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parce que dans tout ce qu'il fait il recherche autant les intérêts de fon prochain que les fiens propres. Il eft généreux, parce qu'il ne fait rien qu'avec cette franchife cette droiture, cette grandeur d'ame qui caractérisent un parfait honnête homme. Il eft humain, parce qu'il excufe les foibleffes, qu'il fupporte les défauts de fon prochain, qu'il compatit à fes peines, à fa mifere, qu'il le foulage autant qu'il le peut. Il eft bienfaifant, parce qu'il fait tout le bien qu'il lui eft poffible de faire, fans autre motif humain que la fatisfaction de faire du bien. Il eft pacifique, parce qu'il hait les haines, les animofités, les querelles, & tous les moyens qui les font naître; parce qu'il tâche de conferver l'union entre les hommes, & à éteindre la difcorde par-tout où elle fe trouve. Enfin le vrai Chrétien eft le pere, le frere, l'ami de tous les hommes, & le meilleur citoyen d'un Etat.

Mais, dira-t-on, un Athée peut être tout cela..... Je n'entreprends point de difcuter s'il eft poffible qu'un Athée puiffe être tout cela: je dirai fimplement qu'il manque à l'Athée les trois plus puiffants motifs qui portent le Chrétien à être tel que je viens de le décrire; que l'Athée ne peut avoir tout au plus que quelques vertus morales, qu'il devra à fon tempérament, à l'amour propre, à l'exemple, &c. Mais le vrai Chrétien reconnoît un Dieu, un Créateur, un Pere, auquel il doit tout ce qu'il eft, tout ce qu'il poffede; un Dieu jufte, bon, bienfaifant. Or ce Chrétien pénétré d'amour, de refpe&t & de reconnoiffance, fe conformera, autant qu'il le pourra, aux volontés d'un tel Maître. Le vrai Chrétien fait qu'il a une ame immortelle, à laquelle il eft réfervé une éternité bienheureufe, s'il fait le bien dans ce monde: or,l'amour qu'il a naturellement pour fon

bonheur le porte à faire fes efforts pour y parvenir. Le vrai Chrétien fait qu'il fera puni, s'il ne fe conforme pas à l'ordre, s'il refufe de faire le bien: or, la crainte des peines le portera à faire fon poffible pour les éviter.

Quels motifs plus puiffants peuvent porter un homme à la perfection que l'amour de Dieu, que l'efpoir d'une félicité infinie, que la crainte d'une réprobation éternelle? Que font le tempérament, l'éducation, l'habitude, en comparaifon de trois motifs auffi puiffants? Quelle eft la perfection de l'Athée au prix de celle du vrai Chrétien ? Quel eft le nombre d'Athées vertueux, en comparaifon de tous les vrais Chrétiens qui font effentiellement tels? Que peut-on attendre d'un Athée qui méconnoît Dieu, tandis que tout ce qui l'environne annonce fon exiftence?

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O Athées audacieux & téméraires, que la rencontre d'un vermiffeau a mille fois confondus abandonnez une métaphyfique infenfée; arrêtezvous à la certitude des chofes, & n'allez pas plus loin! fachez diftinguer en Dieu fa nature de fes attributs, que les faits vous annoncent: n'entreprenez point de pénétrer jufques dans cette nature: ceffez de chercher la raifon de la Raifon même ; ne vous informez pas de ce que faifoit l'Eterne avant qu'il créat, de quelle maniere il a tiré l'Univers du néant; quelle eft la nature de fa durée; comment il apperçoit la fucceffion (1): arrêtez-vous où la raifon refufe de vous fuivre; apprenez que les preuves qui établiffent la néceffité d'une premiere caufe, ne font point affoiblies par l'obfcurité impénétrable qu'environne l'effence de cette caufe: contentez-vous de voir clairement que le monde eft

(1) Traité de Pfychol. Chap. LV.

