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criminel. Voici les particularités que j'ai recueillies, relativement à ce CANTILLON. C'est un homme de trente-six ans, d'une force de corps extraordinaire et d'un courage féroce. Lorsqu'il était dans le ler régiment de hussards à Elbing, il attenta à la vie de son colonel, dont il prétendait avoir reçu un affront, et il aurait été immanquablement fusillé, si sa bravoure extraordinaire ne lui avait obtenu son pardon de l'ex-empereur. Il entra alors dans les chasseurs à cheval de la vieille garde où il attira l'attention du chef-d'escadron Brice, qui a été condamné à la peine capitale par contumace, pour sa conduite pendant les cent-jours, et qui s'est réfugié dans la Belgique.

Ainsi qu'on a déjà dit, le complot contre la vie du due de Wellington, a pris son origine dans la Belgique. Les généraux Rigaud et Fressinet, les colonels Brice, Chambure et Sausset, les éditeurs des journaux révolutionnaires, Cauchois Lemaire, Isidore-Guyet, Guillois et Teste; tous ces individus et plusieurs autres paraissent avoir été dans le secret du complot, ainsi que plusieurs officiers bel ges, ci-devant compagnons d'armes des officiers français réfugiés.

CANTILLON était à Bruxelles vers la fin de 1817; il y servait le colonel Brice, à-peu-près en qualité de domestique. Ils jetterent les yeux sur lui comme sur un instrument propre à exécuter leur complot. Il accepta la mission et rentra en France pour le mettre à exécution. On à su qu'il était à Paris dès le ler. Janvier dernier, et il est probable qu'il échoua alors, à cause du trop court séjour du duc de Wellington. Cet homme avait été payé très-grassement, car on a su qu'à cette époque il avait dépensé beaucoup d'argent à Paris.

Après l'affaire du coup de pistolet, il eut l'audace extraordinaire de se présenter le 11 au matin, devant l'hôtel du duc de Wellington, probablement pour s'informer du résultat de sa tentative. Les recherches rigoureuses de la police fui ayant donné des inquiétudes, il partit de Paris le 13 de Février, deux jours après l'attentat, dans l'intention de s'embarquer à Anvers; mais comme son passeport n'était pas en regle, il fut arrêté à Charleroy, et ramené à la frontiere de France par la police belge. Etant retourné à Paris le 2 de Mars, il s'y cacha sous un nom déguisé et eu divers logements. Il sortait rarement, excepté le soir, et habillé en habit de paysan. Malgré toutes ces précautions, la police qui suivait ses pas, parvint à l'arrêter, et l'on dit

que la masse de preuves qui existent aujourd'hui contre lui, est si forte, qu'il ne peut pas éviter d'être condamné, quoiqu'on s'attende à ce qu'il n'avouera rien. Ce misérable est natif de Paris; son pere, respectable vieillard, est un modeleur; lui-même était jonaillier de son métier; mais accoutumé à la vie de vagabond, il ne travaillait pas. Il excita l'attention dans son régiment, moins par des actions brillantes que par des actes de cruauté envers ses ennemis. Les réfugiés français dans la Belgique, et quelques autres mauvais sujets avaient tellement excité son fanatisme, qu'il ne parlait jamais des étrangers, et surtout des Anglais, sans éprouver des paroxismes de rage et de fureur. D'après tout ce qu'on sait, on ne pouvait pas avoir fait choix d'un meilleur Seïde pour l'exécution de cet exécrable attentat, et s'il n'avait pas été arrêté, il en aurait probablement commis un nouveau.

Il a déjà été interrogé plusieurs fois par le comte Anglès, préfet de police: on dit qu'il persiste dans un système de dénégation absolue. Tout annonce qu'il ne tardera pas à être conduit devant une cour d'assises..

Paris, 24 Mars.

