Je n'entrerai point ici dans des difcuffions trop étendues, continua l'Eccléfiaftique; les circonftances ne me le permettent pas. Je n'occuperai point non plus vos derniers moments de cent propos inutiles, qui ne fervent qu'à jeter un malade dans le trouble & l'effroi, ou dans une fuperftition odieufe & criminelle: il me fuffit de favoir fi vous avez un repentir fincere de vos fautes, une ferme confiance en Dieu & aux mérités de Jefus-Chrift. Le Compere ayant répondu que oui, le Prêtre continua fes exhortations, & dit des chofes fi touchantes, que le malade, Vitulos & moi fondîmes en larmes. Enfin le bon Vieillard fe difpofoit à chercher le Viatique, lorfque le Compere entra tout-à-coup en agonie & expira. Quelques heures plutôt il feroit mort comme un fot, & il mourut comme un Saint. Le Lecteur me difpenfera de lui exprimer la douleur où cette mort me plongea; il doit en juger par l'attachement tendre & fincere que j'avois pour mon cher Compere. La fureur qu'il avoit de philofopher l'avoit conduit d'erreur en erreur, & lui avoit attiré, ainfi qu'à moi, bien des peines & des traverfes; ce qui l'avoit rendu farouche fur la fin de fa vie. D'ail leurs il avoit le cœur bon; il étoit humain & compatiflant ces vertus feules feroient fon éloge. S'il fit des folies, ce ne fut pas plus par envie d'en faire, que par haine pour celles des autres. Cette mort acheva de troubler l'efprit du pauvre Efpagnol. Le Compere fut à peine expiré, qu'il fallut l'emmener hors du logis, pour le vacarme qu'il y faifoit; & trois jours après on fut obligé de le conduire aux Petites Maifons. Nous ne reftions plus que trois; Pere Jean, Vitulos & moi; mais nous nous féparâmes bientôt. Le Révérend fe fit Capitaine de Dragons; fon confrere retourna chez les Capucins, & moi je demeurai à Paris. Le Prêtre refpectable qui avoit affifté le Compere dans fes derniers moments, fut dorénavant ma feule compagnie. Il me permit de prendre mon logement chez lui. Sa douceur, fa charité, fa piété, m'attachérent à lui pour jamais. Ses difcours, fes inftructions, fes lumieres & fon zele me ramenerent à mon ancienne croyance: il me démontra par des arguments invincibles, la vérité des Dogmes que j'avois rejetés fi légérement ; & je compris enfin que fi les paffions & la mauvaife foi peuvent entraîner les hommes dans des erreurs dangereufes en matiere de Foi, toute la fincérité poffible peut nous y entraîner de même, lorfqu'en pareil cas nous ne voulons nous en rapporter qu'à nos foibles lumieres. FIN. Chap. XXXIV. Suite de mes Aventures, Chap. XXXV. Difcours du Vieillard François, 60. Chap. XXXVI. Suiie du Difcours du Vieillard, |