:

fucceffif, & qu'une progreffion infinie de causes eft abfurde calculez, & vous apprendrez que chaque caufe individuelle, ayant fa caufe hors de foi, la fomme de toutes ces caufes, quelque infinie qu'on la fuppofe, a néceffairement fa caufe hors de foi. Ecoutez dans les fentiments de l'admiration la plus vive cette voix majeftueufe, qui répond à toutes les Intelligences: Jefuis celui qui fuis. Bornez-vous à apprendre de la contemplation des faits, que l'Etre exiftant par foi eft néceffairement puiffant, fage & bon. Attendez de fes Attributs divins les fources intariffables de votre bonheur ; conformez-vous à l'ordre ; ouvrez les Livres Saints, vous y trouverez des motifs & des moyens qui vous porteront à vous conformer à l'ordre. Vous (1) apprendrez que cet ordre comporte que le fort qui vous attend dans l'autre vie, foit une

(1) Non-feulement des moyens ordinaires, mais encore extraordinaires; tels font les cantiques de louange & les actions de grace, hommages naturels que la Créature doit à fon Créateur; telle eft la Priere qui eft deftinée à rappeller aux hommes des befoins raisonnables (*) & le fouvenir d'un Pere Commun, Pfych, CCLIX.

(*) Orandum eft, ut fit mens fana in corpore fano.
Fortem pofce animam & mortis terrore carentem,
Qui fparium vitæ extremum inter munera ponat
Naturæ, qui ferre queat quofcunque labores
Nefciat irrafci, cupiat nihil, & potiores
Herculis ærumnas credat, fævo/que labores,
Et Venere, & canis, & plumis Sardanapali...

Juv. Sat. X.

fuite naturelle du bien ou du mal que vous aurez fait dans celle-ci....

J'avois été jufqu'ici tellement occupé de la matiere que je traitois, que je n'avois pas pris garde à ce qui s'étoit paffé autour de moi: mais lorfque je voulus faire une petite paufe pour reprendre haleine, je m'apperçus que fi la vérité ne fait pas toujours impreffion fur l'efprit de ceux auxquels on la prêche, cela vient fouvent de la réthori que du Prédicateur. Pere Jean, ennuyé de m'entens'étoit enivré; Vitulos s'étoit endormi, & le Compere étoit difparu: il ne reftoit plus que Diego, qui me regardoit avec deux grands yeux & la bouche béante.

CHAPITRE XLIII.

MON

Difcours de Diego, &c.

ON camarade Diego voyant que je ne parlois plus, ouvrit la bouche à fon tour, & parla

en ces termes :

Quoique je n'aye rien compris au difcours de mon cher ami Jérôme, je ne laiffe point d'affirmer que ce difcours contient des chofes comparables à tout ce que j'ai entendu dire de plus admirable par défunt mon doux maître, Pilluftre Prélat Tongarini, que Dieu abfolve ainfi que nous, quand nous ferons morts. L'indifférence de contradiction, fur-tout les motifs déterminants, les ponts, le fleuve & ceux qui s'y noient, les aveugles fans fecours, l'effet des circonstances, &c. m'ont plu au fouverain dégré; & je ne fais par quelle fatalité le redoutable Pere Jean s'eft amufé à boire, au lieu d'écouter. Je ne fais pour quelle raifon fon confrere Vitulos s'eft endormi plutôt que de veiller & j'ignore pourquoi mon cher maître s'est enfui plutôt que de demeurer.

L'intrépide Pere Jean ne devoit-il pas favoir que fi c'eft un péché mortel de fe fouler, c'en eft au moins deux, fi cela arrive quand on entend prêcher?» Comme la trop grande abondance de » pluie diffout la terre, la rend boueufe, la met » hors d'état de recevoir aucune culture, dit le » grand faint Auguftin ( 1 ); de même, lorfque no

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(1) Corpora noftra terrena funt: quomodo pluvia nimium

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