Le rapport de la commission sur le budget est maintenant un événement si important pour la France, il touche à des intérêts si pressants, que tout le monde est empressé de connaître ces tristes détails, comme pour calculer d'avance le moment où la résignation n'aura plus de sacrifices à faire. Pendant les trois heures que M. Roy passa à développer et discuter la longue kyrielle de charges ordinaires et extraordinaires qui écrasent la nation, les députés et la foule d'étrangers qui remplissaient les galeries, semblaient frappés du silence de la stupéfaction.

Plusieurs parties du discours de M. Roy firent une vive sensation. Les sommes extraordinaires, demandées pour la solde, l'entretien et les vivres de l'armée d'occupation, dépenses qui ne semblent poser sur aucune base, et aller toujours en augmentant dans une proportion qui excede les sommes immenses, destinées à les couvrir; les pensions accordées sans titres, surtout pendant l'administration du dernier ministre de la guerre; enfin, l'organisation actuelle de la marine, dont l'administration avait été rétablie par M. Malouet, dans un temps où on ne pensait

pas à autre chose qu'à renverser tout ce qui existait, sans s'informer si ce qu'on substituait présentait plus d'avantages ou d'inconvénients-tout excitait l'étonnement.

Cependant, ce qui frappa le plus l'assemblée, fut la déclaration qui termina. le rapport, et qui annonça, plus encore à l'Europe qu'à la France, que toutes les ressources de celle-ci étaient épuisées, il sera impossible de former le budget de 1819. Lorsque l'on considere que, dans le cours du rapport, la commission a loué la franchise des communications ministérielles; lorsqu'on réfléchit que les réglements économiques qu'e le propose, sont, pour ainsi dire, sanctionnées par les ministres, et qu'il n'existe entre eux et la commission aucun point de différend, si ce n'est sur quelques moyens particuliers d'opérer le plus grand bien du pays, on ne peut se dissimuler que cette déclaration alarmante doit avoir été faite après l'examen le plus rigoureux, et que c'est le cri de la nation toute entiere. La consternation a donc été générale, et l'on sait déjà que les voies et moyens que présentera M. Beugnot ne seront pas de nature à la dissiper.

Quoiqu'il en soit, les exclusifs, (lisez les exclus) ne se relâchent pas dans leur systême d'opposition combinée; ils se sont fait inscrire au nombre de quinze contre le projet; mais la majorité de la Chambre parait déjà s'être déclarée, car, dans le nombre des vingt-deux membres qui se sont fait inscrire pour parler en faveur de la loi, on remarque les plus habiles des doctrinaires (les Becquey, les` Camille-Jordan, les Royer-Collard), et les indépendants les plus décidés (MM. Casimir, Perrier, Lafitte et Délessert...... trois banquiers indépendants quand il s'agit de budget et d'emprunt! des hommes accusés d'avoir gagné au-delà de 20 pour cent dans les derniers emprunts, et qui s'apprêtent à en gagner, s'ils le peuvent, 25 dans le prochain!)

On remarque que MM. de Villele et de Corbieres ne se sont point fait inscrire pour parler contre la loi. Le bruit se répand déjà que ces deux députés, qui sont plus éclairés que leurs collégues du parti des ultra, se sont, depuis quelques jours, extrémement rapprochés du ministere.

Il est positivement décidé que les lois organiques du Concordat ne seront pas présentées aux Chambres. On a considéré sans doute que, dans un temps de calamité comme celui-ci, il ne convenait pas d'ouvrir le champ aux

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discussions de conscience, qui ont presque toujours été funestes aux empires les plus florissants. Il paraît que l'on a dit que c'était bien assez d'avoir des politiques exclusifs, sans créer encore des exclusifs en matiere de religion. On applaudit généralement à cet acte de prudence de la part du gouvernement.

