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d'en composer son galimatias éclectique spécial pour les besoins de sa pratique. De sorte qu'aujourd'hui, où l'on prétend qu'il n'y a plus de système dominant dans l'art de guérir, nous sommes à la merci de ce monstrueux principe: Il y aura désormais en médecine autant de systèmes que de médecins! p. 30, 31. »

Les meilleurs, aujourd'hui, sont ceux qui font de l'éclectisme en mode composé, c'est-à-dire en théorie et en pratique. Par celle-ci, ils savent bien qu'on affriande un certain public qui ne peut pas être bien fort sur les principes généraux et leurs déductions logiques. Par la théorie, du moins, ils se rattachent à des doctrines qui peuvent leur paraître assez larges et assez compréhensives pour embrasser la plupart des théories scientifiques. Sous le nom de saint Thomas, ils remontent jusqu'à saint Clément d'Alexandrie, qui fit de l'éclectisme avec les platoniciens, pour amener ceux-ci à l'idée chrétienne. Le moyen pourrait être bon, si on pouvait amener tous, ou du moins la plupart des médecins, à jurer par la théologie. Malheureusement il n'en est pas ainsi. La plupart même vous disent : « Respectez le sacré et gardez-vous bien de le mêler au profane. >>

Le siècle n'est pas à ces idées. Il a quitté une grande voie, dans l'espoir d'en trouver une plus belle. S'est-il trompé? Il ne m'appartient pas de le dire. Mais ce que je puis affirmer, avec M. Louis Ulbach, c'est que « le railleur, l'ennemi commun qui détend tous les courages, c'est la fausse science, c'est le juste milieu philosophique, politique, moral. C'est cette déplorable manie des compromis, c'est cette prudence éclectique qui met des abat-jour à toutes les lumières, qui fait qu'on passe

la dernière moitié de sa vie à se repentir de la première; le doute, enfin, qui résulte des demi-croyances, des demi-conquêtes, des demi-passions et des demi-vertus ; voilà le grand meurtrier du dix-neuvième siècle ! »>

Il est évident qu'un critique assez puissant pour passer en revue tous les grands principes des sciences. et pour trouver le défaut de la cuirasse de chacun, c'està-dire pour voir les points par lesquels la logique cesse de pouvoir les mettre d'accord, celui-là doit être éclectique. Mais il y a des têtes qui éprouvent un tel besoin d'unité, qu'il la leur faut même dans l'ensemble des connaissances humaines; il leur faut un principe assez élevé, assez compréhensif pour qu'il puisse dominer toutes les sciences comme une tour, suivant l'heureuse expression de Bacon. Ceux-là ne peuvent pas être éclectiques; dans l'idée du passé, ou dans l'idée de l'avenir, ils trouveront leur principe dominateur; mais il le leur faut.

Pour eux, chaque point de départ ou d'arrivée de l'infinie variété des éclectiques, n'est qu'une station, qu'un point d'arrêt qui se relie par un côté à la grande route qui mène à l'unité. De même que, dans un voyage, tout le monde ne peut pas, ne veut pas, ou ne doit pas parcourir la voie entière, et que chacun a plus ou moins sa satisfaction au point où il s'arrête, qu'il aille vers le nord ou vers le midi; de même toutes les intelligences n'éprouvent pas autant ce besoin d'embrassement général des connaissances humaines. La plupart, soit par impuissance, par lassitude, ou par paresse, sont contents du lot qu'ils possèdent. Et, comme chacun a besoin de compléter son existence morale et intellectuelle aussi

bien que son existence matérielle, chacun se crée sa petite logique, ses petits systèmes, sa petite théorie, et dès lors, avec le secours d'un peu de vanité, voilà mon animal raisonnable qui se croit un tout très-complet, un centre, un foyer d'où il croit que la lumière doit rayonner sur ceux de sa petite sphère, et, qui sait? peut-être, sur des siècles entiers. Quand elle se met à voyager, la folle du logis a des ailes si rapides!

Demandez plutôt au protecteur de la saignée coup sur coup, à l'inventeur de la soi-disant méthode humérique, et voyez comme l'illustre Broussais, avec son génie critique et compréhensif, se moque de l'éclectisme et d'une foule d'autres petites doctrines d'autant plus prétentieuses, qu'elles ont la taille plus courte sans être pourtant moins bizarres. On me pardonnera cette épithète que j'emprunte à M. Bouillaud, l'adressant à son collègue M. Chomel.

Mais je m'aperçois ici que j'usurpe la propriété de l'auteur. Le chapitre troisième ne peut pas se résumer, il faut lire tout entier dans l'auteur « La médecine jugée par les médecins,» pour >> pour avoir tout à la fois une idée des contradictions et des discussions de ceux qu'on appelle les maîtres et les princes de la médecine officielle, et aussi de la remarquable érudition de l'auteur.

C'est un excellent chapitre, par lequel le livre remplit complétement les conditions de sa destination. Le suivant est, comme le dit l'auteur lui-même, un horsd'œuvre; c'est-à-dire qu'il a été écrit bien moins pour les gens du monde que pour les médecins et pour les étudiants en médecine, afin de les engager à réfléchir, à prendre un peu plus conseil de leur propre intelli

gence, à jurer un peu moins sur la parole du maître, et enfin à ne pas croire comme définitivement arrêtée une science qu'on leur donne quelquefois, peut-être, un peu trop comme parfaite.

Le cinquième chapitre est destiné à relever le courage de ceux qu'abat l'erreur, et qui croient la vérité, en médecine, une chose tout à fait chimérique, un vain mirage qui attire sans cesse à lui chaque nouvelle génération, en ne lui donnant pour guide que les erreurs accumulées des générations antérieures. « L'homme, dit-il, ne travaille jamais en vain. » Chaque siècle a sa somme de vérité qu'il faut savoir extraire de ses erreurs, comme on extrait le métal précieux de sa gangue. Il montre aux pauvres découragés un avenir plus riant et une terre plus féconde en bonheur.

Le reste du livre, c'est-à-dire sept chapitres, est consacré à l'exposition de la loi des semblables, à l'exposition de l'homœopathie, à la discussion des objections qui lui sont faites, aux témoignages allopathiques qui lui sont favorables, à ses progrès toujours croissants, à la statistique comparée des deux écoles et à la bibliographie homoeopathique..

En résumé, M. Guyard a fait une œuvre consciencieuse et vraiment utile à la propagation de l'homœopathie.

D' LEBOUCHER.

VARIÉTÉS.

On lisait dans le numéro du 6 janvier dernier du Moniteur des Hôpitaux:

<< Depuis que messieurs les homœopathes ont reçu les cartes de visite (en papier timbré) de plusieurs procureurs impériaux, et qu'en échange ils envoient les leurs aux journalistes, ils ne laissent pas que de faire quelque bruit dans le monde. »

On lit dans le Droit du 9 mai 1857 :

COUR IMPÉRIALE DE PARIS (CHAMBRE CORRECTIONNELLE)

PRÉSIDENCE DE M. ZANGIACOMI.

Audience du 8 mai.

Outrage à la morale publique. - Le Moniteur des Hôpitaux. Condamnation.

MM. de Castelnau, rédacteur en chef du Moniteur des Hôpitaux; Joulin, docteur en médecine, et Remquet ont été cités devant le tribunal correctionnel de la Seine, les deux premiers comme coupables d'outrage à la morale publique, à raison d'un article publié dans le numéro du 10 février du Moniteur des Hôpitaux. M. Remquet était cité comme complice, pour avoir imprimé le numéro incriminé.

Le tribunal prononça en ces termes l'acquittement des trois individus :

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