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Rédemption, pour montrer que la théorie du | perpétuent comme les maladies du corps, et l'homme se trouve puni, dans sa dernière postérité, de la faute qui lui fit prendre le premier levain du crime.

christianisme n'est pas aussi absurde qu'on affecte de le penser.

Une tradition universelle nous apprend que l'homme a été créé dans un état plus parfait que celui où il existe à présent, et qu'il y a eu une chute. Cette tradition se fortifie de l'opinion des philosophes de tous temps et de tous pays, qui n'ont jamais pu se rendre compte de l'homme moral, sans supposer un état primitif de perfection, d'où la nature humaine est ensuite déchue par sa faute'.

Si l'homme a été créé, il a été créé pour une fin quelconque : or, étant créé parfait, la fin à laquelle il étoit appelé ne pouvoit être que parfaite.

Mais la cause finale de l'homme a-t-elle été altérée par sa chute? Non, puisque l'homme n'a pas été créé de nouveau; non, puisque la race humaine n'a pas été anéantie, pour faire place à une autre race.

Ainsi l'homme, devenu mortel et imparfait par sa désobéissance, est resté toutefois avec les fins immortelles et parfaites. Comment parviendra-t-il à ses fins dans son état actuel d'imperfection? Il ne le peut plus par sa propre énergie, par la même raison qu'un homme malade ne peut s'élever à la hauteur de pensées à laquelle un homme sain peut atteindre. Il y a donc disproportion entre la force et le poids à soulever par cette force: ici l'on entrevoit déjà la nécessité d'un aide ou d'une rédemption.

« Ce raisonnement, dira-t-on, seroit bon pour le premier homme; mais nous, nous sommes capables de nos fins. Quelle injustice et quelle absurdité de penser que nous soyons tous punis de la faute de notre premier père ! »

Sans décider ici si Dieu a tort ou raison de nous rendre solidaires, tout ce que nous savons et tout ce qu'il nous suffit de savoir à présent, c'est que cette loi existe. Nous voyons que partout le fils innocent porte le châtiment dû au père coupable; que cette loi est tellement liée au principe des choses, qu'elle se répète jusque dans l'ordre physique de l'univers. Quand un enfant vient à la vie, gangrené des débauches de son père, pourquoi ne se plaint-on pas de la nature? car enfin, qu'a fait cet innocent pour porter la peine des vices d'autrui? Hé bien, les maladies de l'âme se

1 Vid. PLAT., ARIST., SEN., les SS. PP., PASCAL, GROT., ARN., etc.

La chute ainsi avérée par la tradition universelle, par la transmission ou la génération du mal moral et physique; d'une autre part, les fins de l'homme étant restées aussi parfaites qu'avant la désobéissance, quoique l'homme lui-même soit dégénéré, il suit qu'une rédemption ou un moyen quelconque de rendre l'homme capable de ses fins est une conséquence naturelle de l'état où est tombée la nature humaine.

La nécessité d'une rédemption une fois admise, cherchons l'ordre où nous pourrons la trouver. Cet ordre peut être pris ou dans l'homme ou audessus de l'homme.

Dans l'homme. Pour supposer une rédemption, il faut que le prix soit au moins en raison de la chose à racheter. Or, comment supposer que l'homme imparfait et mortel se pût offrir lui-même pour regagner une fin parfaite et immortelle ?Comment l'homme, participant à la faute primitive, auroit-il pu suffire, tant pour la portion du péché qui le regarde, que pour celle qui concerne le reste du genre humain? Un tel dévouement ne demandoit-il pas un amour et une vertu au-dessus de la nature? Il semble que le ciel ait voulu laisser s'écouler quatre mille années, depuis la chute jusqu'au rétablissement, afin de donner le temps aux hommes de juger par eux-mêmes combien leurs vertus dégradées étoient insuffisantes pour un pareil sacrifice.

Il ne reste donc que la seconde supposition : à savoir, que la rédemption devoit procéder d'une condition au-dessus de l'homme. Voyons si elle pouvoit venir des êtres intermédiaires entre lui et Dieu.

