Page images
PDF
EPUB

Bible, afin d'en composer les chants de cette se- | engendre les trois cent soixante jours de l'année

maine consacrée au plus grand des martyrs, qui est aussi la plus grande des douleurs. Il n'y avoit pas jusqu'aux litanies qui n'eussent des cris ou des élans admirables, témoin ces versets des litanies de la Providence:

Providence de Dieu, consolation de l'âme pèlerine;
Providence de Dieu, espérance du pécheur délaissé;
Providence de Dieu, calme dans les tempêtes;
Providence de Dieu, repos du cœur, etc.,
Ayez pitié de nous.

Enfin nos cantiques gaulois, les noëls même de nos aïeux, avoient aussi leur mérite; on y sentoit la naïveté, et comme la fraîcheur de la foi. Pourquoi, dans nos missions de campagne, se sentoit-on attendri, lorsque des laboureurs venoient à chanter au salut :

Adorons tous, ô mystère ineffable!
Un Dieu caché, etc.

C'est qu'il y avoit dans ces voix champêtres un accent irrésistible de vérité et de conviction. Les noëls, qui peignoient les scènes rustiques, avoient un tour plein de grâce dans la bouche de la paysanne. Lorsque le bruit du fuseau accompagnoit ses chants, que ses enfants, appuyés sur ses genoux, écoutoient avec une grande attention l'histoire de l'Enfant-Jésus et de sa crèche, on auroit en vain cherché des airs plus doux et une religion plus convenable à une mère.

CHAPITRE IV.

DES SOLENNITÉS DE L'ÉGLISE.

DU DIMANCHE.

Nous avons déjà fait remarquer' la beauté de ce septième jour, qui correspond à celui du repos du Créateur; cette division du temps fut connue de la plus haute antiquité. Il importe peu de savoir à présent si c'est une obscure tradition de la création transmise au genre humain par les enfants de Noé, ou si les pasteurs retrouvèrent cette division par l'observation des planètes; mais il est du moins certain qu'elle est la plus parfaite qu'aucun législateur ait employée. Indépendamment de ses justes relations avec la force des hommes et des animaux, elle a ces harmonies géométriques que les anciens cherchoient toujours à établir entre les lois particulières et les lois générales de l'univers; elle donne le six pour le travail; et le six, par deux multiplications.

Première partie, liv. n, chap. I.

antique, et les trois cent soixante degrés de la circonférence. On pouvoit donc trouver magnificence et philosophie dans cette loi religieuse, qui divisoit le cercle de nos labeurs ainsi que le cercle décrit par les astres dans leur révolution; comme si l'homme n'avoit d'autre terme de ses fatigues que la consommation des siècles, ni de moindres espaces à remplir de ses douleurs, que tous les temps.

Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile; mais il n'est ni beau, ni commode dans les autres rapports de la vie, et dans les équations célestes. La nature l'emploie rarement: il gêne l'année et le cours du soleil ; et la loi de la pesanteur ou de la gravitation, peut-être l'unique loi de l'univers, s'accomplit par le carré, et non par le quintuple des distances. Il ne s'accorde pas davantage avec la naissance, la croissance et le développement des espèces : presque toutes les femelles portent par le trois, le neuf, le douze, qui appartient au calcul seximal1.

On sait maintenant, par expérience, que le cinq est un jour trop près, et le dix un jour trop loin pour le repos. La Terreur, qui pouvoit tout en France, n'a jamais pu forcer le paysan à remplir la décade, parce qu'il y a impuissance dans les forces humaines, et même, comme on l'a remarqué, dans les forces des animaux. Le bœuf ne peut labourer neuf jours de suite; au bout du sixième, ses mugissements semblent demander les heures marquées par le Créateur pour le repos général de la créature 2.

Le dimanche réunissoit deux grands avantages: c'étoit à la fois un jour de plaisir et de religion. Il faut sans doute que l'homme se délasse de ses travaux ; mais comme il ne peut être atteint dans ses loisirs par la loi civile, le soustraire en ce moment à la loi religieuse, c'est le délivrer de tout frein, c'est le replonger dans l'état de nature, et lâcher une espèce de sauvage au milieu de la société. Pour prévenir ce danger, les anciens même avoient fait aussi du jour de repos un jour religieux; et le christianisme avoit consacré cet exemple.

