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Oui, sans doute, le tolle causam est le véritable principe à suivre, quand il s'agit de soustraire nos organes ou nos lissus à l'action d'un agent physique ou chimique d'où dépend le désordre qui s'y constate. Mais, si ce désordre a été profond, comme il arrive après certains coups de feu et la plupart des empoisonnements, croit-on qu'il suffirait d'enlever la cause pour ramener le malade à son état normal?

Quant à ceux qui font si bon marché de la cause dans l'appréciation des états morbides, nous leur rappellerons ces malheureux qu'un amour exagéré du pays natal conduit en si grande quantité dans les hôpitaux militaires. Un air d'hébétude est empreint sur leur visage; les aliments qu'ils prennent sont rejetés; le cerveau, le poumon et le cœur sont bientôt le siége de nombreux désordres, et la mort devient imminente. Que ferait ici le médecin qui chercherait à combattre directement le trouble organique? Il l'augmenterait, sans aucun doute, au lieu de le diminuer, tandis qu'il guérirait infailliblement son malade en faisant disparaître la cause de son affection, autrement dit, en le renvoyant dans ses foyers, ou même, si cela ne se pouvait, en l'entretenant dans cet espoir.

Entre les deux extrêmes que nous venons de citer, le médecin homœopathe doit tenir un juste milieu. Si la cause lui échappe totalement, il faut bien qu'il s'en passe, mais cela est toujours regrettable; s'il peut au contraire la découvrir, il se trouvera bien d'en avoir tenu compte.

Dans l'hypothèse qui nous occupe, il y aurait lieu de s'informer si le sujet abuse des jouissances de la table,

ou si au contraire son alimentation est insuffisante; s'il est en butte à des passions tristes; s'il passe sa vie dans des lieux humides ou mal aérés, etc., etc.

Si la réponse à l'une ou l'autre de ces questions semble pouvoir servir d'élément pathognomique, ce sera sur elle que le médecin devra baser son indication : examinant donc alors les quelques médicaments qui sont susceptibles de satisfaire à cette indication tirée de la cause, il choisira parmi eux celui dont les phénomènes pathogénésiques lui paraîtront s'appliquer le mieux à la forme de la maladie. C'est ainsi qu'on donnerait la pulsatille ou l'ipeca à l'individu qui aurait l'habitude de manger outre mesure; le charbon végétal, l'antimoine ou la noix vomique à celui qui ferait abus de liqueurs spiritueuses; le quinquina, l'arsenic ou le fer à celui dont l'affection aurait été causée par des affections prolongées; le muriate de soude, la fève de SaintIgnace ou l'acide phosphorique au sujet opprimé par des passions tristes; le soufre, la douce-amère ou le veratrum à celui qui aurait vécu dans des endroits malsains.

Dans le cas où il n'existerait aucune cause appréciable, on baserait l'indication sur l'ensemble des symptômes, autrement dit sur la forme morbide. Mais alors il serait d'autant plus nécessaire d'en avoir un tableau complet, que ce tableau deviendrait la base de l'indication. Or, pour que ce tableau fût complet, il ne suffirait pas de noter les phénomènes extérieurs; il faudrait encore, je le répète, déduire, de ces symptômes apparents pour tous, les phénomènes cachés que le médecin seul est capable de découvrir, et qui, je suppose,

ne perdent point de leur importance, parce qu'ils se manifestent dans des organes profonds.

Il est bien convenu que nous n'entendons négliger aucune de ces considérations tirées du sexe, de l'âge, du tempérament et de la constitution du sujet, pas plus que celles qui découlent de la maladie, telles que les conditions de temps et de lieux, d'aggravation et d'amélioration, etc. Nous pensons même que, dans certains cas, ces considérations peuvent acquérir la plus

haute importance; mais nous croyons aussi que le pra

ticien ne doit point s'y arrêter avant de s'être édifié préalablement sur ces trois éléments primordiaux du diagnostic la cause, la forme et la nature de la maladie.

:

En résumé, et pour borner ici des considérations que je me promets de développer dans un autre travail, ce que nous proposons, c'est de faire une base plus large, plus certaine et surtout plus médicale à l'application de la méthode homœopathique; et si nous n'avons pas craint d'aborder une semblable tâche, c'est que nous voyons avec peine cette méthode admirable s'effacer le plus souvent, dans la pratique, devant le spécificisme ou la routine, et rester indifférente aux plus intéressantes découvertes de la physiologie, quand au contraire elle devrait être la première, en vertu de son essence même, à faire son profit des conquêtes de cette science.

D' AUDOUIT,

Ex-médecin de la marine militaire.

(La fin au prochain numéro.)

REVUE DE LA PRESSE MÉDICALE.

Par le docteur ESCALLIER,

SUITE

Il me reste à parler d'une brochure de M. le docteur Guépin (de Nantes), intitulée des Eaux minéralisées (1). Or je trouve dans le journal le Propagateur homœopathique (2) une analyse et une appréciation de ce travail qui m'ont paru mériter d'être reproduites ici :

>>

« La médecine marche de jour en jour vers une transformation complète. Ce n'était autrefois qu'un empirisme plus ou moins raisonné; aujourd'hui c'est une science réelle. » C'est à l'abri d'une assertion aussi louangeuse que le docteur Guépin, honorablement connu dans la science, déroule ses théories sur les Eaux minéralisées; c'est une sorte d'égide dont il recouvre son travail, autant pour le justifier que pour se faire pardonner, par ses confrères, les idées fort excentriques, au point de vue de l'allopathie, qu'il émet sur l'administration des médicaments. Or il se trouve que ces idées résument, en quelque sorte, la doctrine hahnemannienne, et nous comprenons, dès lors, le brevet de transformation et de perfectionnement que l'auteur décerne, avec tant d'empressement, à la médecine contemporaine.

<< M. Guépin s'entoure d'un docte aréopage et ne formule son système qu'après avoir salué, en passant, la

(1) Chez Germer-Baillière.

(2) Numéro du 16 avril.

mémoire de Bichat, de Gall, de Cabanis et de Broussais, qu'après avoir invoqué les patientes recherches de Bouchardat, d'Edwards, de Claude Bernard et du docteur Fallot certes un tel cortége est bien digne du respect public et de l'assentiment général; mais pourquoi le docteur Guépin omet-il de placer le buste d'Hahnemann dans le péristyle d'une brochure destinée à vanter, une fois de plus, la dynamisation des médicaments?

« Nous aimons à croire que c'est par pur oubli, et nous savons gré à l'auteur d'apporter à l'homœopathie son grave témoignage.

« M. le docteur Guépin part de ce principe, qu'un médicament ne peut et ne doit pas être une force chimique constamment semblable à elle même; que, bien au contraire, il est de sa nature essentiellement mobile, afin de s'adapter aux restaurations de nos fonctions déviées ou anormales. Par conséquent, si le médicament est excessivement divisé, il peut se globuliser dans le sang, et, si on l'ingère au moment du repas, il peut se mêler au chyme et lui associer les éléments réparaleurs de l'économie.

«De ce principe à la thérapeutique des eaux minérales, on le voit, il n'y a qu'un pas, et l'auteur le franchit sous la sauvegarde de M. Ch. Petit, inspecteur des sources de Vichy, en avouant que, si les médecins qui pratiquent loin des sources thermales étaient à même d'en étudier l'action, l'on verrait beaucoup moins d'affections chroniques devenir inguérissables.

« C'est la manière de voir du docteur Petit, et ses fonctions l'expliquent; mais le docteur Guépin a réformé cette théorie; il admet bien que les états morbides gé

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