Milton eut une belle idée lorsqu'il supposa qu'après le péché, l'Éternel demanda au ciel consterné s'il y avoit quelque puissance qui voulût se dévouer pour le salut de l'homme. Les divines hiérarchies demeurèrent muettes, et parmi tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs, de dominations, d'anges et d'archanges, nul ne se sentit assez de force pour s'offrir au sacrifice. Cette pensée du poëte est d'une rigoureuse vérité en théologie. En effet, où les anges auroient-ils pris pour l'homme l'immense amour que suppose le mystère de la croix? Nous dirons en outre que la plus sublime des puissances créées n'auroit pas même eu assez

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de force pour l'accomplir. Aucune substance angélique ne pouvoit, par la foiblesse de son essence, se charger de ces douleurs, qui, selon Massillon, unirent sur la tête de Jésus-Christ toutes les angoisses physiques que la punition de tous les péchés commis depuis le commencement des races pouvoit supposer, et toutes les peines morales, tous les remords qu'avoient dû éprouver les pécheurs en commettant le crime. Si le Fils de l'Homme lui-même trouva le calice amer, comment un ange l'eût-il porté à ses lèvres? Il n'auroit jamais pu boire la lie, et le sacrifice n'eût point été consommé.

Nous ne pouvions done avoir pour rédempteur qu'une des trois personnes existantes de toute éternité : or, de ces trois divines personnes, on voit que le Fils, par sa nature même, devoit être le seul à nous racheter. Amour qui lie entre elles les parties de l'univers, Milieu qui réunit les extrêmes, Principe vivifiant de la nature, il pouvoit seul réconcilier Dieu avec l'homme. Il vint, ce nouvel Adam, homme selon la chair par Marie, homme selon la morale par son Évangile, homme selon Dieu par son essence. Il naquit d'une vierge, pour ne point participer à la faute originelle et pour être une victime sans tache; il reçut le jour dans une étable, au dernier degré des conditions humaines, parce que nous étions tombés par l'orgueil : ici commence la profondeur du mystère; l'homme se trouble et les voiles s'abaissent.

Ainsi le but que nous pouvions atteindre avant la désobéissance nous est proposé de nouveau, mais la route pour y parvenir n'est plus la même. Adam innocent y seroit arrivé par des chemins enchantés: Adam pécheur n'y peut monter qu'au travers des précipices. La nature a changé depuis la faute de notre premier père, et la rédemption n'a pas eu pour objet de faire une création nouvelle, mais de trouver un salut final pour la première. Tout donc est resté dégénéré avec l'homme; et ce roi de l'univers, qui, d'abord né immortel, devoit s'élever, sans changer d'existence, au bonheur des puissances célestes, ne peut plus maintenant jouir de la présence de Dieu sans passer par les déserts du tombeau, comme parle saint Chrysostôme. Son âme a été sauvée de la destruction finale par la rédemption; mais son corps, joignant à la fragilité naturelle de la matière la foiblesse accidentelle du péché, subit la sentence primitive dans toute sa rigueur : il tombe, il se

fond, il se dissout. Dieu, après la chute de nos premiers pères, cédant à la prière de son fils, et ne voulant pas détruire tout l'homme, inventa la mort comme un demi-néant, afin que le pécheur sentit l'horreur de ce néant entier, auquel il eût été condamné sans les prodiges de l'amour céleste.