Cependant cette journée de la bénédiction de la terre, cette journée du repos de Jéhovah, choqua les esprits d'une Convention qui avoit

[blocks in formation]

fait alliance avec la mort, parce qu'elle étoit digne d'une telle société. Après six mille ans d'un consentement universel; après soixante siècles d'Hosannah, la sagesse des Danton, levant la tête, osa juger mauvais l'ouvrage que l'Éternel avoit trouvé bon. Elle crut qu'en nous replongeant dans le chaos, elle pourroit substituer la tradition de ses ruines et de ses ténèbres à celle de la naissance de la lumière et de l'ordre des mondes; elle voulut séparer le peuple françois des autres peuples, et en faire, comme les Juifs, une caste ennemie du genre humain : un dixième jour, auquel s'attachoit pour tout honneur la mémoire de Robespierre, vint remplacer cet antique sabbath, lié au souvenir du berceau des temps, ce jour sanctifié par la religion de nos pères, chômé par cent millions de chrétiens sur la surface du globe, fêté par les saints et les milices célestes, et, pour ainsi dire, gardé par Dieu même dans les siècles de l'éternité.

CHAPITRE V.

EXPLICATION DE LA MESSE.

Il y a un argument si simple et si naturel en faveur des cérémonies de la messe, que l'on ne conçoit pas comment il est échappé aux catholiques dans leurs disputes avec les protestants. Qu'est-ce qui constitue le culte dans une religion quelconque? C'est le sacrifice. Une religion qui n'a pas de sacrifice n'a pas de culte proprement dit. Cette vérité est incontestable, puisque, chez les divers peuples de la terre, les cérémonies religieuses sont nées du sacrifice, et que ce n'est pas le sacrifice qui est sorti des cérémonies religieuses. D'où il faut conclure que le seul peuple chrétien qui ait un culte est celui qui conserve une immolation.

Le principe étant reconnu, on s'attachera peutêtre à combattre la forme. Si l'objection se réil n'est difficile de prouver que la messe est le plus beau, le plus mystérieux et le plus divin des sacrifices.

duit à ces termes,

pas

Une tradition universelle nous apprend que la créature s'est jadis rendue coupable envers le Créateur. Toutes les nations ont cherché à apaiser le ciel ; toutes ont cru qu'il falloit une victime; toutes en ont été si persuadées, qu'elles ont commencé par offrir l'homme lui-même en holocauste: c'est le sauvage qui eut d'abord recours à ce ter

1 Sap., cap. 1, v. 16.

CHATEAUBRIAND. - TOME 1.

rible sacrifice, comme étant plus près, par sa na. ture, de la sentence originelle, qui demandoit la mort de l'homme.

Aux victimes humaines, on substitua dans la suite le sang des animaux ; mais dans les grandes calamités on revenoit à la première coutume; des oracles revendiquoient les enfants mêmes des rois : la fille de Jephté, Isaac, Iphigénie, furent réclamés par le ciel; Curtius et Codrus se dévouérent pour Rome et Athènes.

Cependant le sacrifice humain dut s'abolir le premier, parce qu'il appartenoit à l'état de nature, où l'homme est presque tout physique; on continua longtemps à immoler des animaux : mais quand la société commença à vieillir, quand on vint à réfléchir sur l'ordre des choses divines, on s'aperçut de l'insuffisance du sacrifice matériel; on comprit que le sang des boucs et des génisses ne pouvoit racheter un être intelligent et capable de vertu. On chercha donc une hostie plus digne de la nature humaine. Déjà les philosophes enseignoient que les dieux ne se laissent point toucher par des hécatombes, et qu'ils n'acsus-Christ confirma ces notions vagues de la raison. ceptent que l'offrande d'un cœur humilié : JéL'Agneau mystique, dévoué pour le salut unil'immolation de l'homme physique fut à jamais versel, remplaça le premier-né des brebis; et à substituée l'immolation des passions, ou le sacrifice de l'homme moral.