La réponse du maire de Lyon, M. le Comte de Fargues, au pamphlet de colonel Fabvier, a enfin paru. Le Colonel y est traité sans cérémonie et de la maniere la plus violente. A d'autres égards, cette publication se fait remarquer par ce qu'on a aussi remarqué particulierement dans celle du général Canuel, c'est-à-dire, par la peine que l'on y prend de démontrer l'existence d'une conspiration dont personne ne doute, et un silence total sur les causes primaires de cet événement.* Ainsi il paraît clairement les soixante-cinq interrogatoires que M. de Fargues a imprimés à la fin de son pamphlet, qu'une foule d'individus avaient été égarés, et excités à s'insurger contre l'autorité légitime; mais qui les avait induits en erreur? Etaientils réellement des conspirateurs, ou des agents abandonnés de l'administration locale? Voilà ce qui doit être éclairci en réponse aux imputations du colonel Fabvier, et c'est ce qui n'a pas encore été fait.

par

Je vous dis il y a quelque temps que le capitaine Darillon, qui commandait l'escorte employée à accompagner le capitaine Oudin au supplice à St. Genis-Laval, avait été condamné à mort par contumace pour parricide. Cet homme, dont le véritable nom est Orillon, a été jugé une seconde fois à Nismes. On a tellement travaillé le juré, on a tellement intimidé les témoins protestants, enfin, on a répandu une telle terreur dans le département du Gard, que Darillon a été acquitté, quoiqu'il y eût contre lui une masse foudroyante de preuves. Police.

* Nous demandons si, d'après les principes exposés par cet écrivain des Charniers de la Police, il est un crime et un criminel qu'on ne puisse pas justifier par ce même raisonnement? La révolte, le vol, et l'assassinat ont tous des causes primaires, qui sont la misere, qu'on attribue aux taxes énormes, à la mauvaise administration, aux sangsues publiques, aux exclusifs, à la nécessité d'une réforme, enfin aux vices des autres, et jamais aux siens propres! C'est-là aussi ce que disaient les avocats des insurgés de Spa-Fields, de Manchester, de Derby et de Nottingham. Hélas! Fas versum atque nefas!

Le papier anglais d'où nous tirons cette correspondance ministérielle, fait sur le budget les réflexions suivantes:

"Nous devons dire au sujet du rapport de la commission, ainsi que nous l'avons donné à entendre plusieurs fois auparavant, que si la France est effectivement dans un état de pauvreté aussi abject que celui dans lequel on la représente sur le chapitre de ses finances, le rétablissement de son armée, de cette armée qui lui a infligé tant de malheurs, et qu'il paraît qu'aujourd'hui elle ne peut entretenir, a été une mesure bien imprudente, et qu'il semble nécessaire qu'elle le rapporte sur-le-champ. Nous n'hésiterons pas à soutenir cette these politique. Aussi nous disons hautement à la France que la justice et l'honneur doivent l'empêcher de se précipiter dans des mesures qui excedent ses moyens de finance, jusqu'à ce que ses dettes soient acquittées et les conditions de ses traités remplies. S'il est impossible d'établir le budget de 1819, si l'on n'est pas délivré de charges extraordinaires, nous demanderons s'il y a une charge plus extraordinaire, plus nouvelle, que le recrutement et la formation d'une grande armée? Tandis que la loi du recrutement se discutait dans les chambres, nous n'en avons parlé que légérement; en effet, tant que la France était fidele à ses engagements, les nations étrangeres n'avaient aucun droit de s'y opposer: mais si la France se met en avant et déclare son inhabileté à satisfaire ses engagements avec les autres puissances, alors celles-ci sont forcées de prendre en considération les causes qui ont produit cette impuissance, et le systême général de dépenses qui les a produites.

M. Roy est dans une erreur grossiere, lorsqu'il dit, en parlant de l'entretien de l'armée d'occupation, qu'il ne poss sur aucune base définie, mais qu'il est toujours allé en augmentant: il devrait se rappeler que l'armée d'occupation a été diminuée de 30,000 hommes; et certes, les Français sont aussi en état de l'entretenir aujourd'hui qu'ils l'étaient il y a deux ans. Nous ne demandons que fidélité aux engagements, et cette fidélité est egalement violée par ceux qui se mettent volontairement hors-d'état de remplir leurs obligations, et par ceux qui, le pouvant, refusent effrontément de les tenir.

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