Nous osons présumer que s'il y a quelque chose de clair en métaphysique, c'est la chaîne de ce raisonnement. Ici, point de mots mis à la torture, point de divisions et de subdivisions, point de termes obscurs ou barbares. Le christianisme n'est point composé de ces choses, comme les sarcasmes de l'incrédulité voudroient nous le faire croire. L'Évangile a été prêché au pauvre d'esprit, et il a été entendu du pauvre d'esprit; c'est le livre le plus clair qui existe: sa doctrine n'a point son siége dans la tête, mais dans le cœur; elle n'apprend point à disputer, mais à bien vivre. Toutefois elle n'est pas sans secrets. Ce qu'il y a de véritablement ineffable dans l'Écriture, c'est ce mélange continuel des plus profonds mystères et de la plus extrême simplicité, caractères d'où naissent le touchant et le sublime. Il ne faut donc plus s'étonner que l'œuvre de Jésus-Christ parle si éloquemment; et telles sont encore les vérités de notre religion, malgré leur peu d'appareil scientifique, qu'un seul point admis vous force d'admettre tous les autres. Il y a plus : si vous espérez échapper en niant le principe, tel, par exemple, que le péché originel, bientôt, poussés de conséquence en conséquence, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme : dès l'instant où vous reconnoissez un Dieu, la religion chrétienne arrive malgré vous avec tous ses dogmes, comme l'ont remarqué Clarke et Pascal. Voilà, ce nous semble, une des plus fortes preuves en faveur du christianisme.

Au reste, il ne faut pas s'étonner que celui qui fait rouler, sans les confondre, ces millions de globes sur nos têtes, ait répandu tant d'harmonie dans les principes d'un culte établi par lui; il ne faut pas s'étonner qu'il fasse tourner les charmes et les grandeurs de ses mystères dans le cercle d'une logique inévitable, comme il fait revenir les astres sur eux-mêmes pour nous ramener ou les fleurs ou les foudres des saisons. On a peine à concevoir le déchaînement du siècle contre le christianisme. S'il est vrai que la religion soit nécessaire aux hommes, comme l'ont cru tous les philosophes, par quel culte veut-on remplacer

celui de nos pères? On se rappellera longtemps ces jours où des hommes de sang prétendirent élever des autels aux vertus sur les ruines du christianisme. D'une main ils dressoient des échafauds; de l'autre, sur le frontispice de nos temples, ils garantissoient à Dieu l'éternité, et à l'homme la mort; et ces mêmes temples, où l'on voyoit autrefois ce Dieu qui est connu de l'univers, ces images de Vierge qui consoloient tant d'infortunés, ces temples étoient dédiés à la Vérité, qu'aucun homme ne connoît, et à la Raison, qui n'a jamais séché une larme!

CHAPITRE V.

DE L'INCARNATION.

L'Incarnation nous présente le souverain des cieux dans une bergerie, celui qui lance la foudre, entouré de bandelettes de lin, celui que l'univers ne peut contenir, renfermé dans le sein d'une femme. L'antiquité eût bien su tirer parti de cette merveille. Quels tableaux Homère et Virgile ne nous auroient-ils pas laissés de la nativité d'un Dieu dans une crèche, des pasteurs accourus au berceau, des Mages conduits par une étoile, des anges descendant dans le désert, d'une Vierge mère adorant son nouveau-né, et de tout ce mélange d'innocence, d'enchantement et de grandeur !

Ceux qui ne découvrirent dans la chaste Reine des anges que des mystères d'obscurité, sont bien à plaindre. Il nous semble qu'on pourroit dire quelque chose d'assez touchant sur cette femme mortelle, devenue une mère immortelle d'un Dieu rédempteur; sur cette Marie à la fois vierge et mère, les deux états les plus divins de la femme; sur cette jeune fille de l'antique Jacob, qui vient au secours des misères humaines, et sacrifie un fils pour sauver la race de ses pères. Cette tendre médiatrice entre nous et l'Éternel ouvre avec la douce vertu de son sexe un cœur plein de pitié à nos tristes confidences, et désarme un Dieu irrité: dogme enchanté qui adoucit la terreur d'un Dieu, en interposant la beauté entre notre néant et la majesté divine!

Les cantiques de l'Église nous peignent la bienheureuse Marie assise sur un trône de candeur, plus éclatant que la neige; elle brille sur ce trône comme une rose mystérieuse1, ou comme l'étoile du matin, précurseur du soleil de la grâce 2; les plus beaux anges la servent, les harpes et les voix célestes forment un concert autour d'elle; on reconnoît dans cette fille des hommes le refuge des pécheurs3, la consolation des affligés; elle ignore les saintes colères du Seigneur, elle est toute bonté, toute compassion, tout indulgence.

