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u'un de vous deux me tue, et que l'autre me venge: lors votre combat n'aura plus rien d'étrange;

t du moins l'un des deux sera juste agresseur,

u pour venger sa femme, ou pour venger sa sceur.
lais quoi! vous souilleriez une gloire si belle,
i vous vous animiez par quelque autre querelle :
Le zèle du pays vous défend de tels soins;

Vous feriez peu pour lui si vous vous étiez moins: 3
I lui faut, et sans haine, immoler un beau-frère.
e différez donc plus ce que vous devez faire ;
Commencez par sa sœur à répandre son sang,
Commencez par sa femme à lui percer le flanc,
Commencez par Sabine à faire de vos vies

Un digne sacrifice à vos chères patries:

Vous êtes ennemis en ce combat fameux,

Vous d'Albe, vous de Rome, et moi de toutes deux.
Quoi! me réservez-vous à voir une victoire 4
Où, pour haut appareil d'une pompeuse gloire,
Je verrai les lauriers d'un frère ou d'un mari
Fumer encor d'un sang que j'aurai tant chéri?
Pourrai-je entre vous deux régler alors mon ame,
Satisfaire aux devoirs et de sœur et de femme,
Embrasser le vainqueur en pleurant le vaincu?
Non, non, avant ce coup Sabine aura vécu:
Ma mort le préviendra, de qui que je l'obtienne;
Le refus de vos mains y condamne la mienne.
Sus donc, qui vous retient? Allez, coeurs inhumains,
J'aurai trop de moyens pour y forcer vos mains;
Vous ne les aurez point au combat occupées,
Que ce corps au milieu n'arrête vos épées ;
Et, inalgré vos refus, il faudra que leurs coups
Se fassent jour ici pour aller jusqu'à vous.

O ma femme!

Vous poussez.

HORACE.

CURIACE.

O ma sœur!

CAMILLE.

Courage! ils s'amollissent.

SABINE.

des soupirs! vos visages pâlissent!

Quelle peur vous saisit? Sont-ce là ces grands cœurs, Ccs héros qu'Albe et Rome ont pris pour défenseurs?

HORACE.

Que t'ai-je fait, Sabine? et quelle est mon offense 5
Qui t'oblige à chercher une telle vengeance?
Que t'a fait mon honneur? et par quel droit viens-tu
Avec toute ta force attaquer ma vertu?

6

Du moins contente-toi de l'avoir étonnée,
Et me laisse achever cette grande journée.
Tu me viens de réduire en un étrange point:
Aime assez ton mari pour n'en triompher point.
Va-t-en, et ne rends plus la victoire douteuse;
La dispute déjà m'en est assez honteuse:
Souffre qu'avec honneur je termine mes jours.

SABINE.

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Va, cesse de me craindre; on vient à ton secours.

SCÈNE VII.

LE VIEIL HORACE, HORACE, CURIACE, SABINE, CAMILLE.

LE VIEIL HORACE.

QU'EST-CE ci, mes enfants? écoutez-vous vos flammes ?
Et perdez-vous encor le temps avec des femmes ? 2
Prêts à verser du sang, regardéz-vous des pleurs ?
Fuyez, et laissez-les déplorer leurs malheurs.
Leurs plaintes ont pour vous trop d'art et de tendresse:
Elles vous feroient part enfin de leur foiblesse;
Et ce n'est qu'en fuyant qu'on pare de tels coups.

SABINE.

N'appréhendez rien d'eux, ils sont dignes de vous.
Malgré tous nos efforts, vous en devez attendre
Ce que vous souhaitez et d'un fils et d'un gendre:
Et si notre foiblesse ébranloit leur honneur,
Nous vous laissons ici pour leur rendre du cœur.

Allons, ma sœur, allons, ne perdons plus de larmes ;
Contre tant de vertu ce sont de foibles armes :
Ce n'est qu'au désespoir qu'il nous faut recourir.
Tigres, allez combattre ; et nous, allons mourir.

SCÈNE VIII.

LE VIEIL HORACE, HORACE, CURIACE.

HORACE.

Mon père; retenez des femmes qui s'emportent,
Et, de grace, empêchez surtout qu'elles ne sortent:

Leur amour importun viendroit avec éclat
Par des cris et des pleurs troubler notre combat;
Et ce qu'elles nous sont feroit qu'avec justice
On nous imputeroit ce mauvais artifice.

L'honneur d'un si beau choix seroit trop acheté,
Si l'on nous soupçonnoit de quelque lâcheté.

LE VIEIL HORACE.

J'en aurai soin. Allez vos frères vous attendent;
Ne pensez qu'aux devoir que vos pays demandent. 1

CURIACE.

Quel adieu vous dirai-je ? et par quels compliments......

LE VIEIL HORACE.

Ah! n'attendrissez point ici mes sentiments :
Pour vous encourager ma voix manque de termes;
Mon cœur ne forme point de pensers assez fermes;
Moi-même en cet adieu j'ai les larmes aux yeux.
Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux. 2

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIÈME.

I

SCÈNE I. 1

SABINE.

PRENONS

RENONS parti, mon ame, en de telles disgraces;
Soyons femme d'Horace, ou sœur des Curiaces;
Cessons de partager nos inutiles soins;

Souhaitons quelque chose, et craignons un peu moins.
Mais, las! quel parti prendre en un sort si contraire?
Quel ennemi choisir, d'un époux, ou d'un frère ?
La nature ou l'amour parle pour chacun d'eux,
Et la loi du devoir m'attache à tous les deux.
Sur leurs hauts sentiments réglons plutôt les nôtres;
Soyons femme de l'un ensemble et sœur des autres;
Regardons leur honneur comme un souverain bien;
Imitons leur constance, et ne craignons plus rien:
La mort qui les menace est une mort si belle,
Qu'il en faut sans frayeur attendre la nouvelle.
N'appelons point alors les destins inhumains;
Songeons pour quelle cause, et non par quelles mains ;
Revoyons les vainqueurs, sans penser qu'à la gloire
Que toute leur maison reçoit de leur victoire;
Et, sans considérer aux dépens de quel sang
Leur vertu les élève en cet illustre rang, 2
Faisons nos intérêts de ceux de leur famille :
En l'une je suis femme, en l'autre je suis fille;

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