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VARIÉTÉS.

HYOSCIAMINE.

Le professeur Schroff publie un exposé des expériences qu'il a tentées sur le principe essentiel de la jusquiame. I le considère comme un moyen efficace d'apaiser la toux et d'assurer le repos des nuits. Comme hypnotique, il est inférieur à la morphine, surtout lorsque l'insomnie est occasionnée par une vive douleur; mais, contrairement à ce médicament, il provoque plutôt qu'il ne retarde l'action de l'intestin. Il le prescrit mêlé de sucre en poudre, à doses qui varient depuis un soixantième jusqu'à un vingtième de grain. Il ajoute qu'un dixième de grain est déjà une dose trop élevée. Il a surtout la singulière propriété de dilater plus fortement la pupille qu'une autre substance dont on pourrait le rapprocher. Il n'est aucune de ces substances qui agisse sur l'iris avec une intensité, une rapidité égales. Il se distingue de l'atropine et de la daturine par la facilité avec laquelle il se dissout dans l'eau, ce qui rend son application sur l'œil bien moins irritante que celle de l'atropine et de la daturine, solubles seulement dans l'alcool. Si l'hyosciamine doit être employée pendant un temps assez long, il est utile d'y ajouter un peu d'alcool pour l'empêcher de perdre de son énergie. La formule de la solution indiquée par Schroff est la suivante hyosciamine, une partie; alcool, dix parties; cau, cent parties. (Wien. Wochenblalt.)

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UN MOT SUR LES SÉDATIFS.

Par le docteur GASTIER.

Si l'on m'ôtait l'usage de l'opium, disait Boerhaave, je renoncerais à la pratique de la médecine. Voilà des paroles d'une grande signification, sorties de la bouche d'un tel homme. Van Swieten, commentateur des œuvres de Boerhaave a passé par-dessus, sans en rien dire : c'est qu'il n'y a pas vu un sens médical sans doute. Elles en ont un bien grand pourtant; et, à notre avis, il en a commenté de cet auteur qui ne valaient pas celles-là. Cet aveu de Boerhaave est plein des déceptions que ce grand pathologiste, l'un des plus éminents dictateurs de la science médicale, dont le professeur Chaussier (1) ne prononçait jamais le nom sans s'incliner respectueusement, avait éprouvé dans la pratique de l'art médical tel qu'il l'avait pourtant lui-même institué. Si l'on rappoche de ces expressions le jugement qu'en maint endroit de ses Instituts de médecine il porte sur l'inanité des principes de la science, sur les dangers

(1) Ce professeur, pour faire la critique d'une mesure récemment adopte par l'école de Droit, de faire chaque jour l'appel des noms des élèves au commencement des leçons où l'on pensait ainsi les obliger d'assister, après avoir un jour du haut de sa chaire promené en silence un regard scrutateur et sévère snr les élèves qui se pressaient dans l'amphithéâtre de ses leçons, leur adressa, d'un ton grave et solennel, les paroles suivantes : « Messieurs, l'appel au commencement de chaque leçon est une excellente mesure. Pour notre compte, nous nous empressons de l'adopter. A notre appel, pas un de vous ne fera défaut, je pense, car il se composera des noms les plus illustres dans la science objet de vos études. Aujourd'hui, nous commencerons par le plus illustre ent: e tous, celui du grand Boerhaave!... »

DEUXIÈME SERIE. I.

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même de sa pratique, le testament qu'on lui prête, et dans lequel, au terme d'une carrière des plus longues et des plus occupées, il enveloppe dans une proscription générale tous les travaux de ses devanciers et ses propres travaux comme plus nuisibles qu'utiles à l'humanité, réduisant toute la valeur réelle de l'art médical à quelques pratiques générales d'hygiène. On comprendra que ses prédilections pour l'opium ne sont qu'un aveu implicite de l'impuissance de la science médicale, qu'une négation même de cette science en tant qu'art de guérir, qu'une résignation de sa charge de médecin, en un mot, entre les mains de la nature incomprise dans ses tendances et ses opérations médicatrices, et dont sa conscience lui disait qu'il ne pouvait, avec les stériles ressources de la polipharmacie de son temps, être qu'un ministre infidèle. Cette conduite de Boerhaave ayant été celle des praticiens les plus illustres qui l'ont précédé ou suivi dans la même carrière, qu'on juge des autres par ceux-là.

