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lotioner souvent les yeux avec de l'eau tiède pour les débarrasser du flot de pus qui les baignait continuellement. Le sixième jour, l'inflammation était évidemment entrée dans sa période de décroissance et de résolution. Le vingt-cinquième jour, le gonflement et l'œdème des paupières ayant à peu près disparu, il fut possible d'examiner les yeux. Les cornées, ainsi que tout le globe de l'œil, étaient recouverts d'une couche épaisse de granulations rouges, mais l'inflammation était en voie de décroissance. Peu à peu cette couche s'affaissa, diminua sans qu'on fit usage d'autre chose que d'un collyre au borax. Enfin, deux mois après cette inoculation, les cornées ne présentaient plus qu'un brouillard gris, léger, à travers lequel le malade distinguait déjà les objets; aujourd'hui la transparence de la cornée du côté gauche est à peu près complète. Du côté droit, la vision est trouble et imparfaite. Le malade, en définitive, y voit assez pour lire, et il a pu reprendre les fonctions de son ministère.

«La seconde observation de M. Rivaud-Landrau est à peu près la répétition de celle qu'on vient de lire. Enfin, un troisième fait, rapporté dans le même journal, a été recueilli dans le service de M. Van Roosbrock. Ces diverses observations prouvent que, dans certains cas désespérés, la méthode hardie des médecins belges peut faire obtenir le succès le plus satisfaisant. >>

y a eu succès sans doute, mais d'après la lecture de l'observation comme d'après toutes les probabilités, ne devra-t-on pas souvent redouter un résultat tout opposé, la perte complète de l'œil et la perte définitive de la vision?

(La suite au prochain numéro.)

ÉTUDES PATHOGÉNÉTIQUES ET THÉRAPEUTIQUES SUR L'HYDROCOTYLE ASIATICA,

Par le docteur AUDOUIT,

Ex-médecin de la marine militaire.

Voici une plante qui, malgré sa toute récente apparition sur la scène médicale, est déjà l'objet de ces divergences d'opinions qui n'ont pas fait défaut aux meilleurs médicaments.

Appelée, selon les uns, à tenir un des premiers rangs dans la thérapeutique, l'hydrocotyle est considérée par d'autres comme une plante complétement inerte au point de vue médicinal.

Espérons qu'il ressortira de notre travail des éléments de certitude en assez grand nombre pour que nos confrères sachent à peu près à quoi s'en tenir sur le compte de ce nouvel agen: médicamenteux.

HISTORIQUE.

Quoique l'hydrocotyle asiatica figurât dans la matière. médicale indienne, on ne lui accordait que des propriétés fort limitées, lorsqu'en 1852 M. le docteur Boileau, médecin à l'île Maurice, fut conduit, par une circonstance personnelle, à commencer la renommée de cette plante. Voici comment.

Ce médecin, qui, depuis plusieurs années, était atteint d'une lèpre contre laquelle toutes les médications

DEUXIÈME SÉRIE. 1.

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s'étaient montrées inefficaces, avait tenté de se procurer une plante américaine nommée chinchunchylly, qui ne croît pas dans l'île Maurice, et qu'il avait entendu vanter comme un excellent spécifique de la lèpre.

Malgré tous les soins qu'il avait déployés pour se procurer le chinchunchylly, M. le docteur Boileau ne voyait pas arriver cette plante; et il commençait à croire que la mort ne lui permettrait pas de l'attendre, quand un jour, en se promenant dans son jardin, il aperçut à ses pieds une autre plante, dont les feuilles lui parurent avoir le plus grand rapport avec celles du chinchunchylly.

Séduit par cette analogie, M. Boileau s'empressa d'expérimenter sur lui-même l'objet de sa trouvaille, qu'il baptisa du nom de bevilacqua. Il l'administra en même temps à douze autres lépreux, et, les résultats ayant été satisfaisants, il publia sa découverte dans le Cerneen, journal de l'île Maurice, à la date du 9 décembre 1852.