Plus on approfondira le christianisme, plus on verra qu'il n'est que le développement des lumières naturelles, et le résultat nécessaire de la vieillesse de la société. Qui pourroit aujourd'hui souffrir le sang infect des animaux autour d'un

autel, et croire que la dépouille d'un bœuf rend le ciel favorable à nos prières ? Mais l'on conçoit fort bien qu'une victime spirituelle, offerte chaque jour pour les péchés des hommes, peut être agréable au Seigneur.

térieur, il falloit un signe, symbole de la victime Toutefois, pour la conservation du culte exmorale. Jésus-Christ, avant de quitter la terre, pourvut à la grossièreté de nos sens, qui ne peul'Eucharistie, où, sous les espèces visibles du vent se passer de l'objet matériel: il institua pain et du vin, il cacha l'offrande invisible de du sacrifice chrétien; explication qui ne blesse son sang et de nos cœurs. Telle est l'explication ni le bon sens ni la philosophie; et si le lecteur veut la méditer un moment, peut-être lui ou

13

[ocr errors]

vrira-t-elle quelques nouvelles vues sur les saints abîmes de nos mystères.

CHAPITRE VI.

CÉRÉMONIES ET PRIÈRES DE LA MESSE.

Il ne reste donc plus qu'à justifier les rites du sacrifice (40). Or, supposons que la messe soit une cérémonie antique dont on trouve les prières et la description dans les jeux séculaires d'Horace, ou dans quelques tragédies grecques: comme nous ferions admirer ce dialogue qui ouvre le sacrifice chrétien !

*. Je m'approcherai de l'autel de Dieu.

Du Dieu qui réjouit ma jeunesse.

*. Faites luire votre lumière et votre vérité; elles m'ont conduit dans vos tabernacles et sur votre montagne sainte.

L'épître succède au cantique. L'ami du Rédempteur du monde, Jean, fait entendre des paroles pleines de douceur, ou le sublime Paul, insultant à la mort, découvre les mystères de Dieu. Prêt à lire une leçon de l'Évangile, le prêtre s'arrête et supplie l'Éternel de purifier ses lèvres avec le charbon de feu dont il toucha les lèvres d'Isaïe. Alors les paroles de Jésus-Christ retentissent dans l'assemblée : c'est le jugement sur la femme adultère; c'est le Samaritain versant le baume dans les plaies du voyageur; ce sont les petits enfants bénis dans leur innocence.

Que peuvent faire le prêtre et l'assemblée, après avoir entendu de telles paroles? Déclarer sans doute qu'ils croient fermement à l'existence d'un Dieu qui laissa de tels exemples à la terre. Le symbole de la foi est donc chanté en triomphe. La philosophie, qui se pique d'applaudir aux grandes

*. Je m'approcherai de l'autel de Dieu, du choses, auroit dû remarquer que c'est la preDieu qui réjouit ma jeunesse.

*. Je chanterai vos louanges sur la harpe, 6 Seigneur! Mais, mon áme, d'où vient ta tristesse, et pourquoi me troubles-tu?

Espérez en Dieu, etc.

Ce dialogue est un véritable poëme lyrique entre le prêtre et le catéchumène le premier, plein de jours et d'expérience, gémit sur la misère de l'homme pour lequel il va offrir le sacrifice; le second, rempli d'espoir et de jeunesse, chante la victime par qui il sera racheté.

Vient ensuite le Confiteor, prière admirable par sa moralité. Le prêtre implore la miséricorde du Tout-Puissant pour le peuple et pour luimême.

Le dialogue recommence.

*. Seigneur, écoutez ma prière!

*. Et que mes cris s'élèvent jusqu'à vous. Alors le sacrificateur monte à l'autel, s'incline, et baise avec respect la pierre qui, dans les anciens jours, cachoit les os des martyrs.

Souvenir des catacombes.

En ce moment le prêtre est saisi d'un feu divin comme les prophètes d'Israël, il entonne le cantique chanté par les anges sur le berceau du Sauveur, et dont Ézéchiel entendit une partie dans la nue.

« Gloire à Dieu dans les hauteurs du ciel, et paix aux hommes de bonne volonté sur la terre! Nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous adorons, Roi du ciel, dans votre gloire immense! etc. »

[ocr errors]

mière fois que tout un peuple a professé publiquement le dogme de l'unité d'un Dieu : Credo in unum Deum.

Cependant le sacrificateur prépare l'hostie pour lui, pour les vivants, pour les morts. Il présente le calice: « Seigneur, nous vous offrons la coupe de notre salut. » Il bénit le pain et le vin. «< Venez, Dieu éternel, bénissez ce sacrifice. » 11 lave ses mains.

« Je laverai mes mains entre les innocents.... Oh! ne me faites point finir mes jours parmi ceux qui aiment le sang.

