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substance dont vous recherchiez les effets thérapeutiques? En vertu de quelle théorie la mêliez-vous au gaïac, à l'iodure de potassium, au fer, aux acides minéraux ? Saviez-vous ce que votre hydrocotyle allait devenir, au point de vue simplement chimique, en la cuisinant avec ces différents agents médicamenteux? Non, n'est-ce pas ? Que me répondriez-vous donc si je vous demandais comment vous faisiez pour déterminer, après l'emploi d'arlequins pareils, auxquels de ces éléments : la maladie, l'hydrocotyle ou ses associés, incombait la cause des symptômes que vous observiez ? Quelle serait aussi votre réponse, si je vous priais de me dire pourquoi, ayant associé l'hydrocotyle au gaïac, à l'iodure de potassium, aux préparations martiales et aux acides minéraux, vous n'avez pas agi de même vis-à-vis de tous les autres agents de la matière médicale, ou tout au moins à l'égard de ceux qui figurent dans la même classe? Pourquoi le gaïac plutôt que le sassafras, la salsepareille ou la squine? Pourquoi l'iodure de potassium plutôt que les iodures d'or, de mercure, de plomb, d'arsenic, de soufre, de baryum, etc.? Pourquoi le fer plutôt que le manganèse?

Mais voici le digne pendant de ces aveugles mélanges, dont le moindre défaut est de mettre dans les mains des médecins des agents tellement dénaturés, que l'on ne sait plus, en définitive, de quoi se composent les armes que l'on emploie : « L'hydrocotyle asiatica, dit M. Hunter, a été employée pendant cinq mois à l'infirmerie native et au dispensaire, dans le TRAITEMENT D'UNE

FOULE DE MALADIES. >>>

Je le déclare ici bien sincèrement, quand je parlais

!

plus haut de ces essais dépourvus de règle, qui sont encore le principal criterium de la plupart des médecins de notre époque, je n'avais pas lu ces quelques lignes du rapport de M. Hunter, et c'est avec douleur que je recueille cet irrécusable témoignage de l'exactitude de mes assertions.

UNE FOULE DE MALADIES! Vous l'entendez, et vous devinez bien, d'après cette expression seulement, que, si M. Hunter n'a pas encore étendu ses expériences à tous les états morbides, c'est que l'occasion lui a fait défaut; mais l'avenir le dédommagera sans doute, et, dans un temps plus ou moins long, il pourra, comme on dit, en avoir le cœur net.

Je ne choisirai pas ce moment pour continuer mes attaques contre ce système d'expérimentation, car j'aurais peut-être l'air de les diriger trop uniquement sur l'honorable chirurgien de Madras; ce qui n'est point du tout dans mes intentions.

Je passe donc aux expériences faites à l'hôpital SaintLouis.

La suite au prochain numéro.)

D' AUDOUIT,

Ex-médecin de la marine militaire.

DU TRICOPHYTON

ET DU SYSTÈME DE M. LE DOCTEUR BAZIN SUR LA TEIGNE

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Deuxième point. Traitement. Entre les mains de tous les praticiens, à l'exception d'un très-petit nombre, et en particulier de M. Trousseau, qui donne parfois des médicaments sans savoir pourquoi, tout traitement suppose une idée préconçue (1). La thérapeutique n'est autre chose que l'action de satisfaire à des indications. Dogmatiques et empiriques, méthodistes et éclectiques, humoristes et solidistes, chimiâtres et mécaniciens, vitalistes et matérialistes, nosologistes et nosographes, similistes et contrariistes, enfin tout ce qui fut ou est en médecine, s'est laissé ou se laisse régir, sciemment ou à son insu, par cette loi fondamentale de la médecine. Avec un peu de réflexion, nous trouvons même que M. Trousseau n'y échappe pas plus que les autres ; et, comme nous ne pouvons nous figurer l'éminent praticien de l'Hôtel-Dieu prenant à tâtons dans une boîte de

(1) Pourquoi, dit M. Trousseau (après avoir exposé deux cas de céphalées guéries par le mercure), ai-je eu recours à ce traitement? Je n'en sais rien. (Voir la Leçon de clinique de M. Trousseau, insérée dans le Journal de méde – cine et de chirurgie pratique en septembre 1855, et dans l'Abeille médicale du 5 décembre, même année.)

médicaments le premier flacon qui lui tombe sous la main, nous aimons mieux supposer que M. Trousseau, quand il agit comme nous venons de le dire, a pour idée préconçue son flair médical, et que, de la sorte, il dote la science d'une théorie toute nouvelle, que l'on pourrait appeler, par exemple, la théorie de l'instinct.

Comme tous les médecins passés, présents ou futurs, M. Bazin agit en vertu d'une indication; indication fort logique assurément, une fois admis le système qui la détermine. Si, en effet, la teigne est essentiellement causée par un champignon qui n'en fait rien autre qu'une maladie locale, l'indication rationnelle et précise est naturellement de détruire localement le crypto

game.

Avant d'aller plus loin, je crois convenable de faire observer que cette indication, aujourd'hui si nette, si simple et si satisfaisante, a dû ne pas sembler toujours telle à son auteur même. Je fais allusion, en ce moment, à l'époque où M. Bazin publia ses premières recherches. Ainsi que nous l'avons vu précédemment, M. Bazin définit aujourd'hui la teigne : une affection essentiellement locale produite par un végétal parasite. Mais, en 1853, M. Bazin employait encore des définitions et des expressions impliquant des idées qui eussent dù, ce nous semble, modifier assez radicalement l'indication. Ainsi M. Bazin définissait alors la teigne: une affection des poils produite ou entretenue par la présence d'un végétal parasite. Il appelait les champignons des teignes des produits morbides. Il admettait des teignes spontanées, etc., etc.; toutes choses qui indiquent évidemment que les tricophytons ou les microsporons ne

DEUXIÈME SERIE. 1.

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lui paraissaient pas constituer toute la maladie; et cependant le traitement local était déjà considéré comme le plus rationnel, car c'est dans le même ouvrage que nous avons puisé les observations rapportées plus haut. Il est aisé d'apercevoir la dissonance qui existait alors entre les idées théoriques et les idées pratiques de M. Bazin; car je suis convaincu qu'il n'avait point, en réalité, l'intention de fonder une thérapeutique s'adressant exclusivement à des produits morbides. M. Bazin s'en aperçut, non pas tout de suite, car, en 1854, il imprimait encore la même définition, mais bien un peu plus tard, ainsi que nous le voyons dans son Cours de séméiotique cutanée, où le mot entretenue, ce petit mot qui dit ici tant de choses, a complétement disparu de la définition de la teigne.

Dans ce cas, comme dans beaucoup d'autres, d'ailleurs, au lieu que ce soit le traitement qui découle de la théorie, c'est la théorie qui découle du traitement. C'est à peu près comme si l'on voulait faire découler une cause d'un effet, ou, dans un syllogisme, les prémisses de la conséquence. Mais enfin, grâce à ce travail intellectuel, qui, partout ailleurs qu'en médecine, pourrait sembler légèrement absurde, M. Bazin établit en définitive quelque chose de logique; et, comme il est à même de nous montrer un asseż bon nombre de résultats heureux, il pense avoir le droit de s'écrir: Vous voyez bien que la teigne est une affection essentiellement locale, puisque nous la guérissons avec des moyens exclusivement locaux. Application toute naturelle du fameux axiome: Naturam morborum curatio demonstral. Voici le moment de s'entendre sur les moyens exclu

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