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L'ÂGE D'OR DE LA

et majestueuse de la période latine, et partout, sous la phrase
française, éclatent la force, la richesse, la beauté, toutes
proches et vivifiantes, de la langue-mère. Le style est net,
sobre et précis; il a de la vigueur et de l'abondance, mais
l'onction manque. Trop de raisonnement, dont rien n'atté-
nue la sévérité. Toujours grave et ferme, il peut s'animer
dans les moments de passion, mais il ne s'échauffe pas, il
Suivant le mot de
ne se pare ni de couleur ni de poésie.
Bossuet,1 << Calvin a le style triste.»

- Malgré cela, c'est un très grand Son influence littéraire. écrivain, dont l'influence fut considérable sur la littérature de son siècle: d'abord, il prouva que la prose française était capable d'exprimer les plus hautes et les plus sérieuses pensées; ensuite il fit faire à la langue un progrès immenseun progrès qui la mettait subitement à un siècle du moyen âge et tout près de la période des chefs-d'œuvre.

CHAPITRE V

RONSARD ET LA PLÉIADE

I. FORMATION DE LA PLEIADE

- Marot n'avait été, au début du La poésie après Marot. XVIe siècle, qu'un brillant accident, insuffisant pour arracher la littérature au marasme dans lequel elle était tombée. Autour de lui, nombre de rimeurs s'étaient bien essayés à polir à son exemple de jolis morceaux de vers; mais rien de grand, rien de beau n'avait surgi, et, tandis que l'art renouvelé rayonnait de toute sa splendeur, la poésie languissait, semblait près de mourir.

A cet instant critique paraît un jeune gentilhomme,

1 Evêque et célèbre orateur français du XVIIe siècle.

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du duc d'Orléans, dernier fils du roi. Lorsque la sœur du jeune duc, Madeleine de France, épousa Jacques Stuart, roi d'Ecosse, elle obtint de son frère qu'il lui permit d'emmener Ronsard avec elle pour égayer un peu les premiers temps de son séjour dans ce royaume inconnu, qu'elle pressentait bien différent de la « douce France. » Quelques mois après l'arrivée, Ronsard vit la pauvre petite reine mourir de consomption. Il resta encore deux ans en Ecosse, à visiter le pays, à en apprendre la langue; puis il retourna près de son ancien maître, fit partie de différentes ambassades en Flandre, en Ecosse, en Allemagne, en Italie. Lorsqu'il rentra en France à dix-huit ans, l'ancien page était devenu un brillant gentilhomme, «merveilleux par-dessus tous ses «compagnons,» dit un contemporain, formé aux armes, à la diplomatie, et devant qui s'ouvrait une magnifique carrière de courtisan. Une maladie survint, qui le rendit sourd... force lui fut dès lors de renoncer à ses ambitions. Confiné par cette infirmité dans une espèce de solitude, il se mit à écrire des vers, d'abord par passe-temps, puis avec passion, et chercha enfin dans la poésie cette gloire qu'il avait rêvée jusque-là dans les grandes affaires ou dans les camps.

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Formation de la Pléiade. Avec deux de ses amis, JeanAntoine de Baïf et Joachim Du Bellay, il s'enferma au collège de Coqueret où pendant de longs mois, sans plus songer au reste du monde, ils étudièrent les lettres anciennes sous la direction du savant helléniste Jean Daurat. Bientôt ils s'adjoignirent trois autres étudiants, pénétrés comme eux de l'amour des poètes grecs: Pontus de Tiard, Jodelle et Rémy Belleau. Les six disciples et leur maître formaient dans le collège un petit cénacle littéraire auquel ils donnèrent le nom de Pléiade, «à l'imitation des sept excellents poètes

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