ע

[blocks in formation]
[ocr errors]

Enfin l'on touche au moment redoutable. Le canon, où la loi éternelle est gravée, vient de s'ouvrir la consécration s'achève par les paroles mêmes de Jésus-Christ. « Seigneur, dit le prêtre en s'inclinant profondément, que l'hostie sainte vous soit agréable comme les dons d'Abel le juste, comme le sacrifice d'Abraham notre patriarche, comme celui de votre grand prêtre Melchisédech. Nous vous supplions d'ordonner que ces dons soient portés à votre autel sublime par les mains de votre ange, en présence de votre divine majesté. »

ser à la fête où nous célébrons le nom du Seigneur (42)?

Aussitôt que l'aurore a annoncé la fête du Roi du monde, les maisons se couvrent de tapisseries de laine et de soie, les rues se jonchent de fleurs, et les cloches appellent au temple la troupe des fidèles. Le signal est donné : tout s'ébranle, et la pompe commence à défiler.

On voit paroître d'abord les corps qui composent la société des peuples. Leurs épaules sont chargées de l'image des protecteurs de leurs tribus, et quelquefois des reliques de ces hommes

A ces mots le mystère s'accomplit, l'Agneau qui, nés dans une classe inférieure, ont mérité descend pour être immolé :

O moment solennel! ce peuple prosterné,

Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,

Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques;
Cette lampe d'airain qui, dans l'antiquité,

Symbole du soleil et de l'éternité,

Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue;

La majesté d'un Dieu parmi nous descendue;

Les pleurs, les vœux, l'encens qui monte vers l'autel,
Et de jeunes beautés qui sous l'œil maternel,
Adoucissent encor par leur voix innocente
De la religion la pompe attendrisante;
Cet orgue qui se tait, ce silence pieux,
L'invisible union de la terre et des cieux,

Tout enflamme, agrandit, émeut l'homme sensible :
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Où sur des harpes d'or l'immortel séraphin
Aux pieds de Jéhovah chante l'hymne sans fin.
Alors de toutes parts un Dieu se fait entendre;
Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre:
Il doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir1 (41).

CHAPITRE VII.

LA FÊTE-DIEU.

d'être adorés des rois par leurs vertus sublime leçon que la religion chrétienne a seule donnée à la terre.

Après ces groupes populaires, on voit s'élever l'étendard de Jésus-Christ, qui n'est plus un signe de douleur, mais une marque de joie. A pas lents s'avance sur deux files une longue suite de ces époux de la solitude, de ces enfants du torrent et du rocher, dont l'antique vêtement retrace à la mémoire d'autres mœurs et d'autres siècles. Le clergé séculier vient après ces solitaires : quelquefois des prélats, revêtus de la pourpre romaine, prolongent encore la chaîne religieuse. Enfin le pontife de la fête apparoît seul dans le lointain. Ses mains soutiennent la radieuse Eucharistie, qui se montre sous un dais à l'extrémité de la pompe, comme on voit quelquefois le soleil briller sous un nuage d'or, au bout d'une avenue illuminée de ses feux.

Il n'en est pas des fêtes chrétiennes comme des cérémonies du paganisme; on n'y traîne pas en Cependant des groupes d'adolescents marchent triomphe un boeuf-dieu, un bouc sacré; on n'est entre les rangs de la procession : les uns présenpas obligé, sous peine d'être mis en prison, d'a- tent les corbeilles de fleurs, les autres les vases dorer un chat ou un crocodile, ou de se rouler des parfums. Au signal répété par le maître des ivre dans les rues, en commettant toutes sortes pompes, les choristes se retournent vers l'image d'abominations pour Vénus, Flore ou Bacchus : du soleil éternel, et font voler des roses effeuildans nos solennités, tout est essentiellement mo- lées sur son passage. Des lévites, en tuniques ral. Si l'Église en a seulement banni les danses, blanches, balancent l'encensoir devant le Trèsc'est qu'elle sait combien de passions se cachent Haut. Alors des chants s'élèvent le long des lignes sous ce plaisir en apparence innocent. Le Dieu saintes: le bruit des cloches et le roulement des des chrétiens ne demande que les élans du cœur canons annoncent que le Tout-Puissant a franchi et les mouvements égaux d'une âme qui règle le le seuil de son temple. Par intervalles, les voix et paisible concert des vertus. Et quelle est, par les instruments se taisent, et un silence aussi maexemple, la solennité païenne qu'on peut oppo- jestueux que celui des grandes mers' dans un Le jour des Morts, par M. DE FONTANES. La Harpe a dit jour de calme, règne parmi cette multitude reque ce sont là vingt des plus beaux vers de la langue fran-cueillie: on n'entend plus que ses pas mesurés coise; nous ajouterons qu'ils peignent avec la dernière exactifade le sacrifice chrétien.