Marie est la divinité de l'innocence, de la foiblesse et du malheur. La foule de ses adorateurs

En laissant à part ce que nos mystères ont de dans nos églises se compose de pauvres matelots direct et de sacré, on pourroit retrouver encore qu'elle a sauvés du naufrage, de vieux invalides sous leurs voiles les vérités les plus ravissantes qu'elle a arrachés à la mort, sous le fer des ennede la nature. Ces secrets du ciel, sans parler de mis de la France, de jeunes femmes dont elle a leur partie mystique, sont peut-être le type des calmé les douleurs. Celles-ci apportent leurs nourlois morales et physiques du monde : cela seroit rissons devant son image, et le cœur du nouveautrès-digne de la gloire de Dieu, et l'on entrever-né, qui ne comprend pas encore le Dieu du ciel, roit alors pourquoi il lui a plu de se manifester dans comprend déjà cette divine mère qui tient un ences mystères, de préférence à tout autre qu'il eût pu choisir. Jésus-Christ (par exemple, ou le monde moral), prenant naissance dans le sein d'une Vierge, nous enseigneroit le prodige de la création physique, et nous montreroit l'univers se formant dans le sein de l'amour céleste. Les paraboles et les figures de ce mystère seroient ensuite gravées dans chaque objet autour de nous.

Partout, en effet, la force naît de la grâce : le fleuve sort de la fontaine; le lion est d'abord nourri d'un lait pareil à celui que suce l'agneau ; et parmi les hommes, le Tout-Puissant a promis la gloire du ciel à ceux qui pratiquent les plus humbles vertus.

fant dans ses bras.

CHAPITRE VI.

LES SACREMENTS.

LE BAPTÊME ET LA CONFESSION.

Si les mystères accablent l'esprit par leur grandeur, on éprouve une autre sorte d'étonnement, mais qui n'est peut-être pas plus profond, en contemplant les sacrements de l'Église. La connois

' Rosa mystica.
2 Stella matutina.

3 Refugium peccatorum.

Consolatrix afflictorum.

sance de l'homme civil et moral est renfermée tout | en disant ephpheta, ouvrez-vous. On lé faisoit

entière dans ces institutions.

Le Baptême, le premier des sacrements que la religion confère à l'homme, selon la parole de l'Apôtre, le revêt de Jésus-Christ. Ce sacrement nous rappelle la corruption où nous sommes nés, les entrailles douloureuses qui nous portèrent, les tribulations qui nous attendent dans ce monde; il nous dit que nos fautes rejailliront sur nos fils, que nous sommes tous solidaires : terrible enseignement qui suffiroit seul, s'il étoit bien médité, pour faire régner la vertu parmi les hommes.

Voyez le néophyte debout au milieu des ondes du Jourdain le solitaire du rocher verse l'eau lustrale sur sa tête; le fleuve des patriarches, les chameaux de ses rives, le temple de Jérusalem, les cèdres du Liban, paroissent attentifs, ou plutôt regardent ce jeune enfant sur les fontaines sacrées. Une famille pleine de joie l'environne; elle renonce pour lui au péché; elle lui donne le nom de son aïeul, qui devient immortel dans cette renaissance perpétuée par l'amour de race en race. Déjà le père s'empresse de reprendre son fils, pour le reporter à une épouse impatiente qui compte sous ses rideaux tous les coups de la cloche baptismale. On entoure le lit maternel : des pleurs d'attendrissement et de religion coulent de tous les yeux; le nouveau nom de l'enfant, l'antique nom de son ancêtre, est répété de bouche en bouche; et chacun mêlant les souvenirs du passé aux joies présentes, croit reconnoître le vieillard dans le nouveau-né qui fait revivre sa mémoire. Tels sont les tableaux que présente le sacrement du Baptême ; mais la religion, toujours morale, toujours sérieuse, alors même qu'elle est plus riante, nous montre aussi le fils des rois dans sa pourpre, renonçant aux grandeurs de Satan, à la même piscine où l'enfant du pauvre en haillons vient abjurer des pompes auxquelles pourtant il ne sera point condamné.

