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cida à entrer à l'hôpital, où il mourut vers la fin d'octobre.

Je crois, malgré la terminaison en dernier terme funeste, qu'il n'est pas permis de contester que le malade ait été affecté d'étranglement intestinal et qu'il en ait été guéri soit par le traitement, soit par simple coïncidence.

Des faits ultérieurs pourront seuls confirmer la nature de la guérison.

L'emploi de l'ergot de seigle et des champignons vénéneux, dans le traitement des étranglements, est-il homœopathique?

J'ai dit que dans l'étranglement deux phénomènes principaux dominaient. Ce sont la gangrène et les phénomènes nerveux, consistant dans la perversion des mouvements intestinaux et dans les vomissements. Personne ne contestera au moins une grande analogie dans les accidents produits par les champignons. Il me suffira, du reste, de citer le rapport présenté le 26 juin 1809 à la Société de médecine de Bordeaux que j'extrais de la Toxicologie d'Orfila:

<< Taches violettes, très-étendues et nombreuses sur les téguments, ventre très-volumineux, conjonctive comme injectée, pupilles contractées, estomac et intestins phlogosés et parsemés de taches gangréneuses, sphacèle dans quelques portions de ce viscère, contraction très-forte de l'estomac et des intestins, au point que, dans ceux-ci, les membranes épaissies avaient entièrement oblitéré le canal; œsophage phlogosé et gangrené dans l'un des sujets; dans un autre, iléum invaginé de haut en bas, dans l'étendue de neuf centi

mètres un seul individu avait les intestins gorgés de matières fécales. »

Je me contenterai de cette description pour justifier le titre de traitement homœopathique. Une plus longue discussion serait peut-être nécessaire, mais conduirait à des considérations de médecine générale, sujet que je ne veux point aborder en ce moment.

D' EUGÈNE CURIE.

RÉPONSE AU DOCTEUR CADE

Par A. ESPANET.

Pour répondre à notre modeste note insérée dans le numéro du 15 janvier de ce journal, M. le docteur Cade a remué ciel et terre. Sa lettre est une mise en scène magnifique dans laquelle apparaissent, l'un après l'autre, de graves et respectables personnages chargés de dire de bien belles choses. Elle serait parfaite vraiment, si elle était un peu plus courtoise et un peu moins dépourvue de ces formes qui annoncent et accompagnent le savoir-vivre. Qu'y faire? Les œuvres humaines pèchent toujours par quelque point. Après avoir rendu justice à l'habileté de notre adversaire, examinons ses raisons.

Les documents recueillis par M. Cade, sur la maladie du R. P. abbé, se réduisent à trois: 1° une lettre du P. Cyprien; 2° une autre du F: Justin; 3° enfin, diverses conversations prêtées au R. P. Gabriel lui-même. Mais, avant tout, nous devons faire observer que c'est bien

malgré nous que la maladie de ce dernier est devenue l'objet capital de la discussion, de secondaire et trèssecondaire qu'elle était dans notre note.

Cy

La lettre du P. Cyprien est d'une adresse merveilleuse; elle ne laisse rien entre les mains. Vous aurez beau la presser dans tous les sens, il n'en sortira rien en faveur de celui qui la cite, rien, pas la plus mince approbation. A l'époque dont il a été question, le P. prien était prieur et père-maître des novices en même temps. Ses occupations ne lui permettaient pas de donner au malade les soins affectueux dont on parle. Pour cela, il s'en rapportait au dévouement du P. Polycarpe et du F. Zachée, dont chacun admirait le zèle et le courage.

Venons au F. Justin, car, au fond, toute la question est là. Après avoir cité sa lettre, M. Cade ajoute : « Pourquoi pas un mot de M. Espanet, le prétendu héros de la guérison, dans ces renseignements du P. Cyprien et du F. Justin, quoique son apparition à Aiguebelle, vers la fin de la maladie du R. P. abbé, ait dû être remarquée? C'est évidemment parce que l'on n'a pas cu même le soupçon de son intervention médicale dans le traitement. >>

A notre tour.

