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Elle a lu dans mon cœur. Vous savez le surplus,
Et je vous en ferois des récits superflus;
Vous voyez le succès de mon lâche artifice.
Si pourtant quelque grace est due à mon indice, 4
Faites périr Euphorbe au milieu des tourments, 5
Et souffrez que je meure aux yeux de ces amants.
J'ai trahi mon ami, ma maîtresse, mon maître,
Ma gloire, mon pays, par l'avis de ce traître;
Et croirai toutefois mon bonheur infini
Si je puis m'en punir après l'avoir puni.

AUGUSTE,

En est-ce assez, ô ciel! et le sort pour me nuire
A-t-il quelqu'un des miens qu'il veuille encor séduire?
Qu'il joigne à ses efforts le secours des enfers,
Je suis maître de moi comme de l'univers;
Je le suis, je veux l'être. O siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire ;
Je triomphe aujourd'hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu'à vous.

Soyons amis, Cinna, c'est moi qui t'en convie:
Comme à mon ennemi je t'ai donné la vie ;
Et, malgré la fureur de ton lâche dessein,
Je te la donne encor comme à mon assassin.
Commençons un combat qui montre par l'issue
Qui l'aura mieux de nous ou donnée ou reçue.
Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler;
Je t'en avois comblé, je t'en veux accabler :
Avec cette beauté que je t'avois donnée
Reçois le consulat pour la prochaine année.

Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang; 7
Préfère-s-en la pourpre à celle de mon sang;.

Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère :
Te rendant un époux, je te rends plus qu'un père.
ÉMILIE.

Et je me rends, seigneur, à ces hautes bontés;
Je recouvre la vue auprès de leurs clartés :
Je connois mon forfait qui me sembloit justice;
Et, ce que n'avoit pu la terreur du supplice,
Je sens naître en mon ame un repentir puissant;
Et mon cœur en secret me dit qu'il y consent.

Le ciel a résolu votre grandeur suprême;

Et pour preuve, seigneur, je n'en veux que moi-même :
J'ose avec vanité me donner cet éclat, 8

Puisqu'il change mon cœur, qu'il veut changer l'état.
Ma haine va mourir, que j'ai crue immortelle ;
Elle est morte, et ce cœur devient sujet fidèle ;
Et prenant désormais cette haine en horreur,
L'ardeur de vous servir succède à sa fureur.

CINNA.

Seigneur, que vous dirai-je après que nos offenses
Au lieu de châtiments trouvent des récompenses?
O vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend
Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus grand !

AUGUSTE.

Cesse d'en retarder un oubli magnanime;
Et tous deux avec moi faites grace à Maxime :
Il nous a trahis tous; mais ce qu'il a commis
Vous conserve innocents, et me rend mes amis.
(à Maxime.)

Reprends auprès de moi ta place accoutumée ;
Reutre dans ton crédit et dans ta renommée.

Qu'Euphorbe de tous trois ait sa grace à son tour. Et que demain l'hymen couronne leur amour: Si tu l'aimes encor, ce sera ton supplice.

MAXIME.

Je n'en murmure point, il a trop de justice;
Et je suis plus confus, seigneur, de vos bontés,
Que je ne suis jaloux du bien que vous m'ôtez.

CINNA.

Souffrez que ma vertu dans mon cœur rappelée
Vous consacre une foi lâchement violée,
Mais si ferme à présent, si loin de chanceler,
Que la chute du ciel ne pourroit l'ébranler.

Puisse le grand moteur des belles destinées Pour prolonger vos jours retrancher nos années; Et moi, par un bonheur dont chacun soit jaloux, Perdre pour vous cent fois ce que je tiens de vous.

LIVIE.

10

Ce n'est pas tout, seigneur; une céleste flamme D'un rayon prophétique illumine mon ame. Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi; De votre heureux destin c'est l'immuable loi.

Après cette action vous n'avez rien à craindre; On portera le joug désormais sans se plaindre; Et les plus indomtés, renversant leurs projets, Mettront toute leur gloire à mourir vos sujets; Aucun lâche dessein, aucune ingrate envie N'attaquera le cours d'une si belle vie; Jamais plus d'assassins, ni de conspirateurs: Vous avez trouvé l'art d'être maître des cœurs. Rome avec une joie et sensible et profonde Se démet en vos mains de l'empire du monde;

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Vos royales vertus lui vont trop enseigner
Que son bonheur consiste à vous faire régner:
D'une si longue erreur pleinement affranchie,
Elle n'a plus de vœux que pour la monarchie,
Vous prépare déjà des temples, des autels,
Et le ciel une place entre les immortels;

Et la postérité, dans toutes les provinces,
Donnera votre exemple aux plus généreux princes.

AUGUSTE.

J'en accepte l'augure, et j'ose l'espérer.
Ainsi toujours les dieux vous daignent inspirer!
Qu'on redouble demain les heureux sacrifices
Que nous leur offrirons sous de meilleurs auspices;
Et que vos conjurés entendent publier
Qu'Auguste a tout appris, et veut tout oublier.

FIN DE CINNA.

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