On trouve dans saint Ambroise une description curieuse de la manière dont s'administroit le sacrement de Baptême dans les premiers siècles de l'Église1. Le jour choisi pour la cérémonie étoit le samedi saint. On commençoit par toucher les narines et par ouvrir les oreilles du catéchumène,

AMEROS., de Myst. Tertullien, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, parlent aussi du Baptême, mais moins en détail que saint Ambroise. C'est dans les six livres des Sacrements, faussement attribués à ce Père, qu'on voit la circonstance des trois immersions et du touchement des narines que nous rapportons ici.

ensuite entrer dans le Saint des Saints. En présence du diacre, du prêtre et de l'évêque, il renonçoit aux œuvres du démon. Il se tournoit vers l'occident, image des ténèbres, pour abjurer le monde, et vers l'orient, symbole de lumière, pour marquer son alliance avec Jésus-Christ. L'évêque faisoit alors la bénédiction du bain, dont les eaux, selon saint Ambroise, indiquent les mystères de l'Écriture : la création, le déluge, le passage de la mer Rouge, la nuée, les eaux de Mara, Naaman, et le paralytique de la piscine. Les eaux ayant été adoucies par le signe de la croix, on y plongeoit trois fois le catéchumène en l'honneur de la Trinité, et en lui enseignant que trois choses rendent témoignage dans le Baptême: l'eau, le sang et l'esprit.

Au sortir du Saint des Saints, l'évêque faisoit à l'homme renouvelé l'onction sur la tête, afin de le sacrer de la race élue et de la nation sacerdotale du Seigneur. Puis on lui lavoit les pieds, on lui mettoit des habits blancs, comme un vêtement d'innocence; après quoi il recevoit daus le sacrement de Confirmation l'esprit de crainte divine, l'esprit de sagesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de doctrine et de piété. L'évêque prononçoit à haute voix les paroles de l'Apôtre : Dieu le Père vous a marqué de son sceau. Jésus-Christ, Notre-Seigneur, vous a confirmé : il a donné à votre cœur les arrhes du Saint-Esprit.

Le nouveau chrétien marchoit alors à l'autel pour y recevoir le pain des anges, en disant : J'entrerai à l'autel du Seigneur, du Dieu qui réjouit ma jeunesse. A la vue de l'autel couvert de vases d'or, de flambeaux, de fleurs, d'étoffes de soie, le néophyte s'écrioit avec le Prophète: Vous avez préparé une table devant moi; c'est le Seigneur qui me nourrit, rien ne me manquera, il m'a établi dans un lieu abondant en pâturage. La cérémonie se terminoit par le sacrifice de la messe. Ce devoit être une fête bien auguste que celle où les Ambroise donnoient au pauvre innocent la place qu'ils refusoient à l'empereur coupable!

S'il n'y a pas dans ce premier acte de la vie chrétienne un mélange divin de théologie et de morale, de mystères et de simplicité, rien ne sera jamais divin en religion.

Mais, considéré dans une sphère plus élevée, et comme figure du mystère de notre rédemption, le Baptême est un bain qui rend à l'âme sa vi

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CHAPITRE VII.

DE LA COMMUNION.

gueur première. On ne peut se rappeler sans | religion chrétienne d'avoir fait deux sœurs de
regret la beauté des anciens jours, alors que les l'innocence et du repentir.
forêts n'avoient pas assez de silence, les grottes
pas assez de profondeur, pour les fidèles qui
yenoient y méditer les mystères. Ces chrétiens
primitifs, témoins de la rénovation du monde,
étoient occupés de pensées bien différentes de
celles qui nous courbent aujourd'hui vers la terre,
nous tous chrétiens vieillis dans le siècle, et non
pas dans la foi. En ce temps-là la sagesse étoit
sur les rochers, dans les 'antres avec les lions,
et les rois alloient consulter le solitaire de la
montagne. Jours trop tôt évanouis! il n'y a plus
de saint Jean au désert, et l'heureux catéchu-
mène ne sentira plus couler sur lui ces flots du
Jourdain, qui emportoient aux mers toutes ses
souillures.