• Elles sont cependant en usage dans quelques pays, comme dans l'Amérique méridionale, parce que parmi les sauvages chrétiens il règne encore une grande innocence.

sur les pavés retentissants.

Mais où va-t-il, ce Dieu redoutable dont les

Bibl. Sacra.

puissances de la terre proclament ainsi la majesté? | voit paroître tout le clergé destiné à la cérémonie: Il va se reposer sous des tentes de lin, sous des arches de feuillages, qui lui présentent, comme au jour de l'ancienne alliance, des temples innocents et des retraites champêtres. Les humbles de cœur, les pauvres, les enfants le précèdent; les juges, les guerriers, les potentats le suivent. Il marche entre la simplicité et la grandeur, comme en ce mois qu'il a choisi pour sa fête, il se montre aux hommes entre la saison des fleurs et celle des foudres.

Les fenêtres et les murs de la cité sont bordés d'habitants dont le cœur s'épanouit à cette fête du Dieu de la patrie : le nouveau-né tend les bras au Jésus de la montagne, et le vieillard, penché vers la tombe, se sent tout à coup délivré de ses craintes ; il ne sait quelle assurance de vie le remplit de joie à la vue du Dieu vivant.

Les solennités du christianisme sont coordonnées d'une manière admirable aux scènes de la nature. La fête du Créateur arrive au moment où la terre et le ciel déclarent sa puissance, où les bois et les champs fourmillent de générations nouvelles : tout est uni par les plus doux liens; il n'y a pas une seule plante veuve dans les cam

[blocks in formation]

c'est un vieux pasteur qui n'est connu que sous le nom de curé; et ce nom vénérable, dans lequel est venu se perdre le sien, indique moins le ministre du temple que le père laborieux du troupeau. Il sort de sa retraite, bâtie auprès de la demeure des morts, dont il surveille la cendre. Il est établi dans son presbytère, comme une garde avancée aux frontières de la vie, pour recevoir ceux qui entrent et ceux qui sortent de ce royaume des douleurs. Un puits, des peupliers, une vigne autour de sa fenêtre, quelques colombes, composent l'héritage de ce roi des sacrifices.

Cependant l'apôtre de l'Évangile, revêtu d'un simple surplis, assemble ses ouailles devant la grande porte de l'église; il leur fait un discours, fort beau sans doute, à en juger par les larmes de l'assistance. On lui entend souvent répéter: Mes enfants, mes chers enfants; et c'est là tout le secret de l'éloquence du Chrysostôme cham. pêtre.

Après l'exhortation, l'assemblée commence à marcher en chantant: « Vous sortirez avec plaisir, et vous serez reçu avec joie ; les collines bondiront et vous entendront avec joie. » L'étendard des saints, antique bannière des temps chevaleresques, ouvre la carrière au troupeau, qui suit pêle-mêle avec son pasteur. On entre dans des chemins ombragés et coupés profondément par la roue des chars rustiques; on franchit de hautes barrières formées d'un seul tronc de chêne; on voyage le long d'une haie d'aubépine où bourdonne l'abeille, et où sifflent les bouvreuils et

les merles. Les arbres sont couverts de leurs
fleurs ou parés d'un naissant feuillage. Les bois,
les vallons, les rivières, les rochers entendent
tour à tour les hymnes des laboureurs. Étonnés
de ces cantiques, les hôtes des champs sortent
des blés nouveaux,
et s'arrêtent à quelque dis-
tance, pour voir passer la pompe villageoise.
La procession rentre enfin au hameau. Chacun
retourne à son ouvrage : la religion n'a pas voulu
que le jour où l'on demande à Dieu les biens de
la terre fût un jour d'oisiveté. Avec quelle espé-
rance on enfonce le soc dans le sillon, après avoir
imploré celui qui dirige le soleil et qui garde dans
ses trésors les vents du midi et les tièdes ondées!
Pour bien achever un jour si saintement com-
mencé, les anciens du village viennent, à l'en-
trée de la nuit, converser avec le curé, qui prend
son repas du soir sous les peupliers de sa cour.

« PreviousContinue »