Dans une lettre du 28 mars dernier, le F. Justin nous écrit:

« M. Cade fut appelé au début de la maladie, ne voulant pas en prendre la responsabilité sur moi; dans cette première visite, comme dans les suivantes, il prescrivit un traitement, et ce traitement a été fidèlement exécuté : s'il y a quelques modifications, elles ont été soumises à son approbation sur mes réclamations. M. Cade a suivi la maladie du R. P. Gabriel jusqu'à la formation de l'abcès, puisqu'il prescrivit le cataplasme de figues et de frictions mercurielles;

ces frictions furent suspendues au bout de deux ou trois jours. Ce fut quelques jours après que M. Cade fut remercié et que vous entreprîtes le traitement homœopathique... Votre traitement a été également suivi avec fidélité... Je ne puis nommer vos prescriptions, car ma mémoire me fait défaut en grande partie sur ce point. Je me souviens de belladone, pulsatille, et voilà tout; mais un certain nombre de médicaments ont été donnés. >>

Le 3 avril, nous recevions une autre lettre du F. Justin, où il nous disait :

« ..... M. Cade m'a écrit une seule fois pour me demander les moyens qu'il a employés dans la maladie du R. P. Gabriel; je ne pouvais refuser une demande de cette nature, et je ne lui ai répondu pareillement qu'une seule fois... Qui vous dit que votre intervention a été inutile auprès du R. P.? Tout Aiguebelle sait que c'est le R. P. Gabriel et tous ceux qui s'intéressent à lui, et moi plus que tout autre, qui vous avons mandé, afin de vous adjoindre à M. Cade dans le traitement que vous avez eu plus tard seul à diriger. Puisque l'on vous a mandé, il fallait bien que l'on eût en vous toute la confiance et toute l'estime que vous méritez. Quand M. l'abbé Chassagnol (F. Zachée) est passé à Montélimar, il a dû vous donner à ce sujet tous les renseignements désirables... >>

là quel

Que vous en semble, lecteur? n'y a-t-il pas que chose qui donnerait le soupçon de mon intervention médicale dans le traitement? Comprenez-vous la prudente réserve du P. Cyprien? Mais les réflexions se pressent... nous les supprimons. Toutefois on a dû remarquer dans la première lettre du F. Justin que M. Cade fut remercié avant la fin de la maladie. Ce fait nous était parfaitement connu; nous avions cru devoir le taire par un sentiment dont on comprendra la délicatesse; le même sentiment nous fait encore passer sous silence une foule d'autres particularités que nous désirons garder toujours dans le recueil secret de nos documents et de nos souvenirs, par respect pour la dignité religieuse et pour notre profession.

Ce n'est pas tout. M. l'abbé Chassagnol, dont parle

plus haut le F. Justin, était le garde-malade du R. P. Ga briel. Tout le monde sait, dans nos contrées, et M. Cade sait mieux que personne, avec quel dévouement il s'était consacré au soulagement du R. P. Bonaventure, durant sa longue et douloureuse maladie, pour laquelle aussi j'avais été appelé. L'année suivante, quand le R. P. Gabriel, son successeur, tomba malade, il s'attacha à son chevet, et ne le quitta qu'après son entière guérison. L'intelligence et le cœur se montrèrent constamment chez lui à la hauteur l'un de l'autre, dans la pénible et charitable mission qu'il s'était donnée. Son témoignage était donc pour nous de la dernière importance; et la Providence, en nous faisant retrouver M. l'abbé Chassagnol, dont nous avions perdu la trace depuis sa sortie d'Aiguebelle (car il n'était pas passé par Montélimar, comme l'avait cru le F. Justin), la Providence, disons-nons, nous permet de présenter les faits dans leur rigoureuse exactitude. Four nous conformer littéralement à ses intentions, nous reproduisons sa lettre in extenso. La voici :

<< Monsieur et cher ami, votre lettre, en me reportant à une époque bien douloureuse de ma vie, m'a causé une profonde peine. En quittant Aiguebelle, je croyais n'avoir plus à m'occuper de ce que j'y avais vu et entendu. Toutefois je ferai taire mes répugnances pour répondre à l'appel que vous faites à ma loyauté.

« La maladie du R. P. Gabriel se déclara le 23 janvier 1855. Le R. P. abbé, le P. Cyprien et le F. Justin me chargèrent de vous presser de venir. Vous ne pûtes arriver dès les premiers jours, parce que vous étiez à Marseille, auprès du docteur Chargé.

<< Durant le cours de cette maladie, en ma qualité de secrétaire, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de vous écrire, soit pour vous prier de venir, soit pour vous consulter.

« Le F. Justin ne laitsait pas M. Cade maître absolu du terrain. Il discutait les prescriptions, demandait des adoucissements, des modifications. A la suite

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