il y avoit les
quatorze fuivans que l'Auteur
a retranchez: ils contiennent
la fuite des paroles de Perraut
dans fes mêmes Dialogues, au
fujet de Chapelain, Tome III.
pag. 255.

Et croit qu'on pourra même enfin le lire un jour »
Quand la Langue vieillie aiant changé de tour.
On ne fentira plus la barbare structure
De fes expreffions mises à la torture:
S'étonne cependant d'où vient que chez Coignard
Le Saint Paulin écrit avec un fi grand art,
Et d'une plume douce, aifee & naturelle,
Pourrit, vingt fois encor moins lû que la Pucelle.
Elle en accufe alors notre fiécle infecté

Du pédantefque goût qu'ont pour l'Antiquité
Magiftrats, Princes, Ducs, & même Fils de France,
Qur lifent fans rougir & Virgile & Ference;
Et toujours pour Perraut pleins d'un dégoût malin,
Ne favent pas s'il eft au monde un faint Paulin.

Mr. Perraut doit la fuppref- il a mis ces deux-ci.

fion de ces vers à fa récon-
ciliation avec Mr. Defpréaux.
Au lieu de ces quatorze vers

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Et pour faire goûter fon tivre, &c.

Vers 454. Péfe fans passion Chapelain & Virgile.]Juvénal, Sat. Gr
Laudat Virgilium, &c.

A quoi bon m'étaler cette bizarre Ecole, Du mauvais fens, dis-tu, prêché par une Folle? De livres & d'écrits bourgeois Admirateur Vai-je époufer ici quelque aprentive Auteur? 465 Savez-vous que l'Epoufe avec qui je me lie Compte entre fes parens des Princes d'Italie ? Sort d'Aieux dont les noms... Je t'entens, & je vož D'où vient que tu t'es fait Secretaire du Roi. Il falloit de ce titre appuïer ta naissance. 470 Cependant, t'avourai-je ici mon infolence? Si quelque objet pareil chez moi, deça les Monts, Pour m'époufer entroit avec tous les grands noms, Le sourcil rehauffé d'orgueilleuses chimeres,

Je lui dirois bien-tôt : Je connois tous vos Peres: 479 Je fai qu'ils ont brillé dans ce fameux combat

Où fous l'un des Valois Enguin fauva l'Etat. D'Hozier n'en convient pas ; mais, quoi qu'il en puiffe être,

Je ne fuis point fi fot que d'époufer mon maître. Ainfi donc au plutôt délogeant de ces lieux, 480 Allez, Princeffe, allez avec tous vos Aïeux, Sur le pompeux débris des lances Espagnoles, Coucher, fi vous voulez, aux champs de Cerizoles, Ma maison, ni mon lit ne font point faits pour vous. J'admire, pourfuis-tu, votre noble courroux,

Vers 475. Je fai qu'ils ont brillé dans ce fameux combat.] Le Combat de Cerizoles gagné

par le Duc d'Anguien, en Ita lie, le 14. d'Avril 1544. fous le régne de François I.

Vers 473. Le fourcil rehansse d'orgueillenses shiméres. ] Juvénal, Satire 6.

Malo Venufinam, &e.

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