Ce numéro du Cerneen parvint à Pondichéry vers la fin de février 1855, et tomba entre les mains de M. Lépine, pharmacien en chef à l'hôpital de cette colonie.

Botaniste érudit, travailleur infatigable, et l'un des plus zélés praticiens que nous connaissions, M. Lépine fut frappé par la lecture de l'article du Cerneen. Il entrevit dans la découverte de M. Boileau le moyen tant désiré de fournir à la médecine des armes contre cette affreuse maladie que l'on nomme la lèpre; et, lisant un peu plus tard, dans un journal de l'île de la Réunion qui reproduisait l'article du Cerneen, que la plante indiquée sous le nom de bevilacqua par M. Boi

leau devait être l'hydrocotyle asiatica, M. Lépine se hâta de se procurer une certaine quantité de cette plante, fort. commune dans l'Inde, et il en fit différentes préparations qu'il mit à la disposition des médecins du pays.

Les premiers qui répondirent à l'appel de M. Lépine furent MM. Poupeau, Houbert et Collas. Les expérimentations de ces honorables confrères, expérimentations que nous ferons connaître un peu plus loin, vinrent confirmer les prévisions de M. Lépine, et bientôt l'hydrocotyle devint le médicament en vogue; aussi bien à Pondichéry qu'à l'île Maurice et à celle de la Réunion, tant contre la lèpre que contre les dartres et la syphilis.

Mais c'était peu pour M. Lépine d'avoir concouru si puissamment à propager dans nos colonies l'emploi d'un agent sur lequel il lui semblait que la thérapeutique pouvait fonder des espérances nombreuses.

Étant sur le point de venir passer quelque temps en France, il fit imprimer une brochure dans laquelle nous avons puisé les détails qui précèdent, et dont nous extrairons encore différents passages. Il se munit, en outre, d'une quantité d'hydrocotyle assez considérable pour mettre quelques médecins français à même d'expérimenter la plante indienne; et, comme son séjour en Europe devait être fort court, il chargea M. Fournier, pharmacien à Paris, de toutes les démarches nécessaires en pareil cas.

M. Fournier s'empressa d'envoyer de l'hydrocotyle, en nature ou préparée, dans quelques hôpitaux, et notamment dans ceux de Bordeaux et de Rochefort; il remit les mêmes éléments d'expérimentation à MM. Ca

zenave et Devergie, que leur position médicale lui désignait naturellement. J'en reçus aussi, en ma qualité d'ancien condisciple de MM. Lépine et Fournier, qui, toutefois et préalablement, me firent promettre de ne rien imprimer sur l'hydrocotyle avant qu'ils eussent fait paraître la notice qu'ils méditaient, et dont les expériences de MM. Cazenave et Devergie devaient fournir les principaux éléments.

Cette notice a paru ces jours derniers, ce qui dégage ma parole et me permet d'offrir à mes collègues un travail un peu plus sérieux peut-être, et, à coup sûr, beaucoup plus complet que les données recueillies, après vingt mois d'expérience, par MM. Cazenave et Devergie. Je me hâte d'ajouter que ce n'est point l'habileté si connue de ces messieurs que j'entends ici mettre en cause, mais bien le pitoyable système d'expérimentation qu'ils continuent de suivre, en dépit de son incertitude si manifeste, et, ce qui est plus grave, malgré les dangers qu'il fait si souvent courir aux malades.

Mes lecteurs seront, je pense, édifiés complétement tout à l'heure sur la supériorité de celui que j'ai mis en

œuvre.

Pendant que M. Fournier nous fournissait ainsi les moyens d'expérimenter le nouvel agent, M. Lépine soumettait son travail à la sanction de l'Académie, et, quelques semaines après, le 24 juillet 1855, M. Gibert, nommé rapporteur, lisait un Mémoire dans lequel il concluait en proposant d'adresser des remercîments à M. Lépine, de l'engager à faire poursuivre dans les colonies de l'Inde les expériences thérapeutiques sur l'hydrocotyle, et de l'inviter à mettre l'Académie à

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