Si nous ne savions combien peu d'hommes, parmi les plus graves même et les plus sérieux, se montrent logiques dans la concordance entre elles de toutes les actions de leur vie; combien peu, parmi les plus honnêtes et les plus justement estimés, vénérés à ce titre, ont la conscience pleine et entière de tous leurs actes; et combien, en conséquence, il serait par trop rigoureux, dans le jugement qu'on pourrait en porter, d'imputer à crime ce qui paraît tel dans leur conduite, et serait tel en effet si l'entraînement de l'habitude, si la faiblesse innée, l'infirmité radicale de notre pauvre nature, ne venaient le plus souvent absoudre du fait d'intention

réfléchie, la volonté qui semble présider à ses actes; — nous taxerions de jongleurs, de misérables, les médecins qui, après un tel aveu sur l'inanité et les dangers de l'art qu'ils ont ainsi jugé, auraient continué à s'enrichir par son exercice et à se glorifier des honneurs dont, à ce titre, la crédulité publique les aurait entourés. Combien tomberaient sous notre anathème!....

Et puis ce recours final à l'opium qu'on nous présente comme un palladium, quand il n'est en réalité, en telle circonstance, qu'un refugium peccatorum in extremis, qu'est-il au fond, dans la pensée de ceux qui réduisent à ce joyau précieux toutes les ressources de la matière médicale, sinon un leurre à la confiance de leurs malades, et, pour eux-mêmes, un voile sous lequel s'abritent à la fois leur ignorance et leur réputation? Encore, si aucun inconvénient n'était attaché à son usage; si le calme souvent trompeur qu'il procure était tout bénéfice pour celui qui en jouit ; et que, semblables à ces paroles de consolation et d'espérance dont nous soutenons, dont nous relevons quelquefois, sans espoir en nous-mêmes, la confiance et le courage de nos malades, l'emploi de l'opium n'eût en soi aucun danger? Mais l'opium est un agent toxique d'une énergie puissante; et, indépendamment de la sécurité coupable, du calme trompeur dans lesquels il endort la conscience du médecin et la confiance du malade, indépendamment des désordres plus ou moins fâcheux dont il peut d'ailleurs compliquer, aggraver la situation du malade, il n'est pas certain, dans tous les cas de son application, que l'absence du sentiment qu'il efface ne laisse pas quelquefois un vide regrettable dans l'en

semble des symptômes dont chacun (la douleur comme tous les autres) peut avoir son utilité dans le plan de la nature pour l'heureuse solution de la maladie. Car celle-ci est un tout dont les éléments solidaires ne sauraient s'effacer que sous l'action d'un agent homœopathique qui les atteindrait tous ensemble. Une maladie en plein cours ne peut être enrayée qu'à cette condidition; et tout ce que par des moyens palliatifs portant sur un seul de ses éléments on pense avoir réalisé de bien n'est trop souvent qu'une entrave à sa marche régulière, qu'un obstacle de plus à l'heureuse issue de sa résolution finale. Dans un cas de phlegmon extérieur, par exemple, où les symptômes, en raison de leur évidence, sont susceptibles d'une appréciation plus sùre, si, au lieu de cataplasmes chauds dont un heureux instinct, dans ce cas, réclame l'application, afin de favoriser le développement de la tumeur dont la partie est le siége et d'y entretenir la chaleur que l'action vitale y a développée, vous réprimiez cette action au moyen d'une application astringente et glacée, vous obtiendriez sans doute la répression de la tumeur incommode, de la chaleur plus incommode encore... Mais à quel prix ?... Ainsi en est-il de l'action des sédatifs, s'exerçant isolément sur l'élément douleur.

En vérité, lorsque je considère l'aveuglement et l'irréflexion avec lesquels ces Thériaki de la science médicale se sont jetés de gaieté de cœur dans ces voies ténébreuses de l'empirisme, au mépris des voies moins faciles à la vérité, mais plus sûres et plus honorables assurément que le libre usage de leurs hautes facultés eût pu ouvrir à leur pratique; lorsque je les vois en

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