La Confession suit le Baptême, et l'Église, avec une prudence qu'elle seule possède, a fixé l'époque de la Confession à l'âge où l'idée du crime peut être conçue: il est certain qu'à sept ans l'enfant a les notions du bien et du mal. Tous les hommes, les philosophes même, quelles qu'aient été d'ailleurs leurs opinions, ont regardé le sacrement de Pénitence comme une des plus fortes barrières contre le vice, et comme le chefd'œuvre de la sagesse. « Que de restitutions, de * réparations, dit Rousseau, la Confession ne fait-elle point faire chez les catholiques ! » Selon Voltaire, «< la Confession est une chose très-excellente, un frein au crime, inventé dans l'antiquité la plus reculée. On se confessoit dans la célébration de tous les anciens mystères. Nous avons imité et sanctifié cette sage coutume: elle est très-bonne pour engager les cœurs ulcérés de haine à pardonner'. »

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Sans cette institution salutaire, le coupable tomberoit dans le désespoir. Dans quel sein déchargeroit-il le poids de son cœur? Seroit-ce dans celui d'un ami? Eh! qui peut compter sur l'amitié des hommes? Prendra-t-il les déserts pour confidents? Les déserts retentissent toujours pour le crime du bruit de ces trompettes que le parricide Néron croyoit ouïr autour du tombeau de sa mère 3. Quand la nature et les hommes sont impitoyables, il est bien touchant de trouver un Dieu prêt à pardonner : il n'appartenoit qu'à la

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C'est à douze ans, c'est au printemps de l'année, que l'adolescent s'unit à son créateur. Après avoir pleuré la mort du Rédempteur du monde avec les montagnes de Sion, après avoir rappelé les ténèbres qui couvrirent la terre, la chrétienté sort de la douleur : les cloches se raniment ; les saints se dévoilent, le cri de la joie, l'antique alleluia d'Abraham et de Jacob fait retentir le dôme des églises. De jeunes filles vêtues de lin, et des garçons parés de feuillages, marchent sur une route semée des premières fleurs de l'année; ils s'avancent vers le temple, en répétant de nouveaux cantiques; leurs parents les suivent; bientôt le Christ descend sur l'autel pour ces âmes délicates. Le froment des anges est déposé sur la langue véridique qu'aucun mensonge n'a encore souillée; tandis que le prêtre boit, dans le vin pur, le sang méritoire de l'Agneau.

Dans cette solennité, Dieu rappelle un sacrifice sanglant, sous les espèces les plus paisibles. Aux incommensurables hauteurs de ces mystères se mêlent les souvenirs des scènes les plus riantes. La nature ressuscite avec son créateur, et l'ange du printemps semble lui ouvrir les portes du tombeau, comme cet Esprit de lumière qui dérangea la pierre du glorieux Sépulcre. L'âge des tendres communiants et celui de la naissante année confondent leurs jeunesses, leurs harmonies et leurs innocences. Le pain et le vin annoncent les dons des champs prêts à mûrir, et retracent les tableaux de l'agriculture; enfin, Dieu descend dans les âmes de ces enfants pour les féconder, comme il descend, en cette saison, dans le sein de la terre, pour lui faire porter ses fleurs et ses richesses.

Mais, dira-t-on, que signifie cette Communion mystique, où la raison est obligée de se soumettre à une absurdité, sans aucun profit pour les mœurs? Qu'on nous permette d'abord de répondre, en général, pour tous les rites chrétiens, qu'ils sont de la plus haute moralité, par cela seul qu'ils ont été pratiqués par nos pères, par cela seul que nos mères ont été chrétiennes sur nos berceaux; enfin, parce que la religion a chanté autour du cercueil de nos aïeux, et souhaité la paix